Depuis les années 1990, la gestion des déchets en général et celle des déchets solides en particulier ont fait l’objet d’une modernisation fondée sur des bases néolibérales inspirées souvent des pays développés. Une panoplie de réglementations a été mise en place, visant à créer un service efficace de gestion des déchets urbains, et notamment le Programme national de gestion des déchets (PRONAGDES), lancé en 1993, remplacé en 1997 par un nouveau Programme de gestion intégrée et durable des déchets (PRONGID).
Maha Bouhlel
Maha Bouhlel est Maître Assistante au Département de Géographie, Faculté des Lettres, des Arts et des Humanités de l’Université de La Manouba, Tunisie. Elle est titulaire d’un doctorat en sciences géographiques (thèse : « Expansion urbaine et disparités environnementales dans la ville de Sfax / Tunisie ») et chercheuse au sein du laboratoire Sifact à l’Université de Sfax. Membre de l’APSA, ses travaux portent sur les politiques urbaines, les politiques de gestion des services publics et le développement durable des villes.
Le PRONAGDES avait pour objectif essentiel la création de décharges contrôlées dans les principales communes du pays et la réhabilitation ou la fermeture des anciennes décharges anarchiques. Le PRONGID a opté pour la mise en place de filières de valorisation telle qu’Écolef pour la récupération et le recyclage des emballages plastiques, accompagnées d’un ensemble de lois réglementant le secteur de recyclage – comme le décret 97-1105 du 2 juin 1997, fixant les conditions et les modalités de reprise et de gestion des sacs d’emballages et des emballages utilisés (Anged, 2006[1] ; Bouhlel, 2023[2]).
Cependant, ni le choix d’enfouissement technique dans les décharges contrôlées ni la mise en place des filières de valorisations ont pu permettre de mieux gérer les déchets. D’une part, les décharges contrôlées mises en place depuis 2008 ont rapidement atteint leur seuil de saturation et, en l’absence d’alternatives, elles ont continué à recevoir des quantités massives des déchets.
L’État utilise toujours ces décharges en considérant que leur exploitation pourrait durer encore vingt ans. Et, sans surprise, ces sites d’enfouissement se sont transformés en source de nuisance majeure pour la population avoisinante. Les habitants des zones adjacentes estiment que ces décharges ont entraîné des catastrophes environnementales pour leur cadre de vie, menaçant leur santé et affectant négativement leurs moyens de subsistance (Bouhlel, 2024[3]).
D’autre part, la mise en place des filières n’a pas apporté de réel changement au système de gestion des déchets en Tunisie et, selon les chiffres avancés par l’Agence nationale de gestion des déchets (Anged), seuls 4 % des déchets en Tunisie sont valorisés, la majorité étant des déchets plastiques (Sweep-Net et Anged, 2014[4]).
Ce service fortement lucratif a été marqué pendant très longtemps par la corruption et le manque de transparence, notamment en ce qui concerne les partenariats publics privés (PPP). L’État est soupçonné de permettre un modèle de gestion des déchets où les ressources publiques sont devenues un terrain de profit pour des acteurs privés au détriment de la qualité de service rendu, faute de contrôle et de réglementation stricte (Salman, 2021[5]).
Tous ces problèmes ont fait de la Tunisie un pays où les crises des déchets se succèdent depuis plus de dix ans. Ils touchent l’île de Djerba et plusieurs villes comme Tunis, la capitale, et Sfax, la deuxième grande ville et capitale économique du pays, et où la crise des déchets est considérée comme la plus durable et la plus violente. Elle a donné naissance, au mois d’octobre 2021, à un mouvement exceptionnel en réaction directe à l’échec des autorités à trouver une sortie de crise et des solutions à la situation environnementale catastrophique de la ville, envahie sous des tas de déchets.
Cette étude a pour objectif d’analyser les dynamiques des réseaux de plaidoyer pour la gestion des déchets et leur capacité à influencer les politiques publiques, en prenant Sfax comme cas d’étude. Elle cherche à explorer les stratégies mises en place par ces acteurs, leur interaction avec les institutions publiques et privées, ainsi que l’impact de leurs actions sur l’élaboration et la mise en œuvre des politiques environnementales.
Cet article s’articule autour de trois parties principales. Il essaie dans un premier temps de donner un aperçu général de la crise des déchets à Sfax. Dans un second temps, il tente de comprendre et d’analyser le mouvement de plaidoyer construit autour de la crise pour élucider les types de relations entre les différentes parties qui forment ce réseau, ainsi que les stratégies adoptées afin d’influencer et d’impacter les politiques publiques des déchets. Finalement, le troisième mouvement tente d’identifier les leçons à tirer.
Ce travail s’appuie sur des documents de première main (textes législatifs et correspondances administratives) et sur des entretiens effectués avec les membres de plaidoyer. Le cadre méthodologique était complété par l’observation participante sur le terrain et sur un temps long.
Cadre théorique
Le mouvement de plaidoyer construit autour de la crise des déchets à Sfax s’inscrit dans le cadre de campagnes « soft power from below » ou « citizen power », qui sont une forme de participation démocratique qui vise à influencer les politiques publiques.
