04/07/2024

La Cour internationale de Justice et le génocide à Gaza :

Quand tout fonctionne comme prévu

Emilio Dabed
© Asamblea Legislativa Plurinacional, 2022/ CC/ Flickr

Des millions de personnes dans le monde sont consternées par ce qu’elles considèrent comme l’échec total de l’ordre juridique international à prévenir le génocide à Gaza. Malgré les actions portées devant la Cour internationale de Justice (CIJ) et la Cour pénale internationale (CPI), il y a un sentiment croissant de frustration quant au fait que la loi n’a pas atteint son objectif. Bien que compréhensible, cette indignation semble plutôt reposer sur la fausse idée selon laquelle l’objectif du droit international est d’éradiquer la violence. C’est effectivement ce que la Charte des Nations Unies prévoit et promet, mais ce n’est pas ce que l’ordre légal international est destiné à faire ni ce qu’il fait réellement.

Le choc et la colère face à ces développements légaux apparemment futiles et la continuation des violences génocidaires à Gaza ne sont pas le reflet de l’échec du droit international mais plutôt, et comme le dirait le philosophe Walter Benjamin à propos de notre conception de l’histoire, d’une compréhension intenable de l’ordre juridique international lui-même[1]. Cet ordre n’a pas « échoué » à Gaza puisque, comme nous tenterons de la démontrer dans cet article, il a produit ce qu’il était censé produire. Le génocide des Palestiniens n’a pas cessé parce que tout fonctionne comme prévu.

Loin de mettre fin à la guerre, l’ordre juridique international a été conçu dans le but de l’administrer selon des lignes impérialistes et coloniales. Il ne s’agit pas de dire par là que cet ordre se limite à reproduire la violence de manière déterministe et aveugle. Le concept d’administration de la violence fait référence aux dynamiques par lesquelles les paramètres impériaux et coloniaux définissant ce qui relève de la violence légitime ou illégitime, la violence qui peut être soutenue ou celle qui doit être rejetée ou criminalisée, ou qui peut ou ne peut pas se défendre, sont introduits, inscrits dans la loi, tandis que la loi tait les violences qu’elle inflige.

 

Emilio Dabed

Emilio Dabed est un avocat palestino-chilien et docteur en science politique, spécialisé dans les questions constitutionnelles, le droit international et les droits de l’homme. Il est actuellement professeur adjoint de droit international à la Arab American University, Palestine.

Les différentes décisions émises par la Cour internationale de Justice concernant la plainte déposée par l’Afrique du Sud contre Israël pour génocide en est un bon exemple. Il était extrêmement surprenant, parfois même frustrant, d’entendre l’accueil généralement peu critique réservé à la décision de la CIJ le 26 janvier 2024, ordonnant des mesures provisoires. De nombreuses personnes soutenaient que, « même si la décision n’ordonnait pas un cessez-le-feu, nous devions utiliser cet élan positif pour faire progresser la lutte pour la justice en Palestine ». En ce sens, ils ont tout à fait raison. En effet, la décision a par exemple enclenché l’obligation pour les États tiers de prévenir et de punir le génocide. À ce titre, la décision ouvre la voie à la poursuite en justice des pays complices du génocide, ainsi qu’à un large éventail d’autres actions en justice, au niveau national et international, contre des agents publics et des individus qui participent et se rendent complices des crimes commis à Gaza. C’est quelque chose qui est d’ores et déjà exploré et parfois même tenté dans de nombreux pays, notamment aux États-Unis, au Royaume-Uni, en France et au Canada.[2]

Toutefois, sans nier ces implications positives qui doivent effectivement être mises au service de la cause en faveur des droits des Palestiniens, nous ne saurions être dupes de la décision de la CIJ et fermer les yeux sur d’autres effets extrêmement délétères de la décision. Ainsi, il est tout à fait possible d’orienter nos actions et stratégies vers la Cour tout en formulant une critique solide de l’impact de ces processus juridiques sur nos revendications politiques. En fait, les événements en cours à Gaza depuis la décision de la CIJ en janvier rendent cette critique urgente : le génocide continue de se dérouler sous nos yeux, seulement maintenant, il se voit obscurci et rationalisé dans le langage juridique et les débats bureaucratiques et techniques autour de questions telles qu’Israël respecte-t-il ou non la décision de la Cour ? Israël a-t-il le droit de se défendre ? Ou encore, quelle est la responsabilité des États tiers en vertu du droit international ? Et d’autres considérations juridiques.

