Alors que le monde s’engage résolument dans la transition énergétique, l’hydrogène vert s’impose comme une solution prometteuse pour décarboner nos économies. Produit par électrolyse de l’eau[1] à partir d’électricité exclusivement issue d’énergies renouvelables – solaire ou éolienne –, il est issu d’un processus sans émissions de carbone, se distinguant ainsi de l’hydrogène gris, majoritairement fabriqué à partir de combustibles fossiles avec de lourdes émissions de CO2, et de l’hydrogène bleu, dont les émissions fossiles sont partiellement capturées et stockées.
Au cœur de cette révolution énergétique, la Méditerranée apparaît comme un carrefour stratégique incontournable. Bénéficiant d’un potentiel solaire et éolien exceptionnel mais confrontée à des défis géopolitiques et hydriques majeurs, cette région est appelée à jouer un rôle clé dans la redéfinition des équilibres énergétiques et des partenariats entre l’Europe et les pays du Sud méditerranéen.
Pour la chercheuse marocaine Ayat-Allah Bouramdane, l’hydrogène va être un élément majeur dans la décarbonation, surtout dans les secteurs où les solutions électriques classiques montrent leurs limites, les transports lourds– l’aviation ou le fret maritime – ou les industries très énergivores, l’acier ou le ciment par exemple[2]. Un autre atout majeur de l’hydrogène, c’est sa capacité à stocker de l’énergie sur le long terme. Contrairement aux batteries qui ne peuvent stocker l’électricité que pour quelques heures ou quelques jours, l’hydrogène permet un stockage saisonnier. Il s’inscrit ainsi aux côtés d’autres solutions de stockage à long terme, comme les stations de transfert d’énergie par pompage (STEP) – ces stations qui pompent de l’eau vers un réservoir en hauteur quand il y a trop d’électricité, puis la laissent redescendre pour produire de l’énergie quand on en a besoin – ou encore le stockage gravitaire d’énergie. Dans ce cas, on soulève un poids très lourd quand il y a beaucoup d’électricité, et on le laisse redescendre plus tard : la gravité fait tourner une machine qui génère de l’électricité au bon moment. Ces technologies sont indispensables pour intégrer davantage d’énergies renouvelables, comme le soleil ou le vent, qui ne produisent pas tout le temps, dans notre système énergétique. Mais l’hydrogène, ce n’est pas que ça. Le gaz contribue aussi à la décarbonation de l’agriculture. Pour fabriquer l’ammoniac, un composant essentiel des engrais azotés, on combine de l’azote et de l’hydrogène grâce au procédé Haber-Bosch. En utilisant de l’hydrogène vert, on peut réduire de manière significative l’empreinte carbone de ce secteur souvent négligé dans la lutte contre le changement climatique. Et au-delà de l’industrie et de l’agriculture, l’hydrogène peut aussi fournir de l’énergie propre aux bâtiments, complétant ainsi cette grande mosaïque qu’est la transition énergétique.

Ayat-Allah Bouramdane
Ayat-Allah Bouramdane est ingénieure en énergie et docteure de l’Institut Polytechnique de Paris. Ses recherches portent sur la modélisation et l’optimisation des systèmes énergétiques face au changement climatique, avec une approche interdisciplinaire. Elle a enseigné dans le supérieur à Rabat et a également été professeure invitée en France. Ses travaux ont été présentés dans des conférences internationales et cités par des institutions telles que le PNUE, le Conseil international pour la science et l’Africa Adaptation Initiative.
Cependant, au-delà du fait que l’hydrogène est une pièce maîtresse de ce puzzle complexe, offrant des solutions là où d’autres technologies butent encore, Ayat-Allah Bouramdane insiste sur la nécessité impérieuse de construire une transition énergétique non extractiviste, dans laquelle les pays du Sud ne seraient pas réduits à produire de l’énergie verte pour le Nord sans bénéficier des retombées économiques, des transferts de compétences ou d’un réel renforcement de leur souveraineté. Une transition où les logiques historiques de domination et d’inégalités Nord-Sud ne seraient pas simplement reproduites à travers de nouvelles ressources – en l’occurrence, l’hydrogène vert à la place des énergies fossiles. Aujourd’hui, on observe que plusieurs pays du Sud, riches en soleil, en vent ou en ressources critiques comme les terres rares, tendent à devenir des fournisseurs d’énergie propre et de matières premières pour soutenir les ambitions de décarbonation du Nord. Sur le papier, cela semble une solution intéressante pour tous. Mais dans les faits, si cette dynamique n’est pas encadrée politiquement et économiquement, elle risque de perpétuer les mêmes schémas délétères : extraction sans transformation au niveau local, sans industrialisation et sans retombées significatives pour les populations concernées. Ce qu’il faut défendre, c’est une transition énergétique fondée sur une coopération équitable, mutuellement bénéfique, où les pays du Sud ne sont pas de simples fournisseurs d’énergie, mais des co-acteurs souverains. Des pays capables de mobiliser leurs ressources d’abord pour répondre à leurs propres besoins, de renforcer leurs chaînes de valeurs locales, de créer des emplois qualifiés, d’accéder aux technologies et de développer leur souveraineté énergétique. Une transition qui ne se fasse pas que par eux, mais avec eux, c’est ce que défend Ayat-Allah Bouramdane.