Les deux concepts renvoient à la capacité des mouvements environnementaux à influencer les politiques publiques sans recourir à des moyens coercitifs ou institutionnels traditionnels. Les initiatives citoyennes deviennent des forces de changements qui exercent une pression sur les décideurs politiques dans une dynamique de participation démocratique ascendante, à travers des mobilisations de masse, des campagnes de sensibilisation et des actions de plaidoyer (Keck et Sikkink, 1998[6]).
Dans ce cadre, les mouvements citoyens ne se contentent pas de protester, mais ils développent également des connaissances alternatives et des expertises sur les risques environnementaux (Akrich et al., 2006[7] ; Blanchard et Veyrier, 2020[8]). Ils utilisent de plus les médias et les réseaux sociaux pour renforcer leur capacité d’influence, diffuser rapidement des revendications et accroître les mobilisations (Bennet et Segerberg, 2013[9]).
Dans le contexte tunisien, le citizen power s’est affirmé depuis la révolution de 2011 comme une dynamique essentielle du paysage politique et social (Allal, 2012[10]). Il repose sur une approche multi-échelle, où les citoyens, les mouvements sociaux et les associations de la société civile mobilisent des ressources et des stratégies à plusieurs niveaux – local, national et international – afin de renforcer la légitimité de leurs revendications.
Malgré que le pouvoir citoyen se manifeste avant tout par des initiatives locales en réponse aux lacunes des politiques publiques centralisées – tel que « Manich_Msab » (« Je ne suis pas une décharge »), « Saker_El_Msab » (« Ferme la décharge ») et « Sfax_Titharek » (« Sfax bouge ») (Bouhlel, 2023[11]) –, ces mobilisations peuvent également peser sur les décisions nationales à travers des réseaux nationaux et bénéficier de soutiens internationaux, avec des appuis financiers, techniques, médiatiques, etc. Cette approche leur permet de structurer un plaidoyer efficace.
De la fermeture de la décharge d’El-Gonna à la crise des déchets à Sfax
Fin septembre 2021, la décharge d’El-Gonna, dans la ville d’Agareb, ferme sous la pression de la société civile, déclenchant ainsi une crise des déchets dans la ville de Sfax, à une vingtaine de kilomètres. Créée en 2008, El-Gonna est la deuxième plus grande décharge après celle de Borj Chakir, à Tunis. Elle sert à enfouir les déchets de tout le gouvernorat de Sfax.
De ce fait, sa fermeture brutale a mis la ville face à une situation environnementale alarmante : ordures jonchant les rues, multiplication des décharges anarchiques ainsi qu’odeurs nauséabondes conjuguées aux fumées provenant de l’incinération des déchets amoncelés depuis plusieurs semaines sans collecte. La campagne « Manich_Msab », initiée à Agareb en 2018 pour contester la décharge et ses répercussions sur la qualité de vie des habitants, considère que la population de la ville a, en effet, subi pendant plus d’une décennie les externalités négatives sur les plans environnemental, sanitaire, économique et social.
Selon les activistes de ce mouvement, l’État a sacrifié la population d’Agareb en lui imposant, à elle seule, le fardeau environnemental des déchets de tout le gouvernorat, et plus particulièrement ceux provenant du Grand-Sfax, estimés à 800 tonnes par jour. La campagne a mis en évidence l’injustice environnementale endurée par la population en supportant seule le poids des déchets produits ailleurs (Bouhlel, 2024[12]). Le transfert semblerait plus simple et moins coûteux pour l’État (Cirelli et Florin, 2015[13] ; Durand, 2011[14]).
Agareb ne fait pas exception. L’État a imposé un énorme fardeau environnemental sur les arrière-pays des grandes villes en exportant les coûts de développement de ces villes, principales productrices des déchets, sur leurs périphéries (Bouhlel et Bennasr, 2024[15]). Et en effet, la fermeture définitive et irréversible de la décharge a noyé la ville de Sfax sous des tonnes de déchets.
En contrepartie, les institutions – du niveau central au niveau local – ont échoué à trouver une sortie de crise. Ni la tentative de réouvrir El-Gonna en utilisant la force ni les efforts pour convaincre une autre population d’accueillir les déchets de Sfax n’ont réussit. D’une part, les manifestations à Agareb ont dégénéré en affrontements avec les forces de l’ordre, à tel point que l’armée a été déployée dans la ville, et elles ont définitivement enterré la possibilité de réouvrir la décharge.
D’autre part, la forte résistance locale des populations des différents sites identifiés pour recevoir les déchets de Sfax a également verrouillé la situation. La population de Limaya, à Menzel Chaker (à 62 km de la ville de Sfax) ou celle de la ferme Zarrouk (à 16 km de la ville de Mahrès) ont repris le slogan « Manich_Msab » pour contester la mise en place d’une décharge provisoire ou même d’une unité de tri et de valorisation. Le discours officiel sur des projets non polluants n’a pas su restaurer la confiance des citoyens en ce qui concerne les déchets –ces projets n’ont jamais apporté aucun développement là où ils étaient installés, ajoutant à cela le manque de transparence et de concertation qui accentue le sentiment de méfiance chez la population.