Quand la Cour succombe aux paramètres impériaux et coloniaux d’administration de la violence : la décision de la CIJ sous examen critique

Nous ne devrions donc pas épargner à la CIJ les critiques que ses décisions légitimement méritent. Après tout, dans son premier arrêt de janvier, la Cour a reconnu que les actions israéliennes à Gaza constituent « plausiblement » un génocide et que la situation était si intenable qu’elle justifiait l’indication de mesures provisoires. Cependant, et malgré ces faits incontestables, le tribunal n’a pas ordonné la seule mesure susceptible de mettre un terme au génocide, à savoir, un cessez-le-feu immédiat et permanent. La décision ordonnait seulement à Israël de « mettre en œuvre toutes les mesures en son pouvoir pour éviter la commission d’actes de génocide, d’autoriser l’entrée de l’aide humanitaire et de rendre compte de toutes les mesures prises dans un délai de 30 jours[3] ». Cette décision nous a laissés dans la position absurde de devoir nous asseoir avec les auteurs du génocide pour discuter de s’ils sont bien effectivement en train de mettre en œuvre toutes les mesures nécessaires pour éviter de faire ce qu’ils ont publiquement déclaré avoir l’intention de faire et qu’ils font actuellement.

La décision du 26 janvier était en ce sens juridiquement erronée et politiquement obscène. Comme nous le verrons dans ce qui suit, le tribunal aurait parfaitement pu et aurait dû ordonner un cessez-le-feu, mais il ne l’a pas fait. Les effets concrets de cette décision sont de faciliter la poursuite du génocide, désormais obscurci par des débats bureaucratiques et légalistes.

Alors que le 12 février 2024, l’Afrique du Sud avait à nouveau demandé à la Cour d’ordonner l’arrêt de l’opération militaire, prévue par Israël cette fois-ci à Rafah, le tribunal n’a pas jugé nécessaire d’indiquer de nouvelles mesures. Le 26 février, Israël a soumis son rapport sur toutes les mesures prises pour donner effet à la première décision de la Cour. Le 11 mars, l’Afrique du Sud a formulé des observations sur le rapport israélien. Le 6 mars, l’Afrique du Sud a soumis une nouvelle demande sollicitant la Cour, pour la troisième fois, et compte tenu de la gravité croissante de la situation à Gaza, d’indiquer de nouvelles mesures provisoires, y compris la suspension des opérations militaires israéliennes. Le 28 mars, le tribunal, reconnaissant l’extrême gravité des conditions à Gaza, a indiqué de nouvelles mesures provisoires mais non la suspension des opérations militaires.

Entre-temps, plus de 4 000 Palestiniens ont été sauvagement assassinés et plusieurs milliers d’autres ont été blessés. Nous avons assisté depuis à la destruction systématique à Gaza de toutes les infrastructures vitales : des hôpitaux étant assiégés à plusieurs reprises et complètement détruits, des patients tués, du personnel médical kidnappé, des enfants mourant d’une famine intentionnellement calculée, des milliers d’enfants retirés de sous les décombres, la création de centres de détention secrets, et de véritables zones de mort où les civils sont volontairement ciblés par l’armée israélienne, parmi une myriade d’autres atrocités.

Pourquoi donc la Cour n’a-t-elle pas ordonné un cessez-le-feu ? Toutes les explications ont jusqu’à présent évité la critique : le fait que la CIJ demeure animée par les mêmes dynamiques de pouvoir que le reste du système juridique international, et que – volontairement ou involontairement – elle participe à l’administration et à la légitimation de la violence impériale et coloniale. Pourquoi ne faisons-nous pas cette critique ? Parce que nous devrions agir de manière stratégique et mobiliser la décision en faveur de l’avancement des droits des Palestiniens ? Certes, mais les deux attitudes ne sont pas incompatibles. Nous devrions mobiliser les décisions de la Cour comme ressources sans nous tromper nous-mêmes, en intégrant la critique à nos stratégies, et en rendant le tribunal responsable des effets concrets de ses décisions.

