Par Jihad Farah
Introduction
Les controverses portant sur des questions environnementales et d’aménagement ne sont pas nouvelles au Liban. Elles ont été l’objet de couvertures médiatiques et de publications scientifiques, notamment autour des projets de reconstruction de la capitale libanaise dans la période de l’après-guerre civile[1]. Durant cette même période, d’autres controverses ont marqué les espaces politiques locaux de beaucoup de villes et villages au Liban[2], comme celles qui portaient sur les cimenteries et la gestion des déchets à Koura, les espaces verts de Beyrouth ou la privatisation du littoral par des centres balnéaires à Jbeil.
Toutefois, c’est principalement autour des années 2010, que l’on peut observer une véritable explosion du nombre de controverses autour de questions environnementales et urbaines au Liban, qui s’est traduite par une forte médiatisation de ces sujets, à l’instar de la mobilisation pour l’ouverture du parc de Horch Beyrouth[3], les campagnes de Dalieh et Ramlet El-Baida pour la conservation de l’accès public au littoral face à sa privatisation[4], la campagne contre le projet de la voie rapide Fouad Boutros qui implique la destruction d’un quartier à caractère patrimonial à Beyrouth[5], ou encore celle pour la protection de la vallée de Bisri contre un projet de barrage, pour n’en citer que quelques-unes.
Outre le nombre grandissant de ces controverses, ce qui démarque les plus récentes d’entre elles, c’est leur politisation par des « mouvements citoyens », et leur articulation avec la crise du système politique libanais en général[6]. Par conséquent, il est intéressant de voir ce que l’étude de ces controverses libanaises peut nous enseigner sur les rapports de pouvoir et de territoire, et sur les horizons de changement dans ce pays.
Controverses, crises et boîtes noires : un aperçu du cadre théorique
Les apports de la tradition pragmatiste attachés à la construction du sens et du politique dans l’action sont utiles pour mieux saisir les crises urbaines et environnementales libanaises. Tout particulièrement, les concepts de « controverse » et de « boîte noire sociotechnique », proposés par la sociologie pragmatique des transformations[7], de la théorie de l’acteur-réseau[8] et les théories des régimes d’action et d’engagement[9], sont intéressants à mobiliser. Ensemble, ils permettent de saisir les modes d’exploration collective des enjeux en les liant à des régimes de sens, tout en les inscrivant dans des contextes sociaux, matériels et institutionnels.
Les controverses sont ainsi un « régime d’énonciation générale » d’apprentissage de scénarios possibles et des arguments à leur propos, et par la suite un lieu de construction d’identité et d’élargissement du répertoire d’actions collectives[10]. Elles s’inscrivent dans un contexte de « rupture d’ordre[11] » et de « monde en train de se faire[12] ». Les controverses émergent à partir de situations perçues comme problématiques par de nombreux protagonistes et s’autonomisent assez souvent dans leurs développements des processus décisionnels et démocratiques reconnus[13]. Si pour certains auteurs (notamment Lemieux[14]) elles doivent être distinguées des « crises institutionnelles » ouvertes, nous optons dans ce papier pour une autre approche.
Jihad Farah
Professeur en urbanisme
Jihad Farah est architecte et urbaniste. Il est titulaire d’un doctorat en urbanisme de l’université de Liège, en Belgique. Il est actuellement Professeur à la Faculté du design et de l’architecture de l’Université Dar El Hekma (Jeddah, Arabie Saoudite) et à la Faculté des Beaux-Arts et d’Architecture de l’Université libanaise (Beyrouth). Dans les quinze dernières années, il a participé et dirigé des projets de recherche et publié sur de nombreuses thématiques incluant la fragmentation urbaine, les politiques urbaines locales et municipales, les pratiques et politiques d’urbanisme durable, ainsi que sur l’utilisation des technologies de l’information et de la communication dans les processus de participation et d’engagement dans les politiques et projets urbains locaux. Il est aussi partenaire et chercheur au sein d’UPLoAD, une structure de consultance basée à Beyrouth spécialisée dans les questions de développement local et urbain en contextes de crises.
S’il est possible et utile dans certains contextes de marquer la séparation entre un espace de controverse (où le conflit est présent mais maîtrisé et canalisé dans l’argumentation) et un espace de crise (où le conflit se transforme en confrontation ouverte), les controverses peuvent parfois se développer dans une dynamique de basculement continu entre les moments d’échanges discursifs et les moments de crise, voire de conflit ouvert qui rendent cette distinction difficile. C’est souvent le cas de pays en conflits[15], où il n’est pas rare de voir des controverses muter en mobilisations fortes – voire en violences – ou à l’inverse, d’assister à l’apaisement de conflits en controverses.
Dans cette perspective, il est important de souligner que la temporalité de la controverse n’est pas uniquement la somme des échanges discursifs entre les acteurs. Bien au contraire, des objets et des biens matériels en font également partie. Cette dernière idée peut prendre différentes déclinaisons. D’abord, dans le sens que pourrait lui donner Bruno Latour et de Michel Callon, les objets peuvent démentir les propos d’un protagoniste de la controverse (c’est le cas par exemple pour une infrastructure qui ne fonctionne pas comme prévu) ou au contraire, ils peuvent être « partenaires » et consubstantiels à ses prétentions (c’est notamment le cas avec les expériences pilotes et solutions démonstratrices). D’autre part, les objets peuvent faire partie d’une controverse qui se transforme en conflit lorsqu’ils sont détournés ou transformés par les opposants pour bloquer le fonctionnement qui leur est alloué. C’est par exemple ce que Timothy Mitchell appelle le « sabotage », décrivant une situation où des mouvements syndicalistes freinent l’activité de production en ralentissant le fonctionnement des machines ou en les mettant hors de service. Cette attention à la matérialité dans les controverses me semble importante pour saisir leurs dynamiques.