L’Union européenne mise fortement sur l’hydrogène vert dans son plan de transition énergétique. Selon vous, quelle est la place concrète de l’hydrogène dans la stratégie énergétique européenne à l’horizon 2030 et 2050 ?
Ayat-Allah Bouramdane : L’Union européenne a effectivement présenté, dès juillet 2020, une stratégie visant à faire de l’hydrogène vert un pilier de neutralité climatique d’ici 2050, conformément au « Pacte vert pour l’Europe » (ou European Green Deal), une feuille de route multisectorielle qui a été lancée par la Commission européenne en 2019, visant à transformer en profondeur nos modes de production et de consommation. Elle est également renforcée par le plan « REPowerEU », lancé en mai 2022 dans le contexte de la guerre en Ukraine, afin de réduire rapidement la dépendance de l’Union aux combustibles fossiles russes.
Très concrètement, cette stratégie se décline en plusieurs étapes. Pour la première phase, couvrant la période 2020-2024, l’objectif était d’atteindre une capacité de 6 GW d’électrolyseurs et de produire jusqu’à un million de tonnes d’hydrogène vert par an. Mais cet objectif n’a pas été atteint. Les données du Joint Research Centre de la Commission européenne montrent qu’à ce jour la capacité installée n’atteint qu’environ 1 GW, avec une mise en service prévue d’ici fin 2025, et une production estimée à seulement 0,02 million de tonnes par an. On est donc encore loin des ambitions initiales pour 2024. La deuxième phase, prévue pour la période 2025-2030, vise à changer d’échelle, avec un objectif d’au moins 40 GW de capacité d’électrolyseurs, et une production annuelle d’au moins 10 millions de tonnes. Au-delà de 2030, l’objectif est d’intégrer pleinement l’hydrogène dans l’offre énergétique européenne afin d’atteindre la neutralité carbone. Cela veut dire que l’hydrogène ne sera plus un simple complément ou une technologie émergente, mais un vecteur énergétique clé, produit à grande échelle pour remplacer les combustibles fossiles dans les secteurs difficiles à décarboner où l’électrification directe (par batteries ou par réseau électrique) n’est pas techniquement ou économiquement viable.
Pour financer ce programme, la Commission européenne prévoit des investissements massifs, entre 180 et 470 milliards d’euros d’ici 2050, via des programmes comme InvestEU ou Horizon Europe, qui mobilisent des fonds publics et privés. Par ailleurs, la stratégie encourage également la recherche, l’innovation, la croissance économique et la création d’emplois dans la filière hydrogène, notamment grâce à des partenariats publics-privés comme le Clean Hydrogen Partnership, lancé en 2021.
À l’échelle nationale, les États membres déclinent cette stratégie selon leurs priorités. Quand on compare les objectifs de capacité installée d’électrolyse à l’horizon 2030, l’Espagne affiche le plan le plus ambitieux de l’UE avec 12 GW, suivie de près par l’Allemagne avec 10 GW, puis par le Portugal avec 5,5 GW, l’Italie et le Royaume-Uni avec 5 GW chacun, et enfin la France avec 4,5 GW. Pour cette dernière, l’objectif a été révisé à la baisse, passant des 6,5 GW initialement prévus en 2030 à 4,5 GW, et des 10 GW en 2035 à 8 GW.
