23/12/2024

Appel à contribution à la revue Bidaya – numéro 5

Affiche pour l'appel à contribution étudiante à la revue Bidaya 5 sur "Les (dé)mobilisations autour de la Palestine"
Affiche pour l'appel à contribution étudiante à la revue Bidaya 5 sur "Les (dé)mobilisations autour de la Palestine"

Les (dé)mobilisations autour de la Palestine

 » ليت الأطفال لا يموتون ليتهم يرفعون الى السماء مؤقتاً ريثما تنتهي الحرب ثم يعودون إلى بيوتهم آمنين ! وحين يسألهم الأهل محتارين: أين كنتم ؟ يقولون فرحين « كنا نلعب مع النجوم » ـ غسان كنفاني.

« Si seulement les enfants ne mouraient pas ! Qu’ils soient élevés temporairement vers le ciel, le temps que la guerre se termine, puis qu’ils rentrent chez eux en sécurité ! Et lorsque leurs parents, perplexes, leur demanderaient : “Où étiez-vous ?”, ils répondraient joyeusement : “Nous jouions avec les étoiles.” »
Ghassan Kanafani

Date limite d’envoi

des propositions de textes :

30 juin 2025

Si la production de savoirs sur la Palestine a toujours été un défi, l’époque que nous vivons accroît considérablement cette difficulté. En effet, les chercheurs et leurs lecteurs sont en droit de se demander aujourd’hui si une étude supplémentaire sur le sujet est susceptible d’apporter une contribution significative face à la tragédie humaine actuelle. Pourtant, dans le contexte de la guerre génocidaire israélienne en cours et de la répression de sa contestation, la recherche demeure essentielle (Amnesty, 2024). Plus que jamais, il est crucial de continuer de parler de la Palestine pour contrer le profond sentiment d’impuissance ressenti par beaucoup.

Même si le 7 octobre 2023 s’inscrit dans une continuité historique, cette date marque un moment charnière dans le conflit israélo-palestinien. La portée des attaques du Hamas contre Israël a surpris de nombreux observateurs, tout comme l’intensité disproportionnée de la réponse militaire israélienne contre Gaza. Dès le sixième jour de guerre, les rapports indiquaient qu’Israël, seule puissance nucléaire du Moyen-Orient, avait largué 6 000 bombes sur une population assiégée, dont la majorité est constituée de réfugiés. L’ampleur de la destruction est alors devenue évidente. Ce même jour, l’armée israélienne ordonna le déplacement de 1,1 million de Palestiniens vers le sud de la ligne de Wadi Gaza. Au septième jour, Raz Segal, historien de la Shoah, décrivait déjà la situation comme « un cas d’école de génocide » (Erakat, 2024).

Malgré le fait que l’assaut israélien, soutenu par des puissances mondiales, ait surpassé les offensives précédentes en intensité, il importe de rappeler que ces actions s’inscrivent dans une continuité historique du colonialisme de peuplement israélien (Sayegh, 1965 ; Wolfe, 2006). À la lumière de ce constat, des questions légitimes affleurent : en quoi les dynamiques actuelles diffèrent-elles de la vision expansionniste du sionisme ? Comment ces pratiques coloniales de peuplement s’entrecroisent-elles avec l’ampleur de la destruction et l’émergence de nouveaux phénomènes politiques ? Ces développements soulèvent également d’autres questions sur la façon dont ce modus operandi colonial s’accommode d’une notion de changement irréversible. De nouvelles dynamiques politiques de grande importance émergent, parmi lesquelles des mobilisations transnationales. L’implication juridique d’autres États et la montée en puissance des mouvements étudiants en Europe et aux États-Unis sont par exemple emblématiques de cette mutation.