À présent, analysons de plus près les différents arguments qui ont été avancés pour justifier la décision de la Cour :

Argument 1 : « L’ordre de cessez-le-feu n’était ni réaliste ni attendu »

Certains ont déclaré que « nous n’attendions pas que la cour ordonne un cessez-le-feu, que ce n’était pas réaliste ». Je suis d’accord, précisément pour les raisons avancées ici. D’autres ont dit que même « si le tribunal avait ordonné un cessez-le-feu, Israël, avec l’aide de ses alliés occidentaux, l’aurait ignoré tout simplement ». C’est vrai, Israël l’aurait ignoré de la même manière qu’Israël a complètement ignoré la décision du tribunal sans l’ordre de cessez-le-feu. Mais le mépris flagrant d’Israël pour le droit international ne rend pas une telle mesure moins nécessaire, et elle ne pourrait pas non plus libérer la Cour de son obligation légale, en tant qu’organe de l’ONU, de faire tout ce qui est en son pouvoir pour empêcher le génocide, quelle que soit la réaction d’Israël. Les tribunaux n’hésitent pourtant guère à ordonner une mesure nécessaire de peur que le coupable ne la respecte pas.

Quelqu’un a osé dire que, de toute façon, « le cessez-le-feu n’était pas le vrai objet de cette procédure ». Mais si ces procédures n’avaient pas pour but d’obtenir un ordre de cessez-le-feu pour éviter le génocide, de quoi s’agissait-il ? De créer une jurisprudence intéressante pour que les universitaires et les praticiens du droit en débâtent ? L’idée même est répugnante. S’agissait-il de changer l’opinion publique internationale ? Les Palestiniens sont au-delà de l’opinion publique internationale ; ils ont douloureusement appris que dans leur lutte et parmi la communauté des États, ils sont pratiquement seuls. Ce que voulaient les Palestiniens, c’était simplement de ne pas être tués, victimes d’un génocide annoncé et télévisé, et cela ne pouvait être évité que par un cessez-le-feu.

Argument 2 : « Les cessez-le-feu ne peuvent pas être unilatéraux »

Un autre argument avancé est que « les cessez-le-feu ordonnés par la Cour doivent être réciproques, bilatéraux ou multilatéraux », mais ils ne peuvent pas être unilatéraux ». Cependant, aucune disposition juridique du droit international ne vient étayer cette thèse. Peut-être cet argument suppose-t-il qu’ordonner un cessez-le-feu unilatéral priverait injustement la partie concernée de son droit de légitime défense ? Pourtant, cet argument ne fonctionnerait que lorsque l’État concerné agit réellement en état de légitime défense, ce qui, comme nous le verrons plus tard, n’est pas le cas d’Israël à Gaza. En tout état de cause, l’article 41 du Statut de la CIJ établit que « la Cour a le pouvoir d’indiquer, si elle estime que les circonstances l’exigent, quelles mesures conservatoires du droit de chacun doivent être prises à titre provisoire[4] ». Le texte n’impose aucune restriction à la Cour concernant les mesures qu’elle peut prendre, et certainement inclut les ordres de cessez-le-feu unilatéraux. Dans sa décision du 16 mars 2022 concernant le cas de génocide entre la Russie et l’Ukraine, la CIJ a effectivement eu recours à l’article 41 pour ordonner un cessez-le-feu unilatéral russe. Il n’y a aucune mention de l’Ukraine dans l’ordre de cessez-le-feu. Il ne fait donc aucun doute que le tribunal peut parfaitement ordonner à Israël un cessez-le-feu unilatéral.

Argument 3 : « La décision était conforme aux précédents de la Cour »

D’autres personnes ont affirmé que « la décision de la Cour était cohérente avec ses décisions antérieures dans d’autres cas de génocide ». La vérité est en réalité plus complexe que cela, et semble ajouter insulte à l’injure : en effet, le tribunal n’a pas ordonné un cessez-le-feu dans les cas de génocide concernant Bosnie/Serbie, Gambie/Myanmar et Afrique du Sud/Israël, mais il l’a certainement fait dans le cas de la Russie et de l’Ukraine. En conclusion, la décision du tribunal est cohérente avec le traitement réservé aux génocides, mais uniquement aux génocides affectant des nations non blanches et non chrétiennes. Le tribunal s’était bien écarté de cette position dans le cas de la Russie/Ukraine.