Ces ambitions élevées s’expliquent par plusieurs facteurs. D’une part, ces pays disposent d’industries lourdes importantes et de secteurs de transport lourd qui nécessitent des solutions de décarbonation efficaces – l’hydrogène en fait partie. D’autre part, certains pays comme la France, qui bénéficie déjà d’une électricité largement décarbonée grâce au nucléaire, ou l’Espagne, le Portugal, l’Italie et l’Allemagne, dotés d’un fort potentiel en énergies renouvelables, peuvent produire de l’hydrogène vert compétitif à grande échelle. Ils disposent aussi de réseaux électriques flexibles et bien interconnectés à l’échelle européenne, ce qui facilite l’intégration de nouvelles sources. Enfin, ces pays disposent de budgets conséquents. La France, par exemple, à travers sa stratégie nationale lancée en 2020 et révisée en avril 2025, prévoit de consacrer 9 milliards d’euros de fonds publics au développement de l’hydrogène décarboné, dont 2 milliards issus du plan « France relance » (un programme gouvernemental lancé pour soutenir la relance économique après la crise sanitaire). Ces 2 milliards sont répartis entre quatre dispositifs principaux : deux appels à projets gérés par l’Ademe, l’agence de la transition écologique (« Écosystèmes territoriaux hydrogène », qui vise à financer l’installation conjointe de production, de stockage, de distribution et d’usage d’hydrogène localement, et « Briques technologiques et démonstrateurs hydrogène », qui finance la recherche et développement et la démonstration technologique innovante dans la chaîne de valeur de l’hydrogène visant les laboratoires, les startups, les industriels innovants) ; un Projet important d’intérêt européen commun (PIIEC), qui finance des projets stratégiques et transnationaux sur toute la chaîne de valeur avec un fort impact européen (il cible les grands industriels et les consortiums européens, visant à renforcer l’autonomie stratégique de l’Europe) ; et un mécanisme de soutien à la production d’hydrogène décarboné, qui apporte une compensation financière pour atténuer les surcoûts de production de l’hydrogène propre par rapport à l’hydrogène d’origine fossile, afin de rendre sa production économiquement viable (le dispositif couvre la différence entre le coût réel de production et le prix du marché).
L’Italie a pour sa part créé un fonds d’environ 22,2 millions d’euros pour soutenir le PIIEC « Hydrogène 4 ». Ce projet vise notamment à développer des technologies permettant de réduire de 90 % les émissions de CO2 dans la mobilité, proposant des solutions comme les véhicules, bus ou camions, à piles à combustible, la production d’électricité pour navires et trains, des réservoirs légers pour le stockage d’hydrogène à bord des avions et des technologies de production d’hydrogène haute pureté pour les stations de ravitaillement. En complément du PIIEC « Hydrogène 4 », l’Italie promeut également la production d’hydrogène sur des friches industrielles par le financement du développement de « vallées de l’hydrogène » (hydrogen valley) – des zones géographiques intégrées où la production et la consommation d’hydrogène sont combinées, favorisant son usage dans l’industrie, les transports et la reconversion d’anciennes zones industrielles. Ces vallées sont soutenues par le Plan national de relance et de résilience italien (PNRR), publié fin 2020, qui est un volet clé du programme européen « NextGenerationEU » – un plan de relance économique adopté par l’UE pour soutenir les États membres dans leur sortie de crise liée à la pandémie de Covid 19 –, visant à soutenir la relance économique et la transition écologique en Italie.
D’autres pays, comme la Pologne, la Roumanie, la Bulgarie, la République tchèque, la Turquie ou l’Ukraine, tablent sur une faible capacité (environ 2 GW). Ces pays reposent encore largement sur le charbon pour leur production d’électricité et leur industrie, ce qui freine la transition rapide vers l’hydrogène vert. La Pologne, par exemple, produira encore environ 56 % de son électricité à partir du charbon en 2030. Ces pays disposent de gros gisements : le charbon est donc disponible, bon marché et réduit leurs dépendances aux importations ; il fournit également des milliers d’emplois. Fermer des mines ou des centrales entraînerait des problèmes sociaux et politiques. Depuis des décennies, leurs industries lourdes (ciment, acier, chimie) ont été conçues pour fonctionner au charbon. Moderniser ou remplacer ces infrastructures demande beaucoup d’investissements, et l’hydrogène, et surtout l’hydrogène vert, est malheureusement très coûteux : il faut développer des énergies renouvelables, des électrolyseurs, des infrastructures de stockage et de transport. Or, ces pays ont souvent des budgets publics limités, une dépendance aux financements européens et un retard industriel sur la fabrication d’équipements liés à l’hydrogène. De plus, les réseaux sont parfois vétustes ou peu flexibles. L’Ukraine est en guerre, la Turquie connaît une inflation élevée, d’autres pays affrontent des tensions sociales ; les gouvernements priorisent donc la stabilité économique et énergétique, pas des investissements à long terme comme l’hydrogène vert.
Les pays scandinaves (Norvège, Suède, Danemark) ou les Pays-Bas ont un objectif modéré. Ces pays disposent d’une offre électrique largement décarbonée, notamment grâce à l’hydroélectricité (Norvège), au nucléaire et à l’hydroélectricité (Suède), ainsi qu’à une forte pénétration de l’éolien (Danemark) et du solaire. Ils misent sur l’électrification directe des secteurs consommateurs (transports, chauffage, industrie) plutôt que sur une substitution massive par l’hydrogène. Comparés à l’Allemagne, à la France ou à l’Italie, ces pays ont une industrie lourde moins dominante.
Comment l’Europe envisage-t-elle ses partenariats avec les pays méditerranéens, notamment de la rive Sud, pour sécuriser ses approvisionnements en hydrogène ?