Le refus populaire et l’échec de l’approche centralisée et autoritaire ont mis la ville devant une situation environnementale alarmante, et de sérieux problèmes sanitaires, économiques et sociaux ont surgi. De ce fait, un mouvement de solidarité s’est construit, notamment après la fameuse visite de la ministre de l’Environnement, qui a déclaré que le ministère n’avait « pas de solution ni de baguette magique pour sortir de la crise », et que c’était aux différentes composantes de la ville de trouver une solution qui puisse satisfaire tout le monde. Elle mettait en évidence par ces déclarations l’incapacité de l’État à gérer la crise, laissant Sfax face à une catastrophe environnementale sans précédent.
Devant cette impasse, un mouvement de plaidoyer a émergé à Sfax au mois d’octobre 2021, en réponse directe à l’incapacité des autorités locales et nationales à proposer des solutions efficaces et durables à la crise des déchets. La formation de ce mouvement de plaidoyer a été avant tout le fruit d’une réaction spontanée et naturelle, résultant de l’inefficacité totale de l’État à trouver une issue à cette crise.
La naissance de ce mouvement incarnait ainsi l’idée d’un citizen power, où la société civile s’impose comme un acteur clé de changement en développant ses propres stratégies pour pallier les déficiences de l’État devant une crise. Le plaidoyer a adopté une approche multi-échelle (locale, nationale et internationale) pour alerter sur la situation environnementale alarmante et faire face à l’inertie des institutions en créant une force de proposition et d’action. En revendiquant un rôle actif dans la définition des politiques environnementales, ce mouvement a incarné une nouvelle forme de démocratie participative où les citoyens deviennent des acteurs de la transition écologique.
Faire réseau et construire un plaidoyer : entre multiplicité d’acteurs et défis de communication
La constitution d’une coalition de plaidoyer à partir du mois d’octobre 2021 a été pilotée par l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (Utica) et l’Union générale tunisienne du travail (UGTT). Elle regroupait de nombreux acteurs de la société civile, notamment des associations œuvrant dans les domaines de l’environnement, de la culture, du droit et du féminisme, ainsi que des mouvements environnementaux tels que #Yezzi (« Ça suffit ») et #Sfax_Titharek (« Sfax bouge »).
Le plaidoyer s’est également appuyé sur d’autres institutions et organisations, dont l’université de Sfax, l’Union tunisienne de l’agriculture et de la pêche (Utap), l’Ordre national des avocats de Tunisie, l’Ordre des ingénieurs tunisiens, le Club sportif sfaxien, la Ligue tunisienne pour la défense des droits de l’homme et l’Union nationale de la femme tunisienne.
La synergie et la coordination entre ces différentes composantes de la société civile ont été particulièrement remarquables, illustrant une exceptionnelle complémentarité. Il est à souligner que cette dynamique a permis l’émergence d’une coopération inédite entre l’Utica et l’UGTT, deux organisations aux intérêts souvent divergents. Tandis que l’Utica représente les entrepreneurs, l’UGTT défend les droits des travailleurs. Historiquement marquées par des tensions et des conflits, leurs relations ont trouvé un terrain d’entente dans cette coalition.
Cette collaboration a renforcé l’impact du plaidoyer dans un contexte de dégradation environnementale et d’urgence persistante. La suspension temporaire des tensions entre l’Utica et l’UGTT, absorbées par la préparation de leurs conférences électorales respectives, a fluidifié la coordination entre les différentes parties. Ce climat a facilité leur engagement commun.
Toutefois, cette entente fragile n’a pas empêché l’apparition de tensions, notamment après la nomination d’un nouveau gouverneur. Les divergences ont atteint un point critique avec le retrait de l’UGTT, provoqué par l’annulation d’une grève générale initialement prévue. Simultanément, l’Utica publiait un communiqué annonçant son désengagement de la grève, exprimant ainsi son soutien au gouverneur. Cette situation illustre les défis complexes de la coordination au sein de la société civile, où des divergences stratégiques et idéologiques peuvent surgir même au sein d’alliances conjoncturelles.
S’ajoute à cela l’absence d’une structure collective organisée : toutes les actualités étaient diffusées via un groupe Facebook, « La crise des déchets à Sfax ». Lorsqu’un dialogue avec les autorités était nécessaire, un comité restreint de cinq à six personnes était désigné pour représenter le plaidoyer. Ce groupe comprenait des représentants de l’Utica, de l’UGTT, de l’Utap, de la société civile et du mouvement #Yezzi.
La politique des délégations, adoptée pour négocier avec les autorités, qu’il s’agisse du gouvernorat ou du ministère de l’Environnement, visait à porter la voix du collectif auprès des instances régionales et nationales. La communication entre les différentes parties du réseau de plaidoyer a été majoritairement menée via ce groupe Facebook privé.
La mobilisation et la sensibilisation de la population face à cette crise sont également passées par d’autres groupes Facebook influents à Sfax, notamment « Sayeb Trottoirs » (« Dégageons les trottoirs ») et « Fermons la SIAPE », qui avaient déjà joué un rôle majeur dans la contestation de la détérioration du cadre de vie urbain de la ville – le groupe « Sayeb Trottoirs » revendique une ville plus accessible à tous, tandis que « Fermons la SIAPE » a contribué à la fermeture de l’usine d’engrais chimique SIAPE, arrêtée depuis 2019. La mobilisation des citoyens s’est appuyée sur plusieurs hashtags.