C’est à la lumière de ce contexte que le prochain numéro de Bidaya invite à déplier ces différents enjeux, autour des trois axes suivants :

Axe 1 : historiciser la cause palestinienne

Une des pistes de recherche que nous invitons à explorer serait la contextualisation des événements du 7 octobre 2023 au sein d’un cadre historique plus large. En examinant les problèmes enracinés au cœur du conflit israélo-palestinien et leurs ramifications régionales, nous pourrons retracer l’évolution de ces dynamiques sur le temps long. À titre d’exemple, il serait intéressant de revisiter, à travers l’étude de nouvelles sources primaires et d’archives inédites, les « grands événements historiques » tels que la Nakba, les guerres de 1967 et 1973 ou les accords d’Oslo. Il s’agirait également de remettre en question la tendance, tant de l’historiographie que des observateurs informés, à centrer l’histoire de la Palestine autour de ces moments politiques. Il est essentiel dans ce sens de donner une plus grande place au vécu quotidien des Palestiniens, à leurs luttes et à leurs résistances, en évitant de se focaliser exclusivement sur l’histoire politique stricto sensu et en explorant les aspects culturels, économiques et sociaux du militantisme en Palestine (Shwaikh, 2023 ; Bayat, 2013). Les chercheurs pourraient donc se concentrer sur des micro-histoires ou des récits biographiques qui incarnent la (dé)mobilisation autour de la Palestine, en mettant en lumière la convergence entre les récits individuels et les bouleversements géopolitiques. De telles analyses pourraient contribuer à une compréhension plus fine des continuités et des ruptures de la lutte palestinienne, vues à travers des expériences personnelles et collectives (Abdallah, 2007 ; Bontemps, 2012).

Axe 2 : (dé)mobilisations et activisme transnational

Les (dé)mobilisations qui ont émergé dans le monde en réponse aux récentes évolutions de la cause palestinienne offrent un autre axe de recherche. En effet, nous avons assisté à l’émergence de protestations tantôt spontanées, tantôt organisées, en lien ou non avec des réseaux militants préexistants (Maineult, 2021). Les campements dirigés par des étudiants à l’université de Columbia, résonnant par des actions similaires dans plus de 150 autres institutions dans le monde, illustrent une forte résistance à ce qui est dénoncé comme une complicité institutionnelle vis-à-vis de l’occupation. Parallèlement, des manifestations de masse organisées dans des villes telles que Washington et Londres ont rassemblé des centaines de milliers de personnes réclamant un cessez-le-feu. Des actions directes, comme celles menées à Oakland et Tacoma, où des militants ont réussi à bloquer des navires transportant des munitions à destination d’Israël, illustrent des formes de militantisme qui impliquent un engagement important de la part des individus. Parmi ces types de mobilisations, les initiatives artistiques liées à la cause palestinienne ne doivent pas être oubliées (Slitine, 2023). Examiner l’intersection de ces mouvements avec d’autres luttes (anti-coloniales, féministes, queer et anti-impérialistes) fournirait un panorama général de la manière dont la solidarité transnationale est aujourd’hui réinventée. Il convient également de ne pas se limiter aux seules mobilisations en faveur de la Palestine, mais d’examiner aussi celles qui s’y opposent, afin de mieux appréhender le jeu de perspective qui y préside, tels que la socialisation, l’influence des médias ainsi que les convictions et les trajectoires individuelles de chacun (Gross et al., 2017).

Axe 3 : réactions des États et implications géopolitiques

Les réactions des États et des institutions internationales face au conflit mériteraient enfin une attention particulière. L’implication juridique de l’Afrique du Sud, portant des accusations de génocide contre Israël devant la Cour internationale de justice, et les mandats d’arrêt émis par la Cour pénale internationale témoignent par exemple de nouvelles dynamiques – malgré les blocages et les signes d’essoufflement exprimés par l’Organisation des Nations unies. D’autres exemples notables seraient les campagnes de désinvestissement au Danemark et en Belgique, les décisions des tribunaux néerlandais d’interdire les transferts militaires et l’embargo énergétique imposé par la Colombie. Les réactions gouvernementales et diplomatiques des pays arabes et musulmans doivent aussi être prises en considération, car leur rôle et leur intérêt dans la question sont cruciaux, comme l’a démontré l’invasion israélienne du Liban. De telles investigations pourraient approfondir notre compréhension de la manière dont les réponses des États, ainsi que le potentiel et les limites du droit international, façonnent le discours actuel sur la Palestine.