A.-A. B. : L’Europe considère les partenariats avec les pays méditerranéens du Sud dans une logique de complémentarité : les pays du Sud bénéficient souvent d’un fort potentiel renouvelable qui leur permet de produire de l’hydrogène à coût compétitif, tandis que l’Europe, à la fois consommatrice et investisseuse, cherche à renforcer sa sécurité énergétique en diversifiant ses sources. Des partenariats sont en cours pour transférer technologies et savoir-faire européens vers les pays du Sud de la Méditerranée, afin de bâtir un écosystème complet autour de l’hydrogène vert. Par exemple, des industriels, des centres de recherche et des instituts de formation européens collaborent avec leurs homologues méditerranéens pour installer des électrolyseurs, développer les infrastructures, former les équipes locales et structurer la filière. Le réseau MED-GEM (Mediterranean Green Electrons and Molecules Network) incarne cette dynamique, en soutenant des projets de coopération transfrontalière comme des corridors d’énergie propre entre l’Afrique du Nord et l’Europe, financés notamment par Horizon Europe.
D’autres partenariats portent sur l’adaptation des gazoducs existants, initialement conçus pour transporter le gaz naturel, au transport d’hydrogène pur ou mélangé. Par exemple, le gazoduc Maghreb-Europe, qui relie l’Algérie à l’Espagne via le Maroc, est étudié pour son potentiel de reconversion à l’hydrogène. Récemment, un projet « Gazoduc Afrique Atlantique » qui relie les vastes réserves de gaz naturel du Nigeria au Maroc, et à terme à l’Europe, promet une alternative ou un complément au gaz russe. Le gazoduc est conçu pour transporter jusqu’à 30 milliards de mètres cubes de gaz par an. Il s’étendra sur une distance comprise entre 5 600 et 7 000 kilomètres, traversant treize pays le long de la côte atlantique – notamment le Nigeria, le Bénin, le Togo, le Ghana, la Côte d’Ivoire, le Libéria, la Sierra Leone, la Guinée, la Guinée-Bissau, la Gambie, le Sénégal, la Mauritanie – avant d’atteindre le Maroc. Ce projet est en concurrence avec le gazoduc Transsaharien (Trans-Saharan Gas Pipeline, ou TSGP) – également connu sous le nom de gazoduc Nigeria-Niger-Algérie – soutenu par ces trois pays. D’autres projets existent, comme le South H2 Corridor, reliant l’Afrique du Nord (Algérie, Tunisie) à l’Europe via l’Italie, l’Autriche et l’Allemagne. Ce corridor permettra d’importer jusqu’à 4 millions de tonnes d’hydrogène vert par an. Citons également le projet H2med, qui permettra de relier les centres de production d’hydrogène renouvelable de la péninsule ibérique (Portugal et Espagne) aux grands centres industriels et aux consommateurs du nord-ouest de l’Europe (France), avec une capacité de transport prévue de 2 millions de tonnes par an d’ici 2030, ce qui représenterait environ 10 % de la consommation européenne anticipée.
Mais il y reste un élément à ne pas négliger : les enjeux liés à l’acceptabilité sociale et environnementale des nouvelles infrastructures. Est-ce que les populations locales sont d’accord pour qu’un pipeline passe près de chez elles ? Y a-t-il des craintes liées à la sécurité : risques d’explosion, de fuite, ou d’incident industriel ? Le projet est-il perçu comme bénéfique, créant de l’emploi, avec des retombées économiques locales, ou au contraire comme quelque chose d’imposé d’en haut, sans transparence ni concertation ? Autrement dit, la manière dont ces projets sont conçus, expliqués et intégrés dans les territoires est décisive : une forte opposition locale peut retarder, modifier, voire annuler un projet.
La stratégie européenne de l’hydrogène peut-elle vraiment contribuer à l’indépendance énergétique du continent, ou risque-t-elle plutôt de créer une nouvelle forme de dépendance, notamment vis-à-vis des pays arabes producteurs ?
A.-A. B. : Il est vrai que l’hydrogène représente une opportunité stratégique pour renforcer l’indépendance énergétique de l’Europe, en diversifiant ses sources et en réduisant sa dépendance au gaz russe. Mais il ne faut pas oublier que cette stratégie comporte aussi des risques. L’Union européenne a fixé pour 2030 un objectif de production de 10 millions de tonnes d’hydrogène renouvelable sur son territoire et d’importation de 10 millions de tonnes supplémentaires depuis l’étranger. En misant sur des importations massives d’hydrogène vert depuis les pays méditerranéens, souvent arabes, on risque de simplement déplacer la dépendance énergétique au lieu de la résoudre. Oui, l’Europe court le risque de recréer une forme de dépendance structurelle –cette fois non plus au gaz ou au pétrole, mais à une molécule verte. Cette dépendance pourrait être d’autant plus délicate à gérer que certains de ces pays producteurs sont sujets à des instabilités politiques ou à des vulnérabilités climatiques croissantes.