Hashtag | En arabe | Traduction |
#Hiz_Ezibla #Yezi #Win_el_holoul #Sfax_Titharek #Sfax_tastaghuith | ≠هز_الزبلة ≠ يزي ≠وين_الحلول ≠صفاقس_تتحرك ≠ضفاقس_تستغيث | « Collecte les déchets » « Ça suffit » « Où sont les solutions ? » « Sfax bouge » « Sfax demande du secours » |
Tableau élaboré par Bouhlel, 2025.
Des déclarations officielles des différentes composantes de la coalition ont été publiées dès le début de la crise. Ces déclarations ont été utilisées pour dénoncer l’aggravation de la situation environnementale et appuyer les revendications de la population sfaxienne. Ces revendications[16] portaient notamment sur la collecte immédiate des déchets, l’identification urgente d’un site non contesté et protégé par l’État pour traiter les déchets (que ce soit par enfouissement ou par valorisation) et l’acquisition d’incinérateurs comme mesure d’urgence indispensable pour sortir de la crise.
Il y a eu des périodes de tension, mais qui n’ont pas affecté la coalition. Bien que certaines voix y soient opposées, il y avait généralement consensus sur l’approche, le diagnostic et les solutions. Ces tensions n’ont pas entraîné une fragmentation du groupe ni remis en question son efficacité ; au contraire, elles ont souvent été l’occasion de débats constructifs, permettant d’affiner les propositions et d’élargir le consensus.
Agir ou influencer ensemble : stratégies d’action et de mobilisation multi-échelle
Les stratégies d’action et de mobilisation adoptées par le mouvement de plaidoyer se sont déclinées selon une approche multi-échelle, visant à intervenir à différents niveaux d’impact. Elles incluaient des actions concrètes sur le terrain, des démarches juridiques ciblées, ainsi qu’un recours stratégique aux médias et à l’expertise des chercheurs.
Cette combinaison a permis de maximiser l’efficacité du mouvement, en agissant simultanément à l’échelle locale, nationale et internationale, et en exploitant chaque levier disponible pour influencer les décisions et mobiliser les acteurs clés. Nous verrons, dans ce qui suit, comment ces différentes dimensions ont interagi pour renforcer l’impact du mouvement.
Les actions sur le terrain
Un premier niveau d’action repose sur les initiatives menées directement sur le terrain. Tout d’abord, à partir d’octobre 2021, des manifestations ont été organisées devant la mairie de Sfax ainsi qu’au siège du gouvernement afin de dénoncer l’incapacité des autorités à gérer la crise des déchets, qui s’était aggravée depuis la fermeture de la décharge d’Agareb le 27 septembre 2021. Parallèlement, des réunions marathoniennes ont eu lieu entre les différents acteurs du plaidoyer, notamment au siège de l’UGTT et de l’Utica, afin de coordonner les efforts et d’explorer des pistes de solutions.
Un suivi permanent de la situation a été assuré, accompagné de propositions visant à atténuer temporairement la crise. Parmi ces initiatives, des démarches actives ont été entreprises dès novembre 2021 pour identifier des sites adéquats tout en engageant un dialogue avec les populations locales.
L’objectif était de les convaincre en garantissant que l’État s’engage à mettre en place une unité de valorisation des déchets plutôt qu’une simple décharge, évitant ainsi de déplacer le problème sans le résoudre. En parallèle, une coordination a été établie avec certaines initiatives de valorisation des déchets. Dès la mi-novembre 2021, plusieurs experts du domaine se sont portés volontaires pour développer des projets pilotes à Sfax[17], dans l’optique d’expérimenter des solutions durables et d’inciter l’État à adopter des alternatives écologiquement et économiquement viables.
Une grève générale, prévue par l’UGTT avant le 17 décembre 2021, a finalement été annulée après la nomination, le 10 décembre 2021, d’un nouveau gouverneur originaire de Sfax. Ce dernier s’est engagé auprès des différentes parties à résoudre la crise, avançant le site de Limaya comme une solution possible et satisfaisante. Ce site n’a cependant jamais été ouvert en raison d’un refus social persistant.
Enfin, la coalition a procédé à une observation directe sur le terrain en organisant, le 15 décembre 2021, une visite des principaux sites de dépôt de déchets, actuels et potentiels, notamment à Agareb, à Mahrès, sur l’ancien port, à Sidi Mansour (un arrondissement de la commune de Sfax abritant un centre de transfert des déchets) et à Jebiniana.
Le recours à la justice
La coalition de plaidoyer a eu recours à des actions judiciaires comme levier stratégique et moyen de pression sociale. Cependant, l’absence de structure formelle représentant la coalition a posé des difficultés pour l’engagement de ces procédures. Pour contourner cet obstacle, les plaintes ont été déposées au nom d’individus ou d’organisations membres de la coalition.
Le combat judiciaire s’est structuré autour de deux affaires majeures : la première plainte visait les municipalités, tandis que la seconde était dirigée contre l’Agence nationale de gestion des déchets (Anged), exigeant la levée immédiate des déchets dans les zones urbaines. Cette stratégie présentait l’avantage d’obtenir non seulement une décision favorable, mais aussi d’inciter le pouvoir judiciaire à reconnaître et à faire respecter les droits environnementaux des citoyens.
