Centre Arabe de Recherches et d’Études Politiques de Paris

08/10/2025

Conférence internationale pour la solution à deux États : entre symbole et réalité de l’occupation

Par l'Unité d'analyse politique de l'ACRPS
Drapeaux_Palestine_ONU
AdobeStock

La Conférence internationale pour la solution à deux États, tenue à New York en septembre 2025 sous coprésidence franco-saoudienne, se veut une relance du processus de paix israélo-palestinien hors du cadre américain. Mais derrière le consensus diplomatique et la vague de reconnaissances symboliques en faveur d’un État palestinien, le fossé reste béant entre les résolutions internationales et la réalité de l’occupation : Israël poursuit son expansion, et la communauté internationale demeure incapable de traduire ses engagements en actes.

La Conférence internationale pour la mise en œuvre de la solution à deux États s’est tenue au siège des Nations unies à New York le 23 septembre 2025, dans un contexte politique et sécuritaire particulièrement tendu pour la question palestinienne et l’ensemble du Moyen-Orient. Elle intervient alors que l’attaque israélienne se poursuit dans la bande de Gaza a provoqué une crise humanitaire d’une ampleur sans précédent, tant par l’étendue des destructions que par le nombre élevé de victimes civiles.

Cette conférence est apparue comme une réponse tardive aux pressions internationales et régionales, ainsi qu’au mouvement de solidarité croissant dans de nombreux pays occidentaux, appelant à mettre un terme à la guerre à Gaza, désormais entrée dans sa deuxième année. En tentant d’ouvrir une nouvelle perspective politique pour le règlement de la question palestinienne, la conférence a aussi semblé refléter l’incapacité persistante de la communauté internationale à mettre fin aux violations commises sur le terrain, pourtant documentées et diffusées en continu par les médias, et à compenser son inaction face à la poursuite du conflit.

Organisée conjointement par la France et l’Arabie saoudite, la conférence a réuni de nombreux États, ainsi que des représentants de l’Union européenne et de la Ligue des États arabes, tandis que les États-Unis, comme prévu, ont choisi de ne pas y participer. La déclaration finale a appelé à l’unification de la bande de Gaza et de la Cisjordanie « sous l’égide de l’Autorité palestinienne » et à la création d’un seul État, d’un seul gouvernement et d’une seule force légitime dans les territoires palestiniens. La déclaration finale a décidé l’unification de la bande de Gaza et de la Cisjordanie « sous l’égide de l’Autorité palestinienne » et la création d’un seul État, d’un seul gouvernement et d’une seule force légitime dans les territoires palestiniens. Cette décision implique la fin du contrôle du Hamas sur Gaza, son désarmement et la remise de ses armes à l’Autorité palestinienne, avec le soutien et la participation de la communauté internationale, « conformément à l’objectif de création d’un État palestinien souverain[1] ».

 

Unité d’analyse politique de l’ACRPS

L’Unité d’analyse politique est un département du Arab Center for Research and Policy Studies (Doha) consacré à l’étude de l’actualité dans le monde arabe. Elle vise à produire des analyses pertinentes utiles au public, aux universitaires et aux décideurs politiques de la région et du reste du monde. En fonction des questions débattues, elle fait appel aux contributions de chercheurs et de spécialistes du ACRPS ou de l’extérieur. L’Unité d’analyse politique est responsable de l’édition de trois séries de publications scientifiques rigoureuses : Évaluation de situation, Analyse politique et Analyse de cas.

Le processus préparatoire à la Déclaration de New York

Le 3 décembre 2024, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté une résolution appelant au règlement pacifique de la question palestinienne et réaffirmant l’attachement de la communauté internationale au principe de la solution à deux États comme seule voie pour parvenir à une paix juste et durable au Moyen-Orient. La résolution prévoyait la mise en place d’un cadre pratique pour organiser une conférence internationale de haut niveau consacrée au règlement de la question palestinienne, afin de donner effet à toutes les résolutions de l’ONU sur ce dossier. Elle stipulait également que la France et l’Arabie saoudite assureraient la coprésidence de la conférence, initialement prévue en juin 2025 au siège des Nations unies à New York, et précédée d’une réunion préparatoire destinée à coordonner les positions et définir les mécanismes de travail[2].

