17/01/2025

Palestine. La recherche au défi du discours colonial

Par Leila Seurat
Photographie de l’évacuation de la vieille ville, Jérusalem, années 1970, colonisation de la Palestine
Jérusalem, années 1970. Photographie en couleur de l’évacuation et de la confiscation des maisons dans la vieille ville © Layla Tarazi Collection / The Palestinian Museum Digital Archive (PMDA). Toutes les photos sont issues du PMDA. URL : https://palarchive.org/index.php/Front/Index/lang/en_US
L’actuelle annihilation des Gazaouis, la mise au jour des visées expansionnistes d’Israël et la question du génocide ont popularisé auprès du grand public le paradigme de colonialisme de peuplement (settler colonial paradigm).

Visant à comparer la Palestine avec les États-Unis, l’Australie ou encore l’Algérie, cette grille de lecture était, depuis près d’une décennie, l’objet de vives tensions au sein d’un champ académique longtemps dominé par les récits hégémoniques sionistes. En effet, le champ du savoir est au cœur de luttes visant d’un côté à nier l’existence du Palestinien, de l’autre à réaffirmer son droit indéfectible sur la terre.

Le domaine de la connaissance est souvent l’objet de vives tensions entre différentes parties en conflit pour l’imposition d’un récit. Ceci est d’autant plus vrai dans le cas palestinien alors que le « conflit » n’est pas terminé et que l’une des parties a longtemps dominé la production des discours « scientifiques », diffusés ensuite dans l’ensemble des champs politiques, culturels et médiatiques.

 

Cet article a été initialement rédigé pour le numéro spécial de la revue Questions Internationales consacré aux Palestiniens. Il s’agit d’une publication de la Documentation française, éditeur relevant du Secrétariat général du gouvernement. Après plusieurs échanges avec l’équipe de rédaction pour qui le papier répondait parfaitement aux attentes de la revue, il a finalement été retiré du numéro la veille de l’impression, au motif qu’il n’était pas suffisamment « pédagogique » pour satisfaire les attentes de son lectorat généraliste sur un dossier « complexe ». Orient XXI a publié ce texte le 14 janvier 2025. Le CAREP le republie ici avec leur aimable autorisation.

Mis au service du colonialisme, ce savoir s’est accompagné d’autres pratiques visant à effacer l’histoire palestinienne. Parmi elles, la destruction des archives, la criminalisation des discours ou encore l’accusation de militantisme, énième manière de dénigrer la pertinence scientifique de travaux qui prennent à rebours les récits sionistes. C’est le cas de la notion de colonialisme de peuplement, mobilisée dans le champ académique depuis une décennie. Elle relèverait pour certains analystes d’une simple posture militante influencée par une littérature anglo-saxonne qui aurait contaminé les universités occidentales.

Or, ce paradigme n’est pas le simple effet d’une mode académique. Il s’inscrit dans l’histoire longue des études palestiniennes. Dès les années 1960, des chercheurs palestiniens, arabes et non arabes ont mobilisé cette grille d’analyse pour qualifier le contexte en Israël-Palestine. Effacé par de nouveaux récits hégémoniques au moment des accords d’Oslo, le colonialisme de peuplement fait son retour au début de la décennie 2010.

Contre l’effacement des Palestiniens

S’il est souvent convenu de situer l’émergence des études palestiniennes au milieu des années 1960, il est néanmoins possible de faire remonter celles-ci à la période du mandat britannique, voire à la période ottomane, qui a vu émerger de nombreux écrits émanant de figures palestiniennes comme celles de Khalil Sakakini (1878-1953). Au cours du mandat et durant les années qui suivent la création de l’État d’Israël en 1948, les études palestiniennes vont ensuite se développer en contrepoids des études juives (jewish studies). Ces dernières visaient à fournir une caution scientifique au récit sioniste[1].

Dans son ouvrage Towers of Ivory and Steel : How Israeli Universities Deny Palestinian Freedom (Tours d’ivoire et d’acier : comment les universités israéliennes refusent la liberté aux Palestiniens) (Verso, 2024, non traduit en français), l’anthropologue israélienne Maya Wind a montré comment les universités ont toujours été au service du projet colonial, et ce bien avant 1948, lorsque le mouvement sioniste avait mis en place une infrastructure universitaire pour soutenir le projet de colonisation. C’est le cas de l’Université hébraïque fondée en 1918 et située au sommet du mont Scopus au nord-est de Jérusalem. Dès le départ, elle avait été pensée comme un avant-poste stratégique permettant au mouvement sioniste de revendiquer Jérusalem. C’est aussi le cas de l’institut Technion de Haïfa, offrant une infrastructure pour le développement des grands projets des industriels de défense. À l’inverse, toute démarche palestinienne visant à créer une université sur le modèle de l’université hébraïque avait été interdite par les autorités britanniques.

L’historien israélien Ilan Pappé s’est également penché sur les ressources déployées par Israël pour investir la production universitaire. Au sujet des départements d’études juives, il évoque une « éthique paradoxale », car, tout en prétendant s’engager en faveur d’une recherche universitaire objective, seuls les universitaires sionistes étaient considérés comme qualifiés pour y travailler. D’après Pappé, leur principale visée était de valider scientifiquement les arguments sionistes comme celui d’une terre qui attendrait le retour de son peuple d’origine. Il voit dans ces études une continuation de l’épuration ethnique par d’autres moyens, considérant que les universitaires israéliens ont été recrutés dans les universités pour poursuivre l’indigénisation du projet des colons juifs et la désindigénisation des Palestiniens.