Le 24 janvier 2022, la société civile a remporté une victoire significative avec un jugement d’appel en référé, immédiatement exécutoire. Ce jugement contraignait l’Anged ainsi que les municipalités de Sfax relevant de la juridiction concernée à procéder sans délai à l’enlèvement des déchets vers les centres de transfert. Cette décision représentait une avancée majeure dans la lutte pour le droit à un environnement sain, en tenant les institutions responsables de leurs obligations. Toutefois, sa mise en œuvre a rencontré des obstacles logistiques et pratiques. La fermeture persistante de la décharge a compliqué les opérations, tandis que le rejet par les riverains de tous les sites proposés comme alternatives a entravé l’application effective de la décision.
La médiatisation de la lutte
Si la population de Sfax a intensifié sa mobilisation à travers des manifestations et des sit-ins exigeant des solutions concrètes, la coalition de plaidoyer a, elle aussi, élargi son combat en communiquant largement. En effet, la crise des déchets a bénéficié d’une grande couverture médiatique, mettant en lumière l’inaction et le manque de responsabilité des institutions concernées.
Les médias, tant locaux qu’internationaux – notamment à travers des chaînes comme Sky News et France 24 – ont joué un rôle clé dans la sensibilisation de l’opinion publique, en exposant l’ampleur de la catastrophe environnementale que traversait la ville, et en relayant des témoignages poignants d’habitants décrivant leur quotidien comme un véritable « bombardement de déchets ».
L’émission d’investigation Les Quatre vérités, l’une des plus renommées en Tunisie, a consacré un épisode à la question, « La crise des déchets à Sfax : un cauchemar sans fin ». Ce reportage a mis en lumière la détresse des habitants, confrontés depuis plusieurs mois à l’accumulation des déchets, aux nuisances causées par les insectes, aux fumées toxiques des incinérations sauvages, aux odeurs pestilentielles et à la prolifération des reptiles et des sangliers. Il a également souligné les conséquences sociales et économiques de cette crise : certains commerçants ont été contraints de fermer boutique, leurs devantures étant bloquées par des montagnes de détritus. Enfin, l’émission a dénoncé l’inaction des autorités centrales, révélant leur incapacité à proposer une solution viable.
Parallèlement aux manifestations et du plaidoyer relayés par la presse, des initiatives ont vu le jour au centre-ville, notamment sur le célèbre boulevard Cent-Mètres, lieu emblématique de la révolution après la chute de l’ancien régime. Cet espace a accueilli divers événements artistiques impliquant de nombreux jeunes : représentations théâtrales, expositions de photographies et de peintures illustrant la crise des déchets. Ces actions ont contribué à sensibiliser la population à cette problématique environnementale. Des ateliers d’éducation au tri sélectif ont également été organisés afin de promouvoir une gestion plus responsable et plus durable des déchets.
Au-delà de la couverture médiatique, le mouvement de plaidoyer a également cherché à mobiliser des bailleurs de fonds internationaux, notamment la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (Bird), dans l’espoir d’obtenir une assistance financière et technique. Dans cette optique, plusieurs réunions ont été organisées au siège du ministère de l’Environnement, donnant lieu à des engagements et à des promesses de soutien de la part de la Bird. Cependant, malgré ces efforts, le processus n’a pas débouché sur des résultats concrets. Des accusations ont émergé, pointant du doigt l’Anged qui aurait détourné les fonds alloués initialement à la gestion de la crise vers d’autres priorités, et notamment au profit de la municipalité de Tunis.
Le recours à l’expertise scientifique et académique
La stratégie des ateliers de travail a été adoptée pour pallier le manque de connaissances concernant le diagnostic du secteur des déchets et pour permettre au groupe de plaidoyer de formuler des propositions basées sur une compréhension scientifique et technique approfondie dans ce domaine.
Il convient de souligner que la stratégie d’apprentissage politique ne se limite pas à une simple accumulation de savoirs objectifs, mais qu’elle constitue également un outil stratégique pour renforcer l’influence d’une coalition sur les décisions politiques (Sabatier et Jenkins-Smith, 1993[18]). Dans cette optique, la coalition a organisé trois ateliers[19] dans le cadre d’une action collective abordant les enjeux des déchets sous ses divers aspects.
Ces ateliers ont successivement traité des dimensions techniques, juridiques et sociales des déchets, permettant à la coalition de formuler un diagnostic plus consensuel des problèmes de gestion des déchets en Tunisie, tout en mettant en lumière les points suivants :
- L’échec de la politique de gestion des déchets en Tunisie, essentiellement fondée sur l’enfouissement technique. Si les décharges contrôlées ont constitué une solution innovante et moins polluante pour lutter contre les dépôts anarchiques et l’incinération non régulée des déchets à un moment donné, cette technologie a rapidement montré ses limites. Les décharges sont désormais saturées, dépassant leur capacité réelle, sans autre solution efficace. Elles continuent de recevoir d’énormes quantités de déchets, non traités préalablement, générant ainsi des externalités environnementales négatives, affectant le cadre de vie des populations avoisinantes, souvent marginalisées, qui peinent à faire face à cette forme d’injustice environnementale.