Cependant, la conférence n’a pas pu se tenir aux dates prévues, en raison de l’éclatement du conflit entre Israël et l’Iran entre le 13 et le 25 juin 2025, et sous l’effet des pressions diplomatiques exercées par l’administration américaine. Celle-ci a adressé des notes aux États membres, les exhortant à ne pas participer, qualifiant la conférence « d’inutile » et de « malvenue », et estimant qu’elle pouvait compliquer les efforts visant à mettre fin aux hostilités. Washington a également averti que toute mesure « hostile à Israël » pourrait être considérée comme contraire aux intérêts américains et entraîner des conséquences diplomatiques, ajoutant que la reconnaissance d’un État palestinien en temps de conflit serait une « récompense pour le Hamas qui l’encouragerait et le pousserait à faire obstacle à la paix[3] ».

Face à ces pressions, la France et l’Arabie saoudite ont été contraintes de reprogrammer la conférence et de la diviser en deux phases. L’administration de Donald Trump avait en réalité renoncé à la solution à deux États telle qu’envisagée par la communauté internationale, ne conservant dans sa vision que ce qui avait été proposé dans l’« Accord du siècle », présenté comme un État palestinien mais très limité dans ses prérogatives.

La première phase et la Déclaration de New York

La première phase de la conférence s’est tenue fin juillet 2025, au siège des Nations unies à New York, au niveau des ministres des Affaires étrangères. Elle a abouti à la publication d’un document connu sous le nom de « Déclaration de New York[4] », qui présentait un plan progressif pour mettre fin au conflit israélo-palestinien et à la guerre contre Gaza. La déclaration proposait la création d’un État palestinien indépendant et désarmé, vivant en paix aux côtés d’Israël, et appelait le Hamas à renoncer au pouvoir et à déposer les armes. Le transfert du contrôle de Gaza à l’Autorité palestinienne devait se faire avec le soutien et la participation de la communauté internationale, dans le cadre d’une phase de transition visant à permettre aux Palestiniens de construire leur État indépendant.

La déclaration a reçu un large soutien à l’Assemblée générale, avec 142 voix pour et 10 contre : Israël, l’Argentine, la Papouasie-Nouvelle-Guinée, le Paraguay, Palau, Tonga, la Micronésie, Nauru, la Hongrie et les États-Unis. Douze pays se sont abstenus[5]. Elle a constitué la base juridique et politique de la tenue de la Conférence internationale de haut niveau pour le règlement de la question palestinienne, le 23 septembre 2025, au siège des Nations unies, avec une large participation internationale, y compris de pays occidentaux historiquement proches d’Israël. La vague de reconnaissances d’un État palestinien – Royaume-Uni, France, Australie, Belgique, Canada, Luxembourg, Malte, Portugal, Danemark, Andorre, Monaco et Saint-Marin – a donné une importance supplémentaire à la conférence, lui conférant un élan diplomatique et médiatique renforcé.

Déclaration et conclusions de la conférence

La conférence s’est achevée par la publication d’une déclaration en quinze points, présentée par ses coprésidents, la France et l’Arabie saoudite. Ils ont souligné le caractère historique de l’adoption, à une large majorité, par l’Assemblée générale, de la Déclaration de New York[6], qualifiée de cadre irréversible pour une solution à deux États. Selon eux, cette déclaration constitue une alternative réaliste au cycle des guerres répétées et appelle la communauté internationale à passer des paroles aux actes en adoptant des mesures concrètes.

La conférence a salué la reconnaissance croissante de l’État de Palestine par de nombreux pays et a exhorté les autres États à suivre cette voie. Elle a appelé à un cessez-le-feu permanent à Gaza, à la libération des otages et à un accès humanitaire sans entrave. La déclaration a également annoncé le soutien à la création d’une mission internationale temporaire pour assurer la stabilité et renforcer les capacités des forces de sécurité palestiniennes. Elle a réaffirmé la nécessité de l’unification de la Cisjordanie et de Gaza sous une seule autorité, selon le principe « un seul État, un seul gouvernement, une seule loi et une seule arme », ce qui implique implicitement la fin du contrôle du Hamas sur Gaza et son désarmement.