Certains travaux alertent déjà sur le besoin de construire des partenariats équilibrés, fondés sur le co-développement et non sur une logique extractiviste, c’est-à-dire un modèle dans lequel les pays du Sud ne seraient pas cantonnés au rôle de simples fournisseurs de ressources sans bénéficier de retombées économiques ou industrielles durables, ni d’un véritable transfert de compétences ou de valeur ajoutée locale. La panne électrique majeure qui a récemment touché l’Espagne et le Portugal, même si elle n’est pas directement liée à l’hydrogène, rappelle à quel point les infrastructures énergétiques interconnectées sont vulnérables et combien l’Europe doit veiller à diversifier ses sources et ses routes d’approvisionnement. Miser uniquement sur des importations extra-européennes, même renouvelables, sans stratégie de production locale ou de mutualisation entre États membres, peut accroître les risques.
Quels pays arabes du bassin méditerranéen semblent aujourd’hui les mieux positionnés pour devenir des hubs de production d’hydrogène vert, et pour quelles raisons ? Quels sont les choix stratégiques opérés ?
A.-A. B. : Je pense que tous les pays africains se distinguent aujourd’hui comme des candidats pour devenir des hubs majeurs de production d’hydrogène vert destiné à l’Europe, notamment ceux qui bénéficient d’un fort ensoleillement et d’une faible nébulosité, favorables aux installations solaires telles que le CSP (Concentrated Solar Power) – une technologie qui utilise de grands miroirs pour concentrer la lumière du soleil en un point unique, comme une loupe, afin de chauffer un liquide qui produit ensuite de la vapeur et fait tourner une turbine pour générer de l’électricité – ou le photovoltaïque, qui peut être installé de manière plus flexible sur l’ensemble du territoire, soit en mode décentralisé (applications hors réseau comme l’électrification rurale, les habitations ou l’irrigation), soit en mode centralisé (grandes centrales connectées au réseau). Enfin, certaines zones côtières, notamment celles bordant l’Atlantique ou la Méditerranée, offrent des conditions idéales pour le développement de l’éolien grâce à des vents marins réguliers et puissants.
Par ailleurs, les pays qui entretiennent déjà des partenariats énergétiques historiques avec l’Europe, qui disposent d’une stabilité politique relative et qui sont géographiquement proches du continent européen, comme le Maroc, sont également bien positionnés. Ce dernier élabore actuellement une feuille de route nationale dédiée à l’hydrogène vert, définissant les étapes clés et mobilisant pouvoirs publics et acteurs privés, qui s’engagent ensemble à faire émerger un écosystème complet autour de la production, du transport, du stockage et de l’utilisation de l’hydrogène vert. L’Égypte, de son côté, a accueilli la COP 27. Plusieurs projets pilotes d’électrolyse ont été lancés dans la zone économique du canal de Suez, avec le soutien de partenaires européens et du Golfe. Le pays a également des infrastructures portuaires développées, ce qui est un atout pour exporter de l’ammoniac ou du méthanol verts. Enfin, la Mauritanie, bien que plus fragile sur le plan institutionnel, dispose d’un gisement exceptionnel en énergie éolienne et solaire, avec très peu de conflits d’usage des terres. Des projets d’envergure y sont en cours de développement. L’Algérie est également considérée comme un pays à fort potentiel pour devenir un hub d’exportation d’hydrogène vert vers l’Europe, notamment grâce à son fort potentiel solaire, ses vastes étendues désertiques propices au déploiement de projets à grande échelle, ainsi qu’à son réseau d’infrastructures gazières existantes, qui pourraient être reconverties pour le transport d’hydrogène ou ses dérivés.
Mais il ne faut pas sous-estimer les défis. Il faut bien comprendre que l’économie algérienne repose encore très fortement sur l’exploitation et l’exportation du gaz et du pétrole, qui représentent une grande partie des recettes publiques et des exportations. Tant que le pays tire une grande partie de sa richesse des énergies fossiles, il peut y avoir une hésitation à basculer vers une économie bas carbone, par peur de fragiliser ses revenus. En parallèle, la région est marquée par une certaine instabilité géopolitique – tensions avec certains pays voisins, fluctuations dans les relations avec l’Europe –, ce qui peut rendre plus complexe la mise en place de grands projets transfrontaliers comme des gazoducs ou des corridors énergétiques. Or, pour exporter de l’hydrogène vers l’Europe, il faut des relations stables, de la confiance et une coordination à long terme entre les pays concernés. Pour attirer durablement les financements européens, il faudra renforcer la gouvernance, former une main-d’œuvre qualifiée, faciliter l’accès aux financements verts et surtout mettre en place un cadre réglementaire clair et prévisible. Sans cela, même les projets pilotes les plus prometteurs risquent de ne pas se développer de façon satisfaisante.