Certains rétorqueront que « dans le cas de la Russie et de l’Ukraine, les circonstances étaient différentes parce que le conflit avait été déclenché par un acte d’agression russe et que, par conséquent, le tribunal ordonnant un cessez-le-feu russe était raisonnable ». Cela pourrait bien être le cas, oui, mais c’est également le cas à Gaza. Malgré l’attaque du Hamas le 7 octobre, selon le droit international et l’interprétation que la CIJ a elle-même faite, l’attaque israélienne contre Gaza constitue un acte d’agression, une utilisation illégale de la force militaire : dans son avis consultatif de 2004 sur la légalité du mur de séparation, la CIJ a déclaré que, même si Israël peut protéger ses citoyens conformément au droit international, il n’a pas le droit de se défendre en invoquant l’article 51 de la Charte des Nations Unies contre des attaques provenant d’un territoire qu’Israël occupe.

Pourquoi le tribunal a-t-il dit cela en 2004 ? Parce que la Cour comprend que, selon le droit international, l’occupation elle-même constitue un acte d’agression et ce qu’elle déclenche en réalité est le droit du peuple occupé à y résister. Seules les actions militaires d’autodéfense sont légales au regard du droit international et, par conséquent, si l’attaque israélienne sur Gaza, qui dure déjà depuis huit mois, ne peut être justifiée en tant que telle, elle est alors illégale et constitue un acte d’agression. Le tribunal n’avait aucune raison juridique, sur ces bases, de prendre une décision différente de celle qu’il avait prise dans l’affaire Russie/Ukraine.

Argument 4 : « Les mesures indiquées par le tribunal équivalent à un cessez-le-feu »

Enfin, certains ont également argumenté que « les mesures provisoires indiquées dans le cas de Gaza, en particulier la première, équivalent à un cessez-le-feu parce que la seule façon pour Israël de respecter correctement l’ordre (ne pas tuer ni blesser de Palestiniens) était de cesser totalement les opérations militaires ». À première vue, c’est un argument astucieux. Comment Israël pourrait-il éviter de tuer et de nuire aux Palestiniens s’il n’arrêtait pas ses opérations militaires ? Cependant, aussi bien intentionné et intelligent que cet argument puisse être, il ne tient pas non plus. Les tribunaux ne remettent pas à l’interprétation des parties les mesures qu’ils ordonnent dans leurs décisions. Si le tribunal avait voulu que sa décision soit interprétée comme ordonnant un cessez-le-feu, il l’aurait explicitement indiqué, comme l’exigeait l’Afrique du Sud, et de la même manière qu’il l’a fait dans le cas de la Russie et de l’Ukraine.

Les véritables dynamiques derrière la décision de la Cour et ses implications pour les stratégies palestiniennes de libération

Compte tenu de tout cela, la Cour n’avait aucune raison juridique ou factuelle de ne pas ordonner un cessez-le-feu. Elle ne l’a tout simplement pas fait parce que, selon les paramètres actuels d’administration de la violence impériale et coloniale, on n’attend pas d’un tribunal international qu’il le fasse ; sa légitimité et son autorité seraient sérieusement menacées par les États occidentaux s’il ordonnait à Israël un cessez-le-feu. Comme l’a expliqué le procureur de la CPI, Karim Khan, de nombreux gouvernements occidentaux croient fermement que les tribunaux internationaux ont été créés uniquement pour « les Africains et les voyous comme Poutine[5] ». Peut-être par crainte d’être délégitimée ou même sanctionnée (comme ce fut le cas pour la CPI après avoir suggéré qu’elle ouvrirait des enquêtes sur les crimes de guerre des États-Unis en Afghanistan et maintenant, après que Khan a annoncé qu’il demanderait des mandats d’arrêt contre des responsables israéliens) la CIJ a tout simplement satisfait les attentes d’Israël et ses alliés occidentaux.

Plus récemment, nous avons été témoins de deux faits particulièrement parlants : d’une part, des craintes de la Cour de sa possible délégitimation, de sanctions et de menaces d’autres mesures de représailles de la part des responsables américains et israéliens, et d’autre part, de la participation continue de la Cour à la politique d’administration de la violence impériale et coloniale, comme en témoigne sa dernière décision du 24 mai 2024, ordonnant à Israël de « mettre immédiatement fin à son offensive militaire », mais uniquement à Rafah.

Premièrement, l’ancienne présidente de la CIJ, l’Américaine Joan Donoghue, dans une pirouette juridique honteuse après la fin de son mandat en février, a fait des déclarations trompeuses dans les médias selon lesquelles, dans sa décision du 26 janvier, la Cour n’avait pas conclu que « l’allégation de génocide est plausible », mais plutôt que « le droit des Palestiniens à être protégés contre le génocide était plausible[6]  ».