Quant au concept de « la boîte noire », il est souvent attribué à Norbert Wiener dans son livre Cybernétique et société[16] pour indiquer des éléments spécifiques dans un système. L’idée de Wiener est que ces boîtes noires sont importantes dans la conception et le fonctionnement d’un système parce qu’on peut se désintéresser de leur contenu et se focaliser sur leurs entrées et sorties pour permettre de simplifier et d’optimiser les échanges dans ce système. Cette invisibilité, a priori pensée comme positive par le père fondateur de la cybernétique, serait ultérieurement perçue de façon plus nuancée par les sociologues des Science and Technology Studies, qui voient dans cette invisibilité des boîtes noires sociotechniques une source de controverses. De fait, la boîte noire sociotechnique ne se contente pas d’enfermer des éléments techniques mais aussi des valeurs touchant au rôle du système et son fonctionnement. Ces valeurs, celles de ses concepteurs, seront projetées lors du fonctionnement de cette boîte noire en imposant des comportements spécifiques à ses opérateurs comme à ses usagers. Outre les valeurs, la boîte noire institutionnalise un fonctionnement opérationnel et économique précis qui ne manque pas de redéfinir les relations entre les acteurs concernés et les rapports de pouvoir[17]. C’est le cas notamment pour les grandes infrastructures déployées pour la gestion de l’eau, des eaux usées, des déchets, du transport, etc.
Toutefois, pour des raisons économiques, matérielles, sociales ou politiques, ces infrastructures peuvent entrer en crise en n’arrivant plus à assurer leurs services ou en assurant des services de plus en plus contestés[18]. C’est dans ces moments que ces boîtes noires deviennent matière à controverses. Ces controverses commencent systématiquement à « ouvrir » les boîtes noires en questionnant leurs technicités, leurs pertinences, leurs impacts, leurs coûts de gestion et de maintenance, etc. Des alternatives sont souvent proposées et les rapports « savoir-pouvoir-territoire » qui ont permis l’émergence et le fonctionnement de ces boîtes noires sont alors remis en cause.
La mise en avant de ces concepts de controverse, crise et boîte noire implique, d’un côté, une attention dans l’analyse aux questions de construction, de partage et de mobilisation des savoirs dans les discours comme dans les relations de pouvoir. De l’autre, elle oblige l’analyse à s’attarder sur les questions matérielles (technicité, spatialité, territorialité) et la façon par laquelle cette matérialité peut être « apprivoisée » par les différents acteurs, délimitant ou poussant les marges de changement possibles. C’est depuis ces deux angles que je propose dans ce papier de revenir sur certaines controverses d’aménagement et d’environnement au Liban et de réfléchir les horizons possibles de changement.
Utilité de cette approche pour le cas libanais
Observer le champ politique et les dynamiques de constructions territoriales au Liban à travers les controverses et les boîtes noires sociotechniques nous semble d’une grande utilité au Liban. Le regard dynamique de cette approche analytique permet un déplacement par rapport aux grilles d’analyse dominantes et assez structuralistes : que ce soit celles favorisant une lecture à travers le prisme sociopolitique et géopolitique du communautarisme libanais, ou celles s’appuyant sur le traçage de l’économie politique et les mécanismes de spoliation des biens communs par les élites. De fait, dans une société fragmentée socialement et spatialement (non seulement sur une base communautaire mais aussi de clanisme familial, de réseaux partisans, etc.), les rapports politiques et territoriaux sont constamment renégociés. Les controverses environnementales et d’aménagement sont des moments forts de ces renégociations. Toutefois, ces négociations ne se font pas uniquement à partir d’identités et d’intérêts figés, qu’elles soient communautaires ou de classes, mais sur la base de redéfinition du bien, de l’identité et du territoire communs.
Zoom sur deux controverses environnementales au Liban
Après ce cadrage théorique, nous développerons dans ce qui suit deux exemples de controverses environnementales à Deir Ammar[19] et à Saida[20]. Nous avons choisi intentionnellement de nous éloigner des grandes controverses qui ont marqué la dernière décennie, comme celles qui ont suivi la crise des déchets de Beyrouth en 2015 ou encore celles autour de la construction du barrage de Bisri, afin de nous focaliser sur des controverses qui s’inscrivent dans un contexte régional. Ceci nous permet de mieux saisir comment ces controverses affectent les relations savoir-pouvoir-territoire et leur co-construction au niveau local.
La controverse autour de l’usine de production électrique de Deir Ammar et ses impacts environnementaux et sanitaires
L’usine de production électrique de Deir Ammar est l’un des principaux projets portés par les gouvernements de l’après-guerre civile pour faire face au grand déficit en matière d’électricité. Mise en service progressivement entre 1997 et 1999, l’usine comprend trois unités de production pouvant opérer sur la base de fuel (diesel) ou de gaz naturel avec une capacité maximale de 425 MW[21]. Cette usine a toutefois suscité de nombreuses controverses au cours des deux dernières décennies. Il y a d’abord celles d’ordre politico-technique liées aux politiques gouvernementales concernant le secteur de l’électricité. Car elles soulèvent les questions de privatisation des unités de production d’électricité, les choix en termes de profil technique de l’usine et des sources d’approvisionnement (notamment en termes de coûts de fonctionnement et d’accès aux carburants) et le besoin ou non de construire une seconde usine à Deir Ammar[22]. Il y a ensuite celles qui révèlent des pratiques de clientélisme et de corruption dans les contrats et la gestion de l’usine, pointant par exemple des questions de justice sociale pour les employés de l’usine ou encore la colère populaire contre les coupures d’électricité[23]. Il existe également d’autres controverses liées au rapport de l’usine au contexte local[24].
Toutes tournent autour de plusieurs questions, dont la demande locale d’une « compensation » pour l’implantation de l’usine à Deir Ammar dans la mesure où cette dernière « ne profite pas aux acteurs locaux de Minieh » en termes de traitement préférentiel d’approvisionnement en électricité ou d’accès à l’emploi. Ceci est d’autant plus accentué à Deir Ammar où l’usine occupe une partie conséquente du front de mer coupant la localité de la côte. Toutefois la principale controverse locale qui nous intéresse ici est celle de l’impact environnemental et sanitaire de l’usine sur la région de Minieh où se trouve Deir Ammar.
Dans une enquête, dans laquelle nous avons été impliqués en 2020[25], la question environnementale est perçue comme le problème le plus pesant sur la région, devançant même de peu la question économique. La qualité de l’air y est perçue comme prioritaire, suivie de celle des déchets. Certains commentaires qualitatifs pointent de façon massive la responsabilité de l’usine de Deir Ammar dans la pollution de l’air à Minieh. Des recherches réalisées dans la presse et sur les réseaux sociaux montrent que le lien fait entre l’usine et la pollution de l’air n’est pas nouveau. Déjà en 2009, le maire de Deir Ammar de l’époque rendait les fumées de l’usine responsables de la mort de centaines d’amandiers et de citronniers dans la région, ainsi que de la disparition d’un grand nombre de plantes et de fleurs saisonnières. Il soulignait aussi la montée du nombre de cas de cancers parmi la population[26]. En 2018, l’Union des municipalités de Minieh avance un rapport au Gouverneur du Nord Liban, dans lequel elle fait porter la responsabilité des dégâts à l’usine qui ne respecte pas les normes en termes de filtrage des particules fines. L’Union met en avant aussi la pollution maritime causée par l’usine. Cette dernière, qui utilise l’eau de mer pour refroidir ses engins, est accusée de rejeter aussi du fuel[27]. Sur les réseaux sociaux comme lors d’entretiens avec les acteurs locaux et la population, l’usine est souvent qualifiée d’« usine de la mort ».