Ce qui ressort de la déclaration, c’est que la création d’un État palestinien indépendant est conditionnée à des mesures internes relevant de la gouvernance et non de la souveraineté, telles que la mise en œuvre des réformes annoncées par l’Autorité palestinienne, la suppression des allocations aux prisonniers, la réforme des programmes scolaires, la tenue d’élections générales et le lancement d’une alliance financière d’urgence pour soutenir le budget de l’Autorité. Dans le même temps, elle appelle Israël à mettre fin à la colonisation et aux annexions qui compromettent les chances de création d’un État palestinien viable. Enfin, la déclaration inscrit la question palestinienne dans un cadre régional plus large, affirmant que la fin de l’occupation et l’instauration d’une paix juste constituent à la fois la voie vers une intégration régionale complète et la garantie d’une sécurité commune au Moyen-Orient.

Importance et limites de la Déclaration de New York

La Déclaration de New York tire sa portée diplomatique et symbolique du rare consensus international qu’elle a suscité, élevant la solution à deux États et le droit du peuple palestinien à l’autodétermination au rang de principes reconnus par les Nations unies. Bien que cela ne modifie pas la réalité imposée par Israël sur le terrain, la déclaration place ce dernier dans une position d’isolement moral et politique, augmente le coût diplomatique de la poursuite de ses politiques d’annexion et de répression dans les territoires occupés, et renforce la position palestinienne en offrant un soutien international inédit à la création d’un État indépendant.

L’importance de la déclaration réside notamment dans sa capacité à contrer les efforts de Benjamin Netanyahu et de sa coalition, qui visent à éliminer l’idée d’un État palestinien et d’une solution à deux États de l’agenda international, avec l’appui implicite de l’administration américaine. Cependant, une distinction majeure demeure : les actions du gouvernement israélien créent des réalités matérielles sur le terrain, tandis que la déclaration reste politique et morale dans sa portée.

Depuis la signature des accords d’Oslo en 1993, c’est la première fois qu’un cadre international dirigé conjointement par des acteurs arabo-européens remet en cause le monopole historique des États-Unis en tant que médiateur du processus de paix israélo-palestinien. Pendant des décennies, la question palestinienne a été traitée selon un cadre de négociation défini uniquement par Washington, qui s’est révélé inefficace et partial, parfois subordonné à une approche américaine étroite : elle reconnaissait formellement la solution à deux États tout en vidant l’État palestinien de toute substance, jusqu’à qualifier d’État une partie de la Cisjordanie. Aujourd’hui, l’administration américaine s’aligne sur les perceptions israéliennes et sur son rôle dans le conflit, transformant de facto la question palestinienne en un dossier israélien pour les États-Unis.

La Déclaration de New York représente un changement qualitatif dans le langage diplomatique. Elle a fait passer le débat international du simple discours traditionnel, qui se contentait de répéter le principe de la « solution à deux États », à un niveau concret, avec des mesures assorties de calendriers précis : cessez-le-feu, échange de prisonniers, réformes de l’Autorité palestinienne, création d’une mission internationale et proclamation d’un État palestinien. La conférence a ainsi tenté de combler l’une des lacunes des initiatives précédentes, comme la conférence de Paris sur la paix au Moyen-Orient en janvier 2017, qui se limitait à une déclaration générale sans fixer de dates ni de mécanismes précis.

Cependant, la déclaration va au-delà de la simple proclamation de l’État palestinien en abordant la forme et l’armement de l’État avant même que sa création ne soit négociée. Elle reste confrontée aux mêmes limites que les initiatives précédentes : elle n’est pas juridiquement contraignante, car elle ne peut être adoptée par le Conseil de sécurité en raison du veto américain. Même si elle l’était, son application resterait problématique sans volonté internationale réelle. Elle ne prévoit aucun mécanisme de pression sur Israël si ce dernier continue à saper la solution à deux États, limitant ainsi sa portée à celle d’une simple déclaration. Le système international, incapable de mettre fin au génocide à Gaza depuis deux ans, n’a pas les moyens de contraindre Israël à revenir sur la voie d’une solution pacifique.

Le texte utilise un langage général, condamnant les comportements des « colons extrémistes » et les « actes de violence », ainsi que la poursuite de la colonisation. Or, les hypothèses sur lesquelles repose la déclaration contredisent la réalité sur le terrain, façonnée par Israël bien avant l’opération du 7 octobre 2023, qui a définitivement compromis la création d’un État palestinien viable. Des décennies de colonisation ont fragmenté la Cisjordanie en îlots dispersés, Israël a annexé de facto Jérusalem en modifiant sa composition démographique, et les réseaux de routes de contournement, barrages et barrières ont réduit la souveraineté palestinienne à une idée théorique.