- La faillite de la gouvernance, où l’absence de coordination, de transparence et de répartition claire des responsabilités, continue de freiner les efforts visant à instaurer un système durable de gestion des déchets en Tunisie. Le chevauchement des responsabilités et l’ambiguïté des rôles entre les municipalités et l’Anged illustrent un problème structurel profond. Cette dualité des compétences – où les municipalités sont responsables de la gestion des déchets ménagers, mais où l’Anged intervient de manière centrale pour le traitement et l’élimination des déchets – crée une confusion qui compromet l’efficacité des actions sur le terrain.
- L’absence d’implication active des citoyens dans la gestion des déchets, alors qu’ils constituent le premier maillon de la chaîne en tant que producteurs de ces mêmes déchets.
Grâce à cette compréhension approfondie des problématiques, la coalition de plaidoyer a pu formuler plusieurs propositions relatives aux solutions techniques et aux réformes juridiques. La feuille de route qu’elle a présentée à la suite de la crise incluait les principaux points suivants :
- Mettre en avant le tri mécano-biologique (TMB) comme alternative viable à l’enfouissement, particulièrement adaptée aux spécificités des déchets en Tunisie. En outre, le RDF (Refuse-Derived Fuel), un biocombustible utilisable par les cimenteries, a été proposé comme la valorisation énergétique la plus fiable.
- Réformer le cadre juridique et institutionnel en profondeur, afin de clarifier les rôles et les responsabilités de chaque acteur, renforcer les capacités des municipalités et promouvoir une approche participative impliquant les citoyens et la société civile dans la gestion des déchets.
La stratégie des ateliers et leurs résultats ont constitué un levier essentiel pour le plaidoyer visant à réformer les politiques et les programmes de gestion des déchets. Les membres de la coalition de plaidoyer ont mis en lumière les solutions identifiées lors des trois ateliers, en adressant une correspondance officielle datée du 3 février 2022 à la Chambre nationale de production de ciment (CNPC).
Cette lettre visait à explorer les possibilités d’élimination des déchets dans les fours des cimenteries. Le plaidoyer a renforcé sa demande avec des statistiques clés, soulignant l’importance de l’adoption de cette technologie à l’échelle mondiale, et plus particulièrement au sein de l’Union européenne, où son taux d’utilisation atteint en moyenne 44 %, et dépassant les 70 % dans certains pays.
En complément, la correspondance s’est appuyée sur des données issues d’études menées par la CNPC en partenariat avec la Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit (GIZ), estimant le volume de CSR (combustibles solides de récupération) entre 150 000 et 200 000 tonnes par an. Toutefois, cette démarche n’a pas conduit à des décisions concrètes.
Sur le terrain, plusieurs initiatives ont été mises en place, notamment en matière de sensibilisation des citoyens au tri des déchets. Des campagnes de sensibilisation ont été organisées dans les écoles, les lycées et les universités afin d’inculquer une culture du tri à la source. Cependant, l’impact de ces actions est demeuré limité, sans résultats tangibles en termes d’amélioration du tri des déchets dans la ville de Sfax. De plus, ces initiatives n’ont pas permis de réduire de manière significative la quantité de déchets ultimes destinés à l’enfouissement.
Un succès mitigé face à des politiques publiques ancrées
Depuis le début de la crise, la coalition de plaidoyer a maintenu une communication constante avec les autorités locales et nationales, considérant cela comme une stratégie clé pour le succès de ses initiatives. Ce dialogue, bien que parfois conflictuel, a permis d’influencer le processus décisionnel et d’inscrire la crise des déchets à l’agenda politique.
Cette approche de co-construction met en lumière un processus dynamique où les savoirs, les propositions et les actions sont négociés entre différentes parties prenantes, plutôt que de considérer l’action publique comme un processus unidirectionnel où l’État impose ses décisions (Latour, 1991[20] ; 2005[21]). Dans le cas de Sfax, la coalition de plaidoyer ne s’est pas limitée à un rôle contestataire, mais a développé une expertise crédible qui a contraint les autorités à prendre en compte ses revendications.
Cette approche participative, en intégrant des connaissances techniques et des expériences locales, a renforcé la légitimité du mouvement et a favorisé une prise de décision plus inclusive. Cela a permis de garantir que les solutions proposées répondent aux besoins réels de la population, tout en tenant compte des contraintes administratives et techniques. Les membres de la coalition ont veillé à impliquer les décideurs à chaque étape du processus.
Cela s’est traduit par des réunions régulières, organisées tant au siège du gouvernorat qu’au ministère à Tunis, afin de consulter les autorités compétentes et de leur soumettre les avis et les propositions de la coalition. Les décideurs ont également joué un rôle actif lors des ateliers, où ils ont présenté les évaluations de la situation, proposé des solutions pratiques et techniques, et pris part aux discussions. La confiance politique accordée à la coalition s’est concrétisée par le fait que ses recommandations ont servi de base de travail pour le comité consultatif chargé du suivi de la crise des déchets, comité désigné par le gouverneur.