Reste à noter que le discours porté par la municipalité de Deir Ammar a changé radicalement de cap sous la présidence du nouveau maire. De fait, dès son accession à la mairie, ce dernier a considéré la question de la pollution de l’air comme une priorité. Il réussit dès lors à assurer un financement pour la mise en place d’une installation de suivi de la qualité de l’air et nomme un universitaire spécialisé en chimie pour assurer son fonctionnement et l’analyse de ses résultats. Il fait appel à l’Institut Libanais de Recherches Agricoles pour documenter l’hécatombe des arbres fruitiers dans la région, ainsi qu’au ministère de la Santé pour documenter les cas de cancer. Selon cet universitaire, les résultats indiquent que la pollution de l’air à Deir Ammar n’est pas supérieure à celle de la moyenne nationale. Les pics journaliers sont plutôt en lien avec les embouteillages de l’heure de pointe. De même, les spécialistes des pathologies agricoles ont montré le rôle d’un insecte qui s’est fortement reproduit dans la région et qui attaque les racines et troncs des arbres fruitiers. Quant aux résultats sanitaires, en l’absence d’une enquête systématique, ils restent non-conclusifs, mais avec des indications qui insinuent qu’on est toujours dans les marges de la moyenne nationale – elle-même en hausse.
Cependant, ces résultats sont peu audibles à Minieh. En effet, les controverses entremêlées autour de l’usine ne laissent plus de place à la discussion sur leur authenticité. Le maire, proche du Mouvement du Futur du Premier ministre Hariri, est accusé de couvrir les projets du Courant Patriotique Libre – parti contrôlant le ministère de l’Énergie et de l’Eau depuis douze ans – à un moment de rapprochement entre les deux forces politiques. L’usine devient rapidement un point de ralliement de toutes les contestations. Elle symbolise comme d’autres projets que nous avons cités (notamment le barrage de Bisri) un pouvoir central arrogant et corrompu qui installe dans les périphéries lointaines des infrastructures déficientes qu’il exploite au détriment de la santé et la qualité de vie des habitants.
Controverses autour de la gestion des déchets à Saida
La question de la gestion des déchets à Saida fait beaucoup parler d’elle depuis des années dans la presse nationale. Elle se trouve au centre d’une succession de controverses, de mobilisations et de mouvements de contestations qui épisodiquement deviennent violentes – comme lors du blocage de l’usine par des manifestants en 2018. La gestion des déchets représente un cas typique d’un volontarisme municipal de « modernisation » qu’on observe chez de nombreuses autorités locales aujourd’hui au Liban. Elle est en même temps un exemple expressif de la manière dont des projets technocratiques, pensés et implantés dans des cercles fermés d’entrepreneurs et de groupes politiques, peuvent déraper avec des conséquences environnementales et politiques lourdes pour les municipalités.
L’équipe municipale affiliée au Mouvement du Futur du Premier ministre Hariri, en place depuis 2010, a fait campagne en mettant en avant sa capacité de faire face à la question des déchets[28]. Cette dernière représente depuis l’époque de la guerre civile (1975-1990) une plaie ouverte que les conseils municipaux n’ont pas réussi à traiter. Elle prend surtout la forme d’un dépotoir énorme en front de mer, appelé « Montagne des déchets », qui s’élève sur plusieurs dizaines de mètres et renvoie des odeurs de pestilence à des centaines de mètres à la ronde. La nouvelle équipe promet d’en finir avec cette Montagne et d’engager un mode de gestion durable des déchets. Et en cela, elle a réussi son pari[29]. Avec l’appui de dons saoudiens, elle démonte la Montagne et sur le remblai met en place un parc en front de mer. En partenariat avec un investisseur privé proche du même groupe politique, la municipalité ouvre dans la même zone une usine de traitement des déchets, de plusieurs dizaines de millions de dollars d’investissement, avec des fonctions de tri secondaire, de compostage et de production d’énergie à partir des déchets. La rapidité de la réalisation, le recours à une technologie sophistiquée et le partenariat public-privé sont présentés non seulement comme un pas dans le sens de la modernisation de la ville et de services[30], mais aussi comme un objectif pour la réalisation d’une ville durable. L’idée étant de marquer un contraste avec l’équipe municipale précédente accusée de léthargie et pour signifier que la nouvelle équipe municipale veut et peut entreprendre d’autres changements de la même ampleur pour transformer la ville : projets urbains de remembrement de la plaine agricole pour l’ouvrir à l’urbanisation, piétonisation du centre-ville, etc.[31]. Toutefois, la boîte noire de la gestion des déchets ne tarde pas à se fissurer remettant en cause la belle façade avancée par l’équipe municipale.
N’ayant fonctionné que quelques mois, l’usine referme ses portes pour deux ans. La raison affichée est la demande de l’entrepreneur de revoir les contrats. Ce dernier avait promis de faire fonctionner l’usine sans demander de contrepartie pour 200 tonnes/jour de déchets reçues de Saida et sa région, à la condition que la municipalité offre le terrain. Il comptait sécuriser ensuite ses bénéfices en vendant les recyclables et le compost. Mais avec la récupération par des chiffonniers informels d’une bonne partie des recyclables d’une part, et la faible qualité de compost produite par l’usine d’autre part, l’équilibre financier de l’opération est au rouge. Les contrats prévoyaient qu’en situation de défaut de l’entrepreneur, la municipalité prendrait en charge le fonctionnement de l’usine – chose dont elle est incapable non seulement du point de vue économique, mais aussi en termes de capacité de gestion[32].