Si l’on prend le cas du Maroc en exemple, il y a de plus en plus de projets annoncés de production d’hydrogène. Cette dynamique est-elle portée par une vision stratégique à long terme ou est-elle plutôt liée à des effets d’aubaine émanant de la demande européenne ? Autrement dit, est-ce que le Maroc produit de l’hydrogène vert pour sa propre consommation ou pour l’exportation vers l’Europe ?
A.-A. B. : Le Maroc est effectivement très actif ces dernières années dans l’annonce et le lancement de projets liés à l’hydrogène. Le potentiel du pays dans la filière de l’hydrogène vert est estimé comme très prometteur. D’ici 2030, la production nationale pourrait répondre à une demande comprise entre 14 et 30 térawattheures, ce qui représenterait environ 4 % de la demande mondiale, et à plus long terme, en 2050, cette capacité pourrait atteindre entre 154 et 307 térawattheures. Pour répondre à votre question, s’agit-il d’une véritable stratégie de développement à long terme ou bien simplement d’une réaction opportuniste aux demandes croissantes de l’Europe, à mon avis, la réalité mélange un peu des deux options, mais avec une base solide qui penche clairement vers une vision stratégique à long terme. D’abord, le Maroc a publié dès 2021 une feuille de route nationale pour le développement de l’hydrogène vert, ce qui montre que le pays ne se contente pas d’actions ponctuelles, d’initiatives occasionnelles, mais construit une trajectoire planifiée.
Selon l’Oxford Institute for Energy Studies, les données de PwC (PricewaterhouseCoopers), l’un des plus grands cabinets mondiaux d’audit et de conseil, estiment que le coût de production de l’hydrogène vert au Maroc pourrait se situer entre 2 et 2,50 €/kg d’ici 2030, et entre 1 et 1,25 €/kg d’ici 2050. L’Agence internationale pour les énergies renouvelables (IRENA) évalue le coût du transport de l’hydrogène du Maroc vers l’Europe à 2,05 $/kg d’ici 2030, et à 0,65 $/kg d’ici 2050.
En 2024, le gouvernement marocain a lancé l’ « Offre Maroc », un plan qui couvre toute la chaîne de valeur d’hydrogène et qui s’adresse aux investisseurs qui veulent produire de l’hydrogène vert et ses dérivés, que ce soit pour le marché local, pour l’exportation, ou les deux. Le pays a aussi renforcé ses lois sur les énergies renouvelables pour mieux soutenir ce secteur. Dans la première phase, 300 000 hectares de terrain seront mis à disposition, divisés en parcelles de 10 000 à 30 000 hectares, pour accueillir des projets d’hydrogène vert.
En résumé, oui, le Maroc s’impose aujourd’hui comme un acteur stratégique majeur dans le développement de l’hydrogène vert. Le pays a une vision claire, un cadre solide et plusieurs projets concrets déjà en marche. Par exemple, le projet « Chbika », porté par T2HE – une joint-venture entre TotalEnergies et EREN Group – qui vise à produire de l’ammoniac vert destiné au marché européen, grâce à un gigawatt d’énergies renouvelables solaires et éoliennes terrestres à Guelmim. Et ce n’est pas tout : d’autres grands acteurs marocains portent également plusieurs projets prometteurs.
Comment les pays arabes peuvent-ils éviter de reproduire une relation asymétrique avec l’Europe, comme ce fut le cas avec les énergies fossiles ?
A.-A. B. : La transition énergétique offre aux pays arabes une opportunité de redéfinir leurs relations avec l’Europe – cette fois, sur des bases plus équilibrées et mutuellement bénéfiques, en évitant de reproduire les logiques asymétriques du passé, comme celles observées autour des énergies fossiles – où les pays arabes se contentaient souvent d’extraire et d’exporter les ressources brutes, tandis que la valeur ajoutée, c’est-à-dire la transformation, la technologie, les brevets, les emplois qualifiés, se créait principalement en Europe. Cela procurait à l’Europe un avantage économique et technologique et laissait les pays arabes dépendants d’un modèle rentier, vulnérable aux prix mondiaux, et peu intégré dans les chaînes de valeur. Donc, pour ne pas reproduire ce même schéma avec les énergies vertes comme l’hydrogène, plusieurs conditions doivent être réunies.