Cependant, malgré ces avancées, la coalition de plaidoyer a dû faire face à plusieurs défis, principalement liés à la difficulté de faire évoluer les politiques concernant la gestion des déchets. Ce secteur est en effet complexe à plusieurs niveaux. Actuellement, la gestion des déchets en Tunisie repose sur un système centralisé de décharges techniques et sur l’attribution de contrats à des entrepreneurs privés pour la collecte et l’enfouissement des déchets.
Ce modèle, largement critiqué, est coûteux pour l’État, avec une charge annuelle estimée à 120 millions de dinars tunisiens (soit environ 40 millions de dollars américains). « Bien que l’évolution vers la valorisation et la réduction des déchets soit un objectif souhaitable, sa mise en œuvre reste difficile, notamment en raison de la résistance de ceux qui bénéficient du système actuel[22]. » En effet, les déchets représentent un marché financier important, ce qui rend tout changement du système actuel ardu.
De nombreuses parties prenantes, qu’il s’agisse d’entreprises privées ou d’acteurs institutionnels, tirent profit des failles du système en place et s’opposent à toute réforme. L’opacité, le favoritisme et la corruption sont souvent pointés du doigt dans les contrats de collecte et d’enfouissement attribués aux sociétés privées. Ces entreprises génèrent des profits considérables, ce qui les pousse à s’opposer à des réformes visant à introduire des systèmes alternatifs comme le tri sélectif ou des centres de traitement modernes.
Un autre problème complexe à résoudre en Tunisie est le changement de nature du terrain appartenant à l’État. Ce type de changement nécessite des procédures légales complexes et l’approbation de plusieurs parties prenantes, ce qui rend le processus de transformation ou de réaffectation pour d’autres usages encore plus difficiles.
Parmi les obstacles majeurs figure également l’acceptabilité sociale des installations de gestion des déchets. La coalition a identifié deux facteurs essentiels à cet égard : d’une part la nécessité d’offrir des avantages tangibles à la population avoisinante de ces installations, et d’autre part celle de leur accorder le droit de surveillance technique et environnementale. Or, ces deux éléments font souvent défaut.
En guise de conclusion : quelles leçons tirer ?
La coalition de plaidoyer a réussi à convaincre l’ensemble des parties prenantes d’adopter une approche plus rationnelle fondée sur des éléments concrets. En effet, le large groupe qui cherchait à faire entendre sa voix et à exercer une pression sur les autorités par la mobilisation de la rue manquait de capacités, de compétences techniques, de connaissances scientifiques ainsi que d’un diagnostic précis de la réalité des déchets sur le terrain.
En conséquence, il n’était pas en mesure de proposer de solutions viables. L’enfouissement restait l’option prédominante, sans expérience significative en matière de valorisation des déchets, et personne ne possédait l’expertise nécessaire pour déterminer la technologie la plus adaptée, non seulement d’un point de vue technique, mais aussi en tenant compte des ressources financières des municipalités, de l’État et des citoyens, qui financent ce service. Grâce à son plaidoyer, la coalition a pu élaborer des propositions concrètes en inscrivant la problématique des déchets dans un cadre académique et scientifique, notamment à travers des ateliers de travail.
La présence d’un groupe pluridisciplinaire composé de personnes aux compétences variées a permis au mouvement de plaidoyer de mobiliser une diversité de méthodes et d’outils pour impulser un changement. L’utilisation des médias, le recours à la justice, la mobilisation dans la rue ainsi que l’organisation d’ateliers de réflexion ont contribué conjointement à sensibiliser l’opinion publique et à obtenir l’adhésion des autorités pour un changement durable.
Le passage d’un rôle purement contestataire à une démarche proactive, visant à construire des points de vue et des solutions alternatives, a permis à la coalition d’exercer une influence plus efficace. Cette approche a renforcé sa capacité à s’opposer aux décisions inefficaces, car elle disposait d’une vision claire et pouvait proposer des alternatives crédibles. En conséquence, la coalition a acquis une légitimité et une crédibilité accrues aux yeux des décideurs.
L’importance de fonder les campagnes de plaidoyer sur des preuves solides et des arguments étayés est essentielle, tant pour défendre efficacement les objectifs visés que pour gagner la confiance des décideurs et des citoyens. L’adoption par l’État des recommandations issues des ateliers, notamment en ce qui concerne la réforme du cadre juridique, témoigne de la crédibilité et de la légitimité acquises par la coalition de plaidoyer.
Enfin, l’unification des efforts et la résistance aux tentatives de division sont cruciales pour assurer la pérennité des mouvements de plaidoyer. Il est cependant à noter que les autorités ont mis fin aux travaux de la coalition en instaurant un comité consultatif désigné par le gouverneur, et ce malgré le rejet et l’indignation d’une grande partie de la société civile. Ce comité a ensuite repris et exploité les résultats du travail de la coalition, mais sous le contrôle et l’autorité de l’État.
Les opinions exprimées dans cette publication sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement la position du CAREP Paris.