C’est ainsi que le Mouvement du Futur est intervenu en 2012 pour trouver une solution, en imposant un forfait de 90 dollars/tonne aux municipalités pour que l’entrepreneur continue à faire fonctionner l’usine[33]. À nouveau opérationnelle, l’usine est agrandie pour pouvoir recevoir plus de tonnage à traiter et sécuriser ainsi l’équilibre financier. Cette augmentation de la quantité des déchets signifie cependant que des déchets venant d’autres régions comme Jezzine, voire Beyrouth, doivent désormais être traités à Saïda. Toutefois, une nouvelle crise éclate lorsque l’incinérateur à la Bekaa qui recevait les ultimes déchets inertes[34] de l’usine, ferme ses portes en 2015. À partir de ce moment, les déchets commencent à s’accumuler de nouveau dans la cour de l’usine, renvoyant des odeurs nuisibles dans l’entourage proche qui n’a pas manqué de répondre par des nouvelles manifestations[35]. Avec l’accord de la municipalité, l’usine décide de recourir au remblayage de la baie de mer proche avec ces déchets inertes. Mais rapidement des odeurs pestilentielles commencent à se dégager des remblais provoquant d’importantes mobilisations et menant même au blocage temporaire du fonctionnement de l’usine[36]. Après une plainte en justice qui impose l’arrêt des remblais, l’usine se conforme à la décision. L’usine et la municipalité de Saida demandent alors aux municipalités de l’Union de municipalités de Saida-Zahrani d’assurer des terrains pour enfouir leurs déchets inertes, mais sans succès. Enfin, plus récemment, l’usine fait face à un mouvement social de ses employés se plaignant de leurs salaires qui ont perdu de leur valeur avec la crise économique.
Ces événements qui sont ainsi à la source de différentes controverses finissent par s’entremêler. Un premier type de controverses est d’ordre urbanistique et politique. Comme indiqué plus haut, l’équipe municipale veut transformer profondément l’espace urbain. Toutefois ses projets sont souvent qualifiés de néolibéraux et facilitant l’accaparement, par des intérêts capitalistes, d’espaces urbains stratégiques comme la plaine agricole, le centre-ville et le front de mer sud de la ville. C’est notamment concernant ce dernier que certains pointent du doigt la gestion des déchets et le remblayage comme visant à créer du foncier qui serait récupéré par ces intérêts capitalistes, un peu à l’image de ce qui s’est produit au centre-ville de Beyrouth pendant la reconstruction : un métabolisme urbain transformant les déchets en foncier. Le deuxième type de controverse concerne les tribulations des accords public-privé et le mouvement social des employés de l’usine qui génèrent chacune des attaques contre l’équipe municipale pour son incapacité à protéger l’intérêt général et les plus démunis face aux intérêts économiques de ses partenaires privés. La troisième type est en lien aux solidarités territoriales. Certains dénoncent l’acheminement de déchets d’autres régions – notamment 200 tonnes/jour depuis la capitale – pour des raisons économiques et politiques alors qu’une « nouvelle montagne de déchets se met en place ». De même, la question d’identification d’un terrain d’enfouissement crispe les relations au sein même de l’Union des municipalités de Saida-Zahrani. Enfin, largement dominantes sur le front médiatique, les controverses environnementales portant sur le choix des technologies de traitement, le manque d’attention aux questions de tri à la source, ou encore le remblayage des déchets inertes remettent en question les bienfaits du recours aux technologies sophistiquées.
Matérialité et savoir dans les rapports de pouvoir et de territoire
Matérialité et territorialité
Deir Ammar et Saida sont des exemples forts du poids de la matérialité physique sur la stabilité des boîtes noires. Ainsi, à Deir Ammar, la composition chimique des rejets des cheminées de l’usine devient l’objet de la principale controverse qui va opposer les populations locales à l’usine. Quant à Saida, l’incapacité de produire un compost de qualité dû à la composition matérielle des déchets met en bernes l’équilibre financier de l’usine, mène à la crise du partenariat public-privé et provoque la fermeture de l’usine pendant deux ans. De même, les traces de bactéries qui se maintiennent sur les déchets inertes (du fait de leur mélange avec les déchets organiques dans les sacs poubelles) et produisent des réactions au mélange de l’eau de mer suscitant d’importantes mobilisations, condamnant l’option de remblayage et ouvrant la controverse autour de l’identification d’un site d’enfouissement des déchets inertes dans les municipalités de l’Union.
La lecture en termes de boîte noire sociotechnique et de controverses permet aussi de saisir les enchevêtrements des échelles territoriales et la manière dont les acteurs tentent de s’approprier ces différentes échelles pour assurer le déploiement de leurs projets, ou bien de leur contestation. Du côté des systèmes sociotechniques, on voit bien comment les usines de Deir Ammar et de Saida opèrent au sein de territorialités réticulaires les liants à des espaces lointains dont ils deviennent dépendants. À Saida, le fonctionnement de l’usine dépend du métabolisme des déchets qui s’étend des régions de leur provenance (Saida, les autres municipalités de l’Union, la région de Jezzine, Beyrouth, etc.) à ceux de leur rejet (l’usine de la Bekaa où les déchets inertes sont incinérés, la baie proche où ils ont été temporairement remblayés). À Deir Ammar, l’usine dépend de l’alimentation en fuel et gaz importés et leur acheminement, comme du fonctionnement du réseau électrique national ou encore des processus de refroidissement à partir de l’eau de mer proche. Comme nous l’avons vu, la perturbation accidentelle ou volontaire (par des acteurs contestataires) des articulations de ces systèmes réticulaires peut fortement les déstabiliser.
Le suivi des controverses permet de saisir la construction ou l’effritement des territorialités politiques. Cela tourne principalement autour de l’assertion d’une légitimité d’action ou de représentation d’un territoire et de ses habitants. Dans les controverses à Deir Ammar et Saida, on observe principalement trois types de territorialités politiques. La première concerne les formes de solidarités territoriales régionales. À Minieh comme à Saida, il existe des unions de municipalités. Ces dernières visent à développer les possibilités de coopération entre les municipalités et traiter des défis qui leur sont communs. C’est notamment le cas pour la question de la qualité de l’air, comme pour celle des déchets. Reste que ces unions demeurent encore faibles institutionnellement et politiquement. C’est ainsi que la question du site d’enfouissement des déchets inertes remet en cause cette solidarité territoriale à Saida -Zahrani[37]. À Minieh, bien que l’union se soit, dans un premier temps, intéressée à la question de la qualité de l’air, c’est la municipalité de Deir Ammar qui finalement s’est montrée en capacité de développer des moyens pour la documenter et chercher à comprendre ses impacts environnementaux et sanitaires[38]. Au Liban, les municipalités restent des acteurs politiques incontournables sur leurs périmètres municipaux. Toutefois, leur échelle spatiale réduite[39] et leurs moyens souvent limités rendent leur capacité à traiter de questions complexes comme la gestion des déchets forcément dépendante d’autres acteurs et de territorialités qu’elles ne contrôlent pas forcément. La deuxième territorialité est celle des espaces de la contestation. Cela inclut d’abord une appropriation symbolique – mais parfois aussi physique à travers l’occupation de l’espace par des manifestations – des espaces « martyrisés », comme la baie de Saida ou les quartiers riverains ou encore le front de mer à Deir Ammar. Enfin, ces territorialités peuvent aussi prendre l’échelle de toute la région, ce qui constitue le troisième cas de figure. Ici, c’est la région dans son ensemble qui est présentée comme victime de sa marginalisation politique au niveau national ou délaissée à la « cupidité d’intérêts capitalistes ».