Cette affirmation est si fallacieuse qu’il suffit de dire que si le droit des Palestiniens à être protégés contre les actes de génocide est plausible, c’est uniquement parce que la Cour considère comme plausible qu’Israël commette des actes de génocide. Donoghue est une juriste renommée et expérimentée, et elle comprend parfaitement que c’est la seule façon censée d’interpréter la décision. Pourtant, dans ce qui semble être une tentative désespérée de préserver sa réputation dans les cercles du pouvoir, et peut-être de se protéger elle-même et sa famille de mesures de représailles, elle a tourné en dérision sa profession de manière indigne.

Deuxièmement, après quatre demandes successives de cessez-le-feu de la part de l’Afrique du Sud, le 24 mai, la CIJ a finalement ordonné à Israël de « mettre immédiatement fin à son offensive militaire et à toute autre action dans le gouvernorat de Rafah, qui pourrait infliger aux Palestiniens à Gaza des conditions de vie qui pouvant entraîner sa destruction physique en tout ou en partie[7] ».

Cette décision mérite plusieurs commentaires : cela confirme que le tribunal a toujours eu le pouvoir d’ordonner l’arrêt unilatéral des opérations militaires ; mais la décision montre aussi comment, dans cette procédure, la Cour a sacrifié le droit et la justice pour se conformer aux impératifs de l’administration de la violence dans le system légal international contemporain. Si la Cour voulait vraiment empêcher Israël d’infliger ces dommages, elle aurait dû ordonner l’arrêt total des opérations militaires, car cette violence est non seulement génocidaire mais constitue également un recours illégal à la force. En fin de compte, Israël a non seulement ignoré l’ordre du 24 mai, mais cet ordre a également donné une autorisation tacite à Israël de continuer à perpétrer des actes génocidaires dans le reste de Gaza.

Dans le cadre des paramètres actuels d’administration de la violence impériale et coloniale et de la dissimulation générale du génocide israélien à Gaza par les pays occidentaux, la CIJ s’est tenue prête à jouer le rôle que lui a été assigné, et elle participe au vieux jeu d’Israël : le recours constant à des interprétations stratégiques des normes, principes et concepts juridiques pour imposer ses objectifs biopolitiques et territoriales à travers un discours de rationalité. Plutôt que fonctionner simplement contre ou en dehors de la loi, il est destiné à administrer l’usage de la force, en inscrivant dans la loi la violence impériale et coloniale et ses mécanismes de légitimation.

Le point de toutes ces critiques ne devrait pas être interprété comme un plaidoyer en faveur d’un abandon du système juridique international. Il s’agit plutôt d’une invitation à poursuivre un débat nécessaire sur le rôle du droit dans les luttes de libération, et identifier ses paradoxes, ses ambiguïtés et ses pièges, pour comprendre comment les éviter grâce à une stratégie juridique politiquement solide.

Notes :

[1] Walter Benjamin, Sur le concept d’histoire, traduit de l’allemand par Jacques-Olivier Bégot, Paris, Klincksieck, 2023, 400 p.

[2] Aux États-Unis, au Royaume-Uni et aux Canada, par exemple, les gouvernements ont été notifiés de l’intention de certaines organisations et individus de porter plainte contre des hauts représentants politiques pour complicité dans le génocide à Gaza. Dans certains cas cela a été fait. Au Canada, d’autres actions sont en préparation dans le même but et en France au moins un individu est poursuivi en justice pour ces actions à Gaza en tant que soldat de l’armée israélienne.

[3] Cour internationale de Justice, ordonnance du 26 janvier 2024, Paragraphe 86, URL : https://www.icj-cij.org/fr/node/203447#:~:text=Elle%20fait%20r%C3%A9f%C3%A9rence%20aux%20droits,vue%20de%20commettre%20le%20g%C3%A9nocide

[4] Statut de la Cour internationale de Justice, URL : https://www.icj-cij.org/fr/statut

[5] Interview with ICC Chief Prosecutor Karim Khan, CNN Transcripts, May 20, 2024. URL : https://transcripts.cnn.com/show/ampr/date/2024-05-20/segment/01

[6] Former head of ICJ explains ruling on genocide case against Israel brought by S Africa, BBC, April, 26, 2024, URL : https://www.bbc.com/news/av/world-middle-east-68906919

[7] Cour internationale de Justice, Ordonnance du 24 mai 2024, URL : https://www.icj-cij.org/fr/node/204091