Notes :
[1] Anged, Stratégie de gestion intégrée et durable des déchets 2006-2016, 2006. URL : http://www.anged.nat.tn/upload/strategie.pdf
[2] Bouhlel, M., « The political tenor of the garbage crisis. A comparative study between Tunisia and Lebanon », Political issues, 73, 2023a. URL : https://doi.org/10.58298/732023396
[3] Bouhlel, M., « Environmental Mobilization Amid Tunisia’s Waste Crisis », ARI, 2024. URL: https://www.arab-reform.net/publication/environmental-mobilization-amid-tunisias-waste-crisis/
[4] Sweep-Net et ANGED, Rapport sur la gestion des déchets solides en Tunisie, 2014.
[5] Salman, L., « L’Environnementalisme post-décentralisation. La politique locale de la gestion des déchets en Tunisie », ARI, HBS, 2021. URL : https://www.arab-reform.net/fr/publication/lenvironnementalisme-post-decentralisation-la-politique-locale-de-gestion-des-dechets-solides-en-tunisie/
[6] Keck, M. E. et Sikkink, K., Activists beyond Borders. Advocacy Networks in International Politics, Cornell University Press, 1998.
[7] Akrich, M, « De la question sociale à la question écologique. Les mobilisations locales face aux déchets industriels », Revue française de sociologie, 51, 2010, p. 3-35.
[8] Blanchard, A. et Veyrier, C., « L’Expertise citoyenne en contexte de conflits environnementaux », VertigO. La revue électronique en sciences de l’environnement, 20, 2020.
[9] Bennett, W. L. et Segerberg, A., The Logic of Connective Action. Digital Media and the Personalization of Contentious Politics, Cambridge University Press, 2013.
[10] Allal, A., « Réformes autoritaires, mobilisations protestataires et alternance politique en Tunisie », Revue internationale de politique comparée, 19, 2012, p. 27-47.
[11] Bouhlel, M., « Environmental Mobilization Amid Tunisia’s Waste Crisis », ARI, 2024. URL : https://www.arab-reform.net/publication/environmental-mobilization-amid-tunisias-waste-crisis/
[12] Ibid.
[13] Cirelli, C. et Florin, B. (dir.), Introduction. Vivre des déchets. Sociétés urbaines et déchets, éclairages internationaux, Presses universitaires François-Rabelais, 2015.
[14] Durand, M., « Gestion des déchets et inégalités environnementales et écologiques à Lima (Pérou). Entre vulnérabilité et durabilité », M@ppemonde, 103, 2011, p. 4.
[15] Bouhlel, M. et Bennasr, A., « Je ne suis pas une décharge (#Manich_Msab). La crise des déchets à Sfax », Vilmouv, 2024. URL : https://vilmouv.cnrs.fr/sfax/je-ne-suis-pas-une-decharge-manich_msab/
[16] On peut citer par exemple la déclaration du 27 mai 2022 signée par environ quarante associations et organisations en réaction à la décision prise par le ministère de l’Environnement concernant l’appel à une large consultation régionale, alors que la ville vivait depuis près de neuf mois une crise environnementale persistante. La déclaration a appelé le ministère à retirer la proposition de consultation et a été suivie par des appels à la démission de la ministre de l’Environnement.
[17] Il y a notamment le projet CEOMED, qui vise à appliquer les principes de l’économie circulaire à la fraction organique des déchets solides municipaux. À Sfax, ce projet cible spécifiquement les déchets produits par les marchés de gros de fruits et de légumes. Il prévoit la mise en place de digesteurs anaérobies pour traiter ces déchets organiques, produisant ainsi du biogaz et du compost utilisable comme engrais. Ce projet a pour objectif de créer de nouveaux plans de gestion des déchets dans la ville, en se concentrant sur une approche circulaire et durable. Un autre projet pilote de valorisation énergétique des déchets entre la municipalité de Sfax, la Société nationale de distribution des pétroles (Agil), l’Agence nationale pour la maîtrise de l’énergie (ANME) et le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA-PRO) a été signé en mars 2022. Il consiste à traiter 50 000 tonnes de déchets domestiques par an pour produire environ 1,9 million de m³ de méthane. Le gaz produit est destiné à alimenter une flotte de 800 taxis, nécessitant une adaptation des véhicules pour utiliser ce carburant alternatif.
[18] Sabatier, P. A. et Jenkins-Smith, H. C., Policy change and learning. An advocacy coalition approach, Westview Press, 1993.
[19] Le premier atelier s’est déroulé le 22 janvier 2022 et se décomposait en deux parties, l’une intitulée « Crise de gestion des déchets au gouvernorat de Sfax. État des lieux et perspectives », l’autre « Techniques et technologies appropriées. Cas de gouvernorat de Sfax ». Le deuxième atelier, intitulé « Réforme de système juridique pour une meilleure gestion des déchets ménagers », s’est déroulé le 12 mars 2022. Le troisième atelier, « La crise des déchets. Pour une approche sociale et de communication efficace », s’est déroulé le 12 juillet 2022.
[20] Latour, B., Nous n’avons jamais été modernes. Essai d’anthropologie symétrique, La Découverte, 1991.
[21] Latour, B., Reassembling the Social. An Introduction to Actor-Network Theory, Oxford University Press, 2005.
[22] Entretien avec Chafik El Ayedi, membre de la société civile, ancien député et vise président du comité de suivie de la crise des déchets, décembre 2024.