Tout cela nous donne à voir comment les crises de ces « boîtes noires », et les controverses qui en découlent, contribuent à effriter la construction de territorialité politique du Mouvement du Futur à Minieh comme à Saida, deux de ses bastions historiques, sans nécessairement pour autant faire émerger des territorialités politiques alternatives plus stables.
Production et usages des savoirs
La sophistication technique (technologique et gestionnaire) des infrastructures d’électricité et de traitement des déchets, est en elle-même, un facteur qui contribue à légitimer les acteurs en charge de ces infrastructures et à marginaliser les autres acteurs. Ainsi, l’implication de grandes firmes internationales comme d’organes techniques de l’État (départements ministériels, Conseil de Développement et de Reconstruction) dans la conception et l’opération des usines de Deir Ammar et Saida ramène une certaine légitimité du savoir qui désarme dans un premier temps les acteurs locaux. Reste que ce rapport de savoir-pouvoir tient foncièrement à l’efficacité de la performance technique et à une représentation convaincante de l’intérêt général.
L’intérêt général est présenté dans les deux cas sous l’angle de l’urgence et le besoin de sortie de crise : en finir avec les longues coupures du courant d’Électricité du Liban (EDL) à Deir Ammar et avec la « Montagne des déchets » à Saida. L’intérêt général est présenté aussi sous l’angle de la « modernisation » et du développement. L’infrastructure de Deir Ammar est essentielle au développement du réseau électrique du pays. À Saida, l’usine de traitement des déchets s’inscrirait, quant à elle, dans une vision plus large de renouvellement urbain de la ville.
Que ce soit pour Deir Ammar ou Saida, dès leurs débuts, ces projets et les discours qu’ils portent avaient des détracteurs. Toutefois, ces derniers restaient relativement minoritaires et inaudibles. Cela surtout parce que, dans un premier temps, la construction de l’usine à Deir Ammar a sensiblement permis d’augmenter la distribution électrique d’EDL et que la municipalité de Saida avait réussi à transformer la Montagne des déchets en parc public. C’est surtout avec la nouvelle accumulation des déchets dans la cour de l’usine de Saida en 2015 et avec la diminution de l’alimentation de l’électricité d’EDL d’une part et les rapports des pêcheurs signalant des rejets de fuel de l’usine de Deir Ammar vers la mer, d’autre part, que les premières mobilisations commencent à s’organiser. Le halo autour de la supériorité du savoir « expert » s’efface et les porteurs des projets se retrouvent entraînés dans des controverses où ils sont obligés de débattre et communiquer avec des « profanes ».
La dynamique d’une controverse pousse les acteurs non seulement à s’ « armer » en cherchant l’information, mais aussi à informer en communiquant le message qui soutient leur position. À Deir Ammar, on voit assez tôt une volonté de mieux s’informer. Déjà en 2009, le président de l’Union des municipalités de Minieh affirme chercher le soutien de bailleurs de fonds pour la mise en place d’équipements permettant le suivi de la qualité de l’air. On voit aussi des acteurs locaux dans les secteurs de la santé, de l’agriculture, de la pêche, etc. se concerter pour essayer de donner du sens aux phénomènes qu’ils observent. Les efforts de la municipalité de Deir Ammar qui met en œuvre un système de suivi de la qualité de l’air et fait appel à des spécialistes en agriculture et en santé sont un pas important dans cette direction. À Saida, à un moment important de la cristallisation de la contestation, une coalition d’acteurs locaux fait appel à un expert chimiste pour comprendre les causes des odeurs pestilentielles venant des remblais des déchets inertes. Les conclusions de son rapport, diffusées dans la presse, sont par la suite utilisées pour assurer la décision de justice interdisant le remblayage.
Au niveau de la communication, les différents acteurs contestataires font appel à différents médiums mais c’est surtout via les réseaux sociaux, les échanges lors de rassemblements ou encore par le recours à la presse nationale qu’ils essaient de faire avancer leurs arguments. Sur ce terrain, les acteurs institutionnels sont souvent moins agiles pour suivre le cours rapide et multiformats des échanges.
Il est à noter que le rôle de la construction du savoir est important dans une phase où on pense que le but est de faire changer de politique, mais il devient moins audible quand la confrontation se radicalise ou lorsque toute confiance est perdue dans le « politique ». En suivant les cas de Deir Ammar et Saida, on peut repérer différentes temporalités où différents types d’arguments sont avancés. Dans un premier moment, on retrouve des efforts de construction et de communication de savoirs techniques documentant des défaillances ou défendant différents choix techniques. Mais à fur et à mesure que le temps avance et que les controverses autour de ces questions d’infrastructures, d’aménagement et d’environnement s’entremêlent, la complexité sociotechnique et politique devient éthérée dans les discours des acteurs. Une ligne de fracture se consolide alors dans ces discours, opposant un « nous » local et populaire – voire parfois communautaire – à un système politique « autre » corrompu et qui marginalise. Comme le montre le cas de Deir Ammar, il est plus facile de lier les maux qui rongent la région aux fumées blanches de l’usine et, derrière elles à la corruption du système politique libanais, que de se saisir des travaux des experts et des résultats produits par les efforts de la municipalité. C’est à ce moment précis toutefois qu’on se trouve face à ce qu’on pourrait appeler la « déterritorialisation » des controverses : une coupure entre la production du savoir et les réalités sociales et matérielles locales décrites dans cet article d’une part, et les arguments portés par les acteurs de la controverse de l’autre. Ceci a pour conséquence la perte du capital du savoir construit localement et le risque de voir le discours de contestation local d’une part marginalisé comme ignare et « nimbyste[40] » par les institutions ou, d’autre part, récupéré par les manœuvres politiciennes des acteurs du système politique libanais dans les conflits qui les opposent.