D’abord, il faut absolument développer une stratégie souveraine et intégrée. Cela veut dire que les pays arabes doivent avoir le contrôle sur leur propre politique énergétique, en ne dépendant pas uniquement des besoins ou des décisions d’autres pays. Ils ne doivent pas seulement produire de l’hydrogène vert ou des électrons pour l’exportation, mais aussi créer une chaîne de valeur locale autour de ces ressources : premièrement, transformer localement l’hydrogène en produits à plus forte valeur ajoutée (comme l’ammoniac, les carburants synthétiques, les produits chimiques verts) ; deuxièmement, construire des capacités de stockage indispensables pour la flexibilité énergétique ; troisièmement, maîtriser les technologies clés ; et quatrièmement, former les compétences locales dans la recherche, l’ingénierie, l’exploitation et la maintenance et surtout créer des emplois qualifiés et durables dans ces secteurs. L’objectif est d’éviter de répéter ce qui s’est passé avec le pétrole et le gaz, quand les pays producteurs exportaient la matière première sans développer un tissu industriel solide ni accumuler suffisamment de compétences technologiques. Résultat : ils sont restés dépendants de la volatilité des prix et n’ont pas bénéficié de la majeure partie de la valeur économique générée.
Ensuite, la coopération régionale est essentielle. Individuellement, les pays arabes ont du potentiel, mais ensemble, ils peuvent renforcer leur pouvoir de négociation face à l’Europe. Cela passe par des plateformes communes, des normes partagées et des stratégies de complémentarité plutôt que de concurrence.
Un autre levier fondamental, c’est l’investissement dans la recherche et développement et l’innovation. Aujourd’hui, l’hydrogène, les batteries, les réseaux intelligents sont des domaines où les brevets se concentrent en Europe, en Asie et en Amérique du Nord. Si les pays arabes veulent rééquilibrer la relation, ils doivent aussi devenir producteurs de technologie, et pas seulement d’énergie.
Et bien sûr, il faut renforcer les cadres réglementaires et les institutions, en mettant en place des lois, des règles claires et des structures administratives solides pour encadrer le développement de la filière de l’hydrogène vert, parce que les investisseurs – qu’ils soient locaux ou étrangers – ont besoin d’un environnement stable, prévisible et transparent.
Enfin, le dialogue entre Europe et pays arabes doit évoluer. Il ne s’agit pas seulement de répondre à la demande européenne en énergie verte, mais bien de construire un partenariat équitable autour des objectifs climatiques, du développement industriel et de la sécurité énergétique commune.
La production d’hydrogène vert nécessite d’importantes ressources en eau et en énergie renouvelable. Quels sont les risques écologiques dans des régions déjà soumises à un stress hydrique important ?
A.-A. B. : Effectivement, produire de l’hydrogène vert, c’est utiliser beaucoup d’eau – parce que c’est par électrolyse de l’eau qu’on le fabrique –, et aussi beaucoup d’électricité issue d’énergies renouvelables. Dans des régions déjà confrontées à un stress hydrique, comme plusieurs zones méditerranéennes ou africaines, ça pose forcément un défi écologique majeur. Le risque principal, c’est d’aggraver la rareté de l’eau. Même si la quantité d’eau nécessaire par kilogramme d’hydrogène peut sembler relativement modeste (9 litres d’eau pour produire 1 kilo d’hydrogène vert), la multiplication des projets à grande échelle peut entraîner une mise en concurrence directe avec les usages agricoles, domestiques et industriels. Cela pourrait accentuer les tensions autour de l’accès à une ressource déjà fragile. De plus, pour installer des infrastructures de production massive – champs solaires ou éoliens, unités d’électrolyse, réseaux de transport –, il faut souvent mobiliser de vastes surfaces, parfois au détriment de la biodiversité locale, des zones agricoles ou de milieux naturels sensibles.
Deuxièmement, si la logique de production reste tournée uniquement vers l’exportation d’hydrogène, il y a un risque d’injustice environnementale. Cette approche extractiviste – les ressources naturelles d’un pays sous pression sont exploitées de manière intensive pour alimenter un marché extérieur, sans que la population locale ne voie de bénéfice réel ou durable en retour – crée une asymétrie. D’un côté, les pays consommateurs (souvent du Nord) bénéficient d’une énergie propre, réduisent leur empreinte carbone et avancent dans leur transition énergétique. De l’autre, les pays producteurs (souvent du Sud) subissent les impacts environnementaux : pression sur l’eau, artificialisation des sols (le processus par lequel des sols naturels, agricoles ou forestiers sont transformés en zones urbaines ou industrielles), sans profiter des retombées économiques, ou très peu. Cela va à l’encontre de l’idée d’une transition juste, qui devrait bénéficier à tous les maillons de la chaîne.
Pour éviter ces dérives, il est essentiel de planifier intelligemment, de favoriser l’utilisation d’eaux non conventionnelles comme les eaux usées traitées ou désalinisées, de dimensionner les projets à l’échelle des ressources locales et surtout de co-construire les stratégies avec les acteurs du territoire.
Quelle solution ou quel levier politique, économique ou diplomatique actionner pour justement permettre que cette transition énergétique par l’hydrogène devienne un véritable vecteur de coopération euroméditerranéenne, et surtout qu’elle soit inclusive, y compris sur le plan environnemental et sociétal ?