Dans ce contexte, la déclaration pourrait se transformer en simple modification du discours officiel international, répondant aux pressions populaires croissantes dans les capitales européennes telles que Paris, Londres ou Bruxelles. Les dirigeants européens ont adopté un ton plus apologétique qu’assertif, mettant l’accent sur « la sécurité d’Israël » et « la libération des prisonniers », tout en condamnant collectivement l’opération du 7 octobre. La solution à deux États a été présentée comme un moyen de stabilité régionale plutôt que comme une réponse directe aux droits nationaux palestiniens. Pour certains pays européens, elle constitue un moyen de protéger Israël de ses propres politiques d’extrême droite, qui ont isolé le pays sur la scène internationale. Dans ce contexte, la reconnaissance de l’État palestinien apparaît davantage comme un geste symbolique, permettant d’éviter des mesures concrètes contre Israël.

Conclusion

La conférence sur la solution à deux États et les reconnaissances qui ont suivi de la part de pays occidentaux tels que la Grande-Bretagne, le Canada ou l’Australie, historiquement proches d’Israël, constituent un geste symbolique fort de solidarité avec le peuple palestinien et un outil de pression politique inédit sur Israël, aujourd’hui isolé comme jamais depuis l’époque des mouvements de libération mondiale des années 1950 et 1960.

Pour autant, ce geste ne suffit pas à combler l’écart entre la reconnaissance politique de l’État palestinien et la réalité quotidienne sur le terrain. La fin de l’occupation et la protection des Palestiniens face aux crimes israéliens demeurent des défis que la seule adoption de déclarations internationales ne peut résoudre. Sans mesures concrètes pour contraindre l’État occupant à mettre fin à sa campagne d’extermination à Gaza, la portée de la conférence reste limitée.

La Déclaration de New York souligne l’urgence pour la communauté internationale d’adopter une position ferme et cohérente, traduisant la reconnaissance politique en actions effectives, afin de mettre un terme aux violations répétées et garantir aux Palestiniens le droit fondamental de construire leur propre État dans des conditions de sécurité et de souveraineté.

Notes

[1] Texte officiel de la Déclaration de New York adoptée lors de la Conférence internationale de haut niveau pour le règlement de la question palestinienne par des moyens pacifiques et la mise en œuvre de la solution à deux États, New York, 23 juillet 2025, Nations Unies, consulté le 7/10/2025, disponible sur : https://www.un.org/unispal/document/un-high-level-international-conference-new-york-declaration-29jul2025/

[2] Nations Unies, Résolution A/RES/79/81 de l’Assemblée générale des Nations Unies sur le règlement pacifique de la question palestinienne, New York, 3 décembre 2024, consulté le 7/10/2025, disponible sur : https://documents.un.org/prod/ods.nsf/home.xsp

[3] John Irish et Hamira Pamuk, « Exclusive: U.S. warns states against participating in UN two-state solution conference on Israel-Palestine », Reuters, 11 juillet 2025, consulté le 7/10/2025, disponible sur : https://www.reuters.com/world/middle-east/exclusive-us-warns-against-participation-un-palestine-conference-2025-07-11/

[4] Nations Unies, Conférence internationale de haut niveau pour le règlement de la question palestinienne par des moyens pacifiques et mise en œuvre de la solution à deux États, Déclaration de New York, 23 juillet 2025, consulté le 7/10/2025, disponible sur : https://www.un.org/unispal/document/un-high-level-international-conference-new-york-declaration-29jul2025/

[5] Nations Unies, « L’Assemblée générale adopte la Déclaration de New York appelant à un cessez-le-feu immédiat et à la fin de la crise à Gaza », UN Press, 25 septembre 2025, consulté le 7/10/2025, disponible sur : https://www.un.org/press/en/2025/ga12567.doc.htm

[6] Déclaration de New York sur le règlement pacifique de la question de Palestine et la mise en œuvre de la solution à deux États, co-présidée par la France et le Royaume d’Arabie saoudite, 28–30 juillet 2025, disponible sur le site officiel de la France auprès des Nations Unies : https://onu.delegfrance.org/new-york-declaration