Conclusion : reterritorialiser les controverses
Une des caractéristiques fondamentales de ce qui a souvent permis aux « économies politiques de spoliation[41] » au Liban d’accaparer des biens communs est justement leur capacité à mettre en place des boîtes noires autour des enjeux environnementaux et d’aménagement. Des biens communs sont ainsi intégrés dans des marchés ou des pratiques institutionnelles de gestion qui les extraient des rapports sociaux et matériels des territoires dans lesquels ils s’inscrivent. Toutefois, comme nous l’avons montré à travers les deux cas présentés, les boîtes noires sont rarement stables sur le long terme. Les controverses qui accompagnent leur déstabilisation ouvrent le champ à la renégociation des rapports politiques et territoriaux.
La capacité à contester ces mécanismes de spoliation est certainement un attribut de la vitalité de la société civile au Liban. Toutefois, en construisant cette dualité entre économies politiques de spoliation et mouvements citoyens contestataires et en faisant abstraction de l’épaisseur du monde social et de la matérialité physique de ces controverses, les acteurs aspirants au changement se dépossèdent souvent eux-mêmes des ressources nécessaires à ce changement. De fait, dans les discours dominants au sein de la société civile, les acteurs municipaux, comme d’ailleurs les autres acteurs partisans, religieux, claniques et associatifs locaux sont souvent rejetés à l’un des bords de cette classification binaire et réductrice. Il nous semble ainsi urgent de reterritorialiser l’approche.
Cette reterritorialisation passe par une inscription dans les controverses locales, non pour les éthériser en combat du « peuple » contre le « système corrompu », mais au contraire en donnant plus d’épaisseur aux réalités locales : matérialités, acteurs, représentations. Cela signifie de s’engager dans la production des savoirs sur ces mondes locaux, de documenter les réalités environnementales et sociales et de communiquer ces savoirs produits auprès des acteurs locaux pour influencer les représentations. Mais cela signifie aussi de s’engager dans l’espace politique local, monter des coalitions avec les acteurs locaux et influencer voire investir l’espace municipal. De fait, malgré tous leurs problèmes de représentativité[42], les municipalités restent des institutions centrales de production des politiques publiques au Liban, notamment pour tout ce qui touche au quotidien des gens. Bien qu’il représente une voie ardue, l’investissement du « localisme » par les acteurs qui prétendent au changement est essentiel pour toute transformation pérenne. De fait, comme l’ont montré les dernières années, si les controverses et les contestations peuvent fragiliser les acteurs politiques dominants, sans alternatives crédibles inscrites dans le quotidien des gens, on tombe dans une sorte « nihilisme politique[43] » facilement récupérable par ces mêmes acteurs.
Notes :
[1] Notamment, la reconstruction du centre-ville de Beyrouth par une société privée Solidere dans les années 1990, le projet de réaménagement de sa banlieue sud-est de Elyssar ou encore le projet de remblai pour développement immobilier de sa banlieue nord Linor.
[2] Karam KARAM, « Espaces verts, espaces locaux. La dynamique écologique et la redéfinition des rapports entre municipalités et associations », in : Agnès FAVIER (dir.) Municipalités et pouvoirs locaux au Liban, Presses de l’IFPO, 2001 ; Paul KINGSTON, “Patrons, Clients And Civil Society: A Case Study Of Environmental Politics In Postwar Lebanon”, in : Arab Studies Quarterly, 23(1), 2001, p. 55-72 ; Karim MAKDISI, “The Rise and Decline of Environmentalism in Lebanon”, in : Alan MIKHAIL (dir.), Water on Sand: Environmental Histories of the Middle East and North Africa, 2012, p. 207-230.
[3] Fadi SHAYYA, At the Edge of the City: Reinhabiting Public Space toward the Recovery of Beirut’s Horsh Al-Sanawbar, Discursive Formations, 2010 ; El Halawani D. The Struggle Over Horsh Beirut : Analysis of Discourses, Master Thesis, University of Aalborg, 2017.
[4] Abir SAKSOUK-SASSO, “Making Spaces for Communal Sovereignty: The Story of Beirut’s Dalieh”, Arab Studies Journal, 23(1), 2015, p. 296-318 ; Abir SAKSOUK-SASSO, Nadine BEKDACHE, Mohammd AYOUB “Private interest closing social space? A critical analysis of Lebanon’s real estate sector”, in : Jessica BANFIELD et Victoria STAMADIANOU (eds.) Lebanon: Towards a Peace Economy, International Alert, 2015.
[5] Katarzyna PUZON, “Saving Beirut: heritage and the city”, International Journal of Heritage Studies, 2017, DOI: 10.1080/13527258.2017.1413672 ; Philp ISSA “Road to nowhere”, Executive Magazine, July 4 2013, <https://www.executive-magazine.com/economics-policy/fouad-boutros-road-ashrafieh-beirut>
[6] Sami ATALLAH, Garbage Crisis Exposes Arrogance and Conflict Among the Political Elite, LCPS, 2015, <http://www.lcps-lebanon.org/featuredArticle.php?id=50 >; Mona HARB, “New Forms of Youth Activism in Contested Cities: The Case of Beirut”, The International Spectator, 53(2), 2018, p. 74-93, <http://dx.doi.org/ 10.1080/03932729.2018.1457268>
[7] Francis CHATEAURAYNAUD et Joaquim DEBAZ, Aux bords de l’irréversible, sociologie pragmatique des transformations, Éditions Petra, 2017.
[8] Notamment Bruno LATOUR, Changer de société, refaire de la sociologie, La Découvete, 2006 ; Michel CALLON, « Sociologie de l’acteur réseau », in : Madeleine AKRICH, Michel CALLON et Bruno LATOUR (dir.) Sociologie de la traduction : textes fondateurs, 2006, p. 267-276.
[9] Luc BOLTANSKI, Laurent THEVENOT, De la justification, les économies de grandeur, Gallimard, 1991.
[10] Pierre LASCOUMES, « De l’utilité des controverses socio-techniques », Journal International de Bioéthique et D’Éthique des Sciences, 13(2), 2002, DOI : 10.3917/jib.132.0068
[11] Luc BOLTANSKI, Laurent THEVENOT, op.cit.