A.-A. B. : Si nous voulons que le développement de l’hydrogène devienne un véritable axe de coopération euro-méditerranéenne, plusieurs leviers stratégiques doivent être activés de manière simultanée et cohérente. Il est crucial que les pays des deux rives s’accordent sur une vision commune à long terme, avec des objectifs clairs, transparents et compatibles entre eux. Cela suppose la création d’une plateforme régionale dédiée à l’hydrogène, qui ne soit pas uniquement pilotée par le Nord, mais construite sur un pied d’égalité, avec une représentation équilibrée, y compris des pays du Sud, de la société civile, du secteur privé et des milieux scientifiques. Il faut repenser les modèles de financement pour favoriser les projets à retombées locales : industrialisation, création d’emplois, innovation locale. Il ne peut y avoir de coopération juste sans partage de compétences et de technologies. Il est donc indispensable de renforcer les programmes de formation croisée, les partenariats entre universités, centres de recherche et industriels des deux rives.
D’autre part, sans cadre commun sur la certification de l’hydrogène vert, sur les normes de durabilité, ou sur les conditions de transport, les projets resteront fragmentés. Une convergence réglementaire est indispensable pour faciliter les échanges, réduire les risques et garantir que les projets euro-méditerranéens soient porteurs de confiance et de stabilité.
En somme, l’hydrogène peut être un catalyseur de coopération régionale, mais cela demande de dépasser une logique purement marchande. Cela demande une volonté politique partagée, des outils financiers justes, des échanges de compétences et, surtout, une approche profondément coopérative de la transition énergétique.
Pensez-vous qu’il existe aujourd’hui une gouvernance régionale efficace en Méditerranée pour encadrer le développement de l’hydrogène et assurer des bénéfices partagés ?
A.-A. B. : À ce jour, je dirais qu’il n’existe pas encore de gouvernance régionale réellement structurée, cohérente et inclusive en Méditerranée pour encadrer le développement de l’hydrogène. Ce que nous observons, ce sont des efforts dispersés : des coopérations bilatérales entre certains pays – par exemple entre certains États d’Afrique du Nord et des pays européens, comme l’Allemagne ou la France –, des mémorandums d’entente signés pour annoncer des projets, ou encore des forums euro-méditerranéens qui permettent d’échanger sur les opportunités du marché de l’hydrogène. Ce manque de gouvernance régionale partagée signifie que l’on avance à plusieurs vitesses, avec peu de concertation sur l’usage des ressources communes – comme l’eau, le foncier ou les capacités de transport – et peu de mécanismes pour assurer une répartition juste des bénéfices économiques et sociaux. Ce vide institutionnel rend également difficile l’harmonisation des cadres réglementaires, des normes de durabilité ou des conditions sociales d’implantation des projets, qui sont pourtant essentiels pour éviter une course au moins-disant environnemental ou social.
Une gouvernance efficace passerait, par exemple, par la mise en place d’un cadre commun pour le partage des données, pour le financement de projets à fort impact local ou encore pour la formation des compétences des deux rives. Ce serait aussi donner une place centrale à la société civile, aux chercheurs, aux collectivités locales, pour s’assurer que les projets ne soient pas déconnectés des réalités du terrain. Il est temps que la Méditerranée cesse d’être pensée uniquement comme un espace de transit, et devienne un espace de co-développement énergétique, fondé sur la solidarité, la durabilité et la souveraineté partagée.
Notes :
[1] L’électrolyse de l’eau est un procédé qui consiste à décomposer l’eau (H2O) en hydrogène (H2) et en oxygène (O2) à l’aide d’un courant électrique.
[2] L’acier est fabriqué à partir du minerai de fer. Or, ce minerai ne contient pas de fer pur, mais du fer combiné à de l’oxygène. Pour obtenir du fer pur, il faut donc retirer cet oxygène. C’est là qu’intervient un agent réducteur, généralement le coke, un combustible riche en carbone. Le coke brûle dans le four, produisant une chaleur très intense qui permet de faire fondre le minerai de fer. Il réagit ensuite avec l’oxygène contenu dans le minerai et l’extrait, un processus appelé « réduction ». Au cours de cette réaction, le coke se transforme en dioxyde de carbone (CO2), qui est rejeté dans l’atmosphère. Aujourd’hui, une méthode plus propre existe pour produire de l’acier : la réduction directe par l’hydrogène (ou DRI, « direct reduction of iron »). Au lieu de générer du CO2, cette réaction ne génère que de la vapeur d’eau (H2O), totalement inoffensive pour l’environnement.
La fabrication du ciment nécessite de chauffer un mélange de calcaire et d’argile à très haute température afin de produire le clinker, qui constitue la base du ciment. Cette étape, appelée « clinkérisation », est extrêmement énergivore. L’hydrogène peut décarboner cette phase thermique de la production de ciment en remplaçant les combustibles fossiles traditionnellement utilisés.