Pour le prochain numéro de la revue Bidaya, nous vous invitons donc à soumettre des contributions en sciences sociales autour de ces trois axes, avec un intérêt particulier pour les études interdisciplinaires et les recherches de terrain. La date limite pour l’envoi des propositions est le 30 juin 2025. Les communications de 3 000 signes environ, accompagnées d’une brève bibliographie et d’une courte présentation du rédacteur, sont à envoyer à l’adresse suivante : bidaya@carep-paris.org. Les propositions comme les articles peuvent être rédigés en français, en anglais ou en arabe. Le comité de lecture se réunira une première fois pour une présélection. Un courriel sera alors envoyé aux rédacteurs fin juin 2025 afin de les informer de l’acceptation ou du refus de leur proposition. Les rédacteurs dont la proposition aura été retenue disposeront d’environ deux mois et demi pour rédiger l’article (en suivant la feuille de style de la revue), et l’envoyer le 15 septembre 2025 à l’adresse bidaya@carep-paris.org. Le comité de lecture se réunira une seconde fois afin de sélectionner les articles qui seront publiés. La sélection de la proposition de communication n’entraîne donc pas automatiquement la publication de l’article, soumis au comité de lecture. Les rédacteurs recevront un courriel les informant de la publication ou du refus de leur article.

 

Bibliographie sélective :

Stéphanie Latte Abdallah, « Regards, visibilité historique et politique des images sur les réfugiés palestiniens depuis 1948 », Le Mouvement social, 219-220, 2007, p. 65‑91.

Amnesty international, « La population palestinienne de Gaza victime d’un génocide », 5 déc. 2024. URL : https://www.amnesty.fr/actualites/rapport-genocide-palestiniens-gaza-commis-par-etat-israel

Asef Bayat, 2013, Life as Politics. How Ordinary People Change the Middle East, Redwood, Stanford University Press, 2013.

Véronique Bontemps, « Le temps de traverser le pont. Pratiques et perceptions de temporalités dans les Territoires palestiniens occupés », Temporalités, 15, 2012.

Leyla Dakhli et Stéphanie Latte Abdallah, « Un autre regard sur les espaces de l’engagement. Mouvements et figures féminines dans le Moyent-Orient contemporain », Le Mouvement social, 231, 2010, p. 3‑7.

Noura Erakat, « Nothing Will Ever Be the Same Again », The Nation, 7 oct. 2024. URL : https://www.thenation.com/article/world/one-year-protesting-to-stop-genocide/

Martine Gross, Sophie Nizard et Yann Scioldo-Zurcher (dir.), Gender, Families and Transmission in the Contemporary Jewish Context, Newcastle, Cambridge Scholars Publishing, 2017.

Stéphanie Latte Abdallah et Cédric Parizot, Israël-Palestine. L’illusion de la séparation, Aix-en-Provence, Presses universitaires de Provence, 2017.

Thomas Maineult, « “Palestine vaincra !” Acteurs, réseaux et pratiques concrètes de l’engagement en faveur de la cause palestinienne en France (années 1960-années 1980) », Les Cahiers Sirice, 27, 2021, p. 31-38.

Abdullah Fayez Sayegh, Zionist Colonialism in Palestine, Beyrouth, Research Center, OLP, 1965.

Abaher El Sakka , 2013, « Sociologie des mouvements protestataires sociaux palestiniens », Confluences Méditerranée, 86, 2013, p. 171‑183.

Malaka Shwaikh, 2023, « Beyond Expectations of Resilience. Towards a Language of Care », Global Studies Quarterly, 3, 2023, p. 1-13.

Marion Slitine, 2023, « Les “métamorphoses du politique” dans l’art contemporain de la Palestine post-Oslo », Revue internationale de politique comparée, 30, 2023, p. 105‑138.
Patrick Wolfe, « Settler Colonialism and the Elimination of the Native », Journal of Genocide Research, 8, 2006, p. 387‑409.
Elia Zureik, Israel’s Colonial Project in Palestine. Brutal Pursuit, Londres-New York, Routledge, 2016.