[12] Michel CALLON, « Pour une sociologie des controverses sociotechniques », Fundamenta Scientia, 2(3-4), 1981, p. 381-399
[13] David SMADJA, « La boîte noire de la controverse », Raisons Politiques, 2012/3, 47, p. 5-11
[14] Cyril LEMIEUX, « À quoi sert l’analyse des controverses », Mil neuf cent, 25, 2007, p. 191-212
[15] Jihad FARAH, Jacques TELLER, « De la territorialisation des controverses : métropolisation, déterritorialisation, (re)territorialisation à Beyrouth », Métropoles, 16, June 2016, <https://journals.openedition.org/metropoles/5098#quotation>
[16] Norbert WIENER, Cybernétique et Sociétés, l’usage humain des êtres humains, Seuil, 1950.
[17] Michel CALLON, « Sociologie de l’acteur réseau », in : Madeleine AKRICH, Michel CALLON et Bruno LATOUR (dir.) Sociologie de la traduction : textes fondateurs, 2006, p. 267-276 ; Bruno LATOUR, Changer de société, refaire de la sociologie, La Découverte, 2006.
[18] Steve GRAHAM, Simon MARVIN, Splintering urbanism: Networked Infrastructures, Technological Mobilities and the Urban Condition, Routledge, 2001.
[19] Localité dans la région Minieh dans le Gouvernorat du Liban Nord, à quelques kilomètres de Tripoli et représentant une de ces banlieues périphériques.
[20] Chef-lieu du Gouvernorat du Liban Sud, elle est au centre d’une agglomération qui regroupe en plus de la ville municipale un nombre de municipalités périphériques.
[21] Chafic ABI SAID, Electric Energy & Energy Policy in Lebanon, Global Network on Energy for Sustainable Development Project, March 2005.
[22] À titre indicatif : Al-Akhbar, Khayaran bein baye alqadim wa maamal jadid fi Deir Ammar [« Deux choix, entre la vente de l’ancienne usine ou une nouvelle à Deir Ammar »], Al-Akhbar, 16 juin 2007, <https://al-akhbar.com/Community/191483> ; Abdelkafi AL-SAMAD, Deir Ammar yaamal bil gaz almasri mountassaf [« Deir Ammar devait fonctionner au gaz egyptien mi-2008 »], Al-Akhbar, 18 août 2007, <https://al-akhbar.com/Community/186788> ; Al-Akhbar, Deir Ammar bat yaamal aala algaz [« Deir Ammar fonctionne enfin au gaz »], Al-Akhbar, 20 octobre 2009, <https://al-akhbar.com/Arab/125694>
[23] À titre indicatif : Amal KHALIL, Kelfat tachghil maamalay Deir Ammar wal Zahrani tazid 3an miat malyoun dollar [« Le coût de fonctionnement des deux usines de Deir Ammar et Al-Zahrani excède les 100 millions de dollars »], Al-Akhbar, 24 novembre 2015, <https://al-akhbar.com/Community/8425> ; Elie AL-FIRZLI, Maamal Deir Ammar : eindama toussalim aldawla raqbataha li charika [« L’usine de Deir Ammar : lorsque l’État se trouve à la merci d’une entreprise »], Al-Akhbar, 19 avril 2018, <https://al-akhbar.com/Politics/248354>; Al-Akhbar, Intifada oumaliya fi Deir Ammar… Ghadan mawiid alatma [« Mobilisation ouvrière à Deir Ammar… et demain l’obscurité »], Al-Akhbar, 31 avril 2021, <https://al-akhbar.com/Community/303017>
[24] À titre indicatif : Mohammad MALAS, Istiinaf altaharoukat alihtijahiya dod maamal Deir Ammar [« Relance des mobilisations contre l’usine de Deir Ammar »], Al-Akhbar, 8 septembre 2016, <https://al-akhbar.com/Community/219263>; Al-Akhbar, Khamsat moussabin fi mouwajahat bein aljawch wa moutazahirin amam maamal Deir Ammar [« 5 bléssés dans des confrontations entre l’armée et des manifestants devant l’usine de Deir Ammar »], Al-Akhbar, 17 août 2021, <https://al-akhbar.com/Community/314411/>
[25] Réalisée auprès de 458 personnes dans la région de Minieh.
[26] Abdelkafi AL-SAMAD, Maamal Deir Ammar : ya farha ma tamet [« L’usine de Deir Ammar : la déception après l’espoir »], Al-Akhbar, 24 novembre 2009, <https://al-akhbar.com/Archive_Research/124057>
[27] Ilda AL-GHOSSEIN, Maamal Deir Ammar : saratan wa mawassim madrouba wa tassaroub nifti [« L’usine de Deir Ammar : Cancers, récoltes perdues et fuite de fuel »], Al-Akhbar, 24 novembre 2018, <https://al-akhbar.com/Community/260317>
[28] Al-Moustaqbal, AlSaoudi aan mahrajanat Saida : hadamna jidar alkhaouf [« AlSaoudi sur le Festival de Saida : Nous avons brisé le mur de peur »], Al-Moustaqbal, 19 septembre 2016.
[29] Rami ABOU AFLA,”Saida’s Garbage Experience: How a Mountain Became a Landfill”, Legal Agenda, 7 octobre 2016 ; Suzanne BAAKLINI, Saïda rêvait d’un jardin à la place de son dépotoir : elle l’a désormais ? L’Orient-Le Jour, 22 avril 2016, <www.lorientlejour.com/article/982343/saida-revait-dun-jardin-a-la- place-de-son-depotoir-elle-la-desormais.html>; Mouhammad WEHBE, Saida Trash Mountain: The Stench of Corruption, Al-Akhbar English, 9 septembre 2012, <https://web.archive.org/web/20121028054313/http://english.al-akhbar.com/content/saida-trash-mountain-stench-corruption> ; Mohammad ZAATARI, Workers race against time to finish Sidon breakwater before winter, The Daily Star, 26 sptembre 2012, <http://dailystar.com.lb/News/Local-News/2012/Sep-26/189212-workers-race-against-time-to-finish-sidon-breakwater-before-winter.ashx>
[30] Nabil ZANTOUT, Tajribat baladiyat Saida [« L’expérience de la municipalite de Saida »], in Alnifayat fi Lubnan : altiqanyat wa kharitat altariq [« Les déchets au Liban : les techniques et la feuille de route »], Ordre des ingénieurs et architectes de Beyrouth, 2018, p. 44-48 ; Thuraya ZEATER, Jawla lilsinaiyin fi maamal farz alnifayat fi Saida [« Visite des industriels de l’usine de tri des déchets à Saida »], Al-Liwaa, 13 août 2015 ; M. DAHCHÉ, Algemayel min ma3mal alfarz fi Saida : Li mouaalaja taria lil nifayat [« Al-Gemayel de l’usine de tri de Saida : pour un traitement urgent des déchets »], Al-Balad, 13 août 2015 ; Al-Charq, Wafed baladiyet Trablous fi Saida lilitlaa aala tajribat baladyatiha fi altakhalous min alnifayat [« Une délégation de la municipalite de Tripoli à Saida pour en savoir plus sur l’expérience de son municipalite avec les déchets »], Al-Charq, 3 août 2015.
[31] Maud MOUSSI, « Temps du patrimoine, temps des projets urbains : télescopage et fusions à Jbeil, Saïda, Sour (Liban) », Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée, n° 136, 15 novembre 2015, p. 109-134 ; Jala MAKHZOUMI, Salwa AL-SABBAGH, “Landscape and Urban Governance: Participatory Planning of the Public Realm” in : Saida, Lebanon, Land, vol. 7, n° 2, juin 2018, p. 48.
[32] Hassan CHAMSEDDINE, Tajribat bladiyat Saida min alnahia alqanounia [« L’expérience de la municipalite de Saida de point de vue juridique »], in Alnifayat fi Lubnan : altiqanyat wa kharitat altariq [« Les déchets au Liban : les techniques et la feuille de route »], Beyrouth, Ordre des ingénieurs et architectes de Beyrouth, 2018, p. 70-72
[33] Suzanne BAAKLINI, Déchets à Saïda : les négociations sur le prix de la tonne au point mort, L’Orient- Le Jour, 9 janvier 2012, <www.lorientlejour.com/category/Liban/article/739316/Dechets_a_Saida+%3A__les_negociations_sur_le_prix__de_la_tonne_au_point_mort.html> ; The Monthly, Nabil Zantout, General Manager at IBC (Interview), The Monthly, 11 septembre 2015, <https://monthlymagazine.com/article-desc_1805_>
[34] Est considéré comme un déchet inerte « tout déchet qui ne subit aucune modification physique, chimique ou biologique importante, qui ne se décompose pas, ne brûle pas, ne produit aucune réaction physique ou chimique, n’est pas biodégradable et ne détériore pas les matières avec lesquelles il entre en contact d›une manière susceptible d›entraîner des atteintes à l›environnement ou à la santé humaine », selon la Directive 1999/31/CE du conseil du 26 avril 1999 – JOCE du 16 juillet 1999.
[35] Amal KHALIL, Fateh mounaqassa li mouraqabat maamal moualajat nifayat Saida [« Appel d’offre pour la supervision de l’usine de traitement de Saida »], Al-Akhbar, 16 octobre 2015.
[36] Zeina ANTONIOS, Saïda en rogne contre les déchets, l’eau et l’électricite, L’Orient-Le Jour, 3 juillet 2018, <www.lorientlejour.com/article/1123703/saida-en-rogne-contre-les-dechets-leau-et- lelectricite.html> ; L’Orient-Le-Jour, Les ordures à nouveau ramassées à Saïda, L’Orient-Le Jour, 2 juillet 2018, <www.lorientlejour.com/article/1123598/les-ordures-a-nouveau-ramassees-a-saida.html> ; Amal KHALIL, Maamal nifayat Saida : aldawla toulahiq almouhtajin [« L’usine des déchets de Saida : l’État poursuit les manifestants »], Al-Akhbar, 4 juillet 2018 ; Mohammad SALEH Taqrir sidaoui aan alkhota : Alsalbiyat tafouq alijabiyat [« Un rapport de Saida sur le « plan » : les inconvénients surpassent les avantanges »], Al-Safir, 14 septembre 2015 ; AL-DIYAR, Fi rad aala bayan jamiiat Min ajl baladi alakhdar ; Al-Saoudi : Saida wa maamal alnifayat bikheir [« En réponse à la déclaration de l’association Min ajl baladi Al-Akhdar ; Saoudi : Saida et l’usine de traitement se portent bien »], Al-Diyar, 3 avril 2016.
[37] Il est à remarquer que la fermeture de la décharge d’Adweh à Minieh a eu le même effet sur l’Union des municipalités dans cette région
[38] En effet, les présidents et conseils des unions municipales, n’étant pas élus au vote direct, ne peuvent prétendre s’appuyer sur de larges bases politiques et sont souvent tenus par les intérêts et jeux d’acteurs du clanisme familial et du communautarisme qui pèsent au niveau municipal
[39] Plus de 1 100 municipalités pour une superficie nationale de 10 500 km2.
[40] De NIMBY (Not in My Back Yard), acronyme souvent utilisé dans la littérature anglophone pour signifier les attitudes d’acteurs locaux refusant de recevoir des infrastructures pouvant servir le bien commun d’une ville ou d’une agglomération dans leurs quartiers ou communes. Cet attribut est souvent pensé comme péjoratif, dans le sens d’égoïste et insensible au bien commun.
[41] Ghassan DIBEH, The political economy of postwar reconstruction in Lebanon, The United Nations University World Institute for Development Economics Research, 2005 ; Reinoud LEENDERS, Spoils of Truce : Corruption and State Building in Postwar Lebanon, Cornell University 2012 ; Hanne BAUMAN, “Social protest and the political economy of sectarianism in Lebanon”, Global Discourse, 6(4), 2016, p. 634-649 ; Nisreen SAALTI, Jad CHAABAN, The Political Economy of Attracting Funds: The case of Lebanon, The Economic Research Forum 2010 ; Lydia ASSOUAD, Lebanon’s Political Economy: From Predatory to Self-Devouring, Carnegie Middle East, January 2021 ; Mona FAWAZ, “Neoliberal Urbanity And The Right To The City : A View from Beirut’s Periphery”, Development and Change, 40(5), 2013, p. 827-852
[42] La grande majorité des Libanais ne vote pas où elle habite. Voir : Éric VERDEIL, Les territoires du vote au Liban, Mappemonde, 2(78), 2005.
[43] Ce nihilisme est d’ailleurs fortement palpable aujourd’hui chez une population libanaise ruinée par la crise économique et politique. Malgré la colère très forte qu’ils expriment au quotidien, les gens délaissent massivement l’espace politique et se rabattent sur leurs sphères domestiques et les réseaux de solidarité primaires.