Face à ces tentatives d’effacement, les études palestiniennes vont tenter de mettre au défi « les épistémologies coloniales », pour reprendre les termes du sociologue Jamil Hilal, figure centrale de l’historiographie palestinienne. Alors même que le récit des colons remettait en question leur existence, il s’agit de réinscrire les Palestiniens dans l’histoire de la Palestine. Cela implique une démarche « par le bas », visant à collecter les témoignages oraux des premières générations de Palestiniens réfugiés.

La production de savoir en contexte colonial reste néanmoins sous contraintes faisant face à la répression, à la censure ainsi qu’à la destruction systématique des archives. Si les universités palestiniennes ont dès le départ eu pour fonction de produire un savoir anticolonial, elles ne sont apparues que tardivement, après 1967, et ont le plus souvent été dédiées à l’enseignement plutôt qu’à la recherche. Dans les années 1970, les publications scientifiques produites sur et à partir des territoires palestiniens occupés (TPO) émanent essentiellement d’associations à l’instar du Forum de la pensée arabe (Multaqa al fikr al ’arabi) créé en 1977 à Jérusalem par des intellectuels de gauche palestiniens.

Israël comme fait colonial et symbole de l’impérialisme

L’institutionnalisation d’un savoir palestinien en sciences sociales n’est donc pas passée par les universités, mais plutôt par les centres de recherche financés par l’Organisation de libération de la Palestine (OLP). Dès 1965 est créé à Beyrouth le Centre de recherche de l’OLP qui, pour certains chercheurs, marque l’acte de naissance des études palestiniennes (Palestine studies). Réunissant quelques universitaires palestiniens, dont Fayez Sayegh (1922-1980), ce centre est aussi à l’initiative de la revue Affaires palestiniennes (Chou’oun filastiniya). À partir de mars 1971, elle fonctionnera comme une tribune permettant aux intellectuels palestiniens et arabes de développer leurs analyses. Il faut aussi mentionner la création de l’IPS, l’Institut d’études palestiniennes, et sa branche américaine à Washington qui publie le Journal of Palestine Studies en trois langues, mais aussi d’autres revues comme le Jerusalem Quarterly. 

Enfin, le Middle East Research and Information Project (MERIP), crée en 1971 à Washington, constitue une autre expérience marquante. Alors que sa mission première était centrée sur les luttes révolutionnaires aussi bien au Proche-Orient comme en Afrique du Nord, le MERIP avait accordé une place centrale à la Palestine, considérant le sionisme comme une puissance impériale. Dès 1969, l’historien libanais Fawwaz Traboulsi avait publié dans la revue britannique New Left Review un article définissant la cause palestinienne comme une lutte antisioniste et anti-impérialiste pour la libération nationale du Proche-Orient et de l’Afrique du Nord.

Ces différentes initiatives ont ainsi contribué à imposer leurs lectures dans les sphères politiques et diplomatiques, comme en témoigne l’introduction du concept de colonialisme de peuplement ou l’emphase mise sur le caractère anticolonial de la lutte palestinienne. Cela a aussi favorisé à la rédaction et l’adoption, le 10 novembre 1975, de la résolution 3379 de l’Assemblée générale des Nations unies, assimilant le sionisme à une « forme de racisme et de discrimination raciale ».

Cette grille de lecture ne se limite guère à une image d’Israël que partageraient les seuls Arabes et Palestiniens. En 1967, la revue des Temps modernes publie un article de Maxime Rodinson intitulé « Israël un fait colonial » dans lequel l’auteur affirme que « la formation de l’État d’Israël sur la terre palestinienne est l’aboutissement d’un processus qui s’insère parfaitement dans le grand mouvement d’expansion européo-américain des XIXe et XXe siècles pour peupler et dominer économiquement et politiquement les autres terres ». Il énumère les différents discours sionistes cherchant à dissimuler cette réalité et présentant le sionisme tantôt comme une lutte d’indépendance contre la tutelle britannique, tantôt comme un socialisme favorisant la mise en valeur de la terre par le travail.

Au cours des mêmes années 1970, les nouveaux historiens israéliens ont également remis en cause les vérités sionistes, notamment celle relatant la Nakba présentée comme un exode volontaire des Palestiniens. L’ouverture des archives militaires et nationales en Israël a notamment permis la production de ces nouveaux récits par l’historien israélien Benny Morris par exemple. Mais, tout en remettant en cause l’idée d’un exode volontaire, il ne reconnaît pourtant pas que l’expulsion faisait partie d’un plan directeur. Si d’autres personnalités académiques comme le sociologue Gershon Shafir ont appliqué une perspective colonialiste à l’étude du sionisme, la critique reste donc largement indirecte, ces chercheurs n’ayant pas consciemment cherché à contester l’hégémonie académique israélienne.

Les accords d’Oslo et l’émergence de la critique postcoloniale

La période ouverte avec Oslo marque indiscutablement une rupture dans la production de discours hégémoniques sionistes, renouvelés autour de nouveaux paradigmes tels que celui de la résolution des conflits ou encore celui de conflit entre deux mouvements nationaux qui lutteraient sur et pour le même territoire. Éludant toute dimension coloniale, ces paradigmes « ont été érigés en vérité indiscutable alors qu’ils sont le produit même de la doxa sioniste », signalent Karine Lamarche et Nitzan Perelman en octobre 2024 dans un article publié sur Yaani[2].

Le sociologue palestinien Jamil Hilal a parfaitement analysé les effets d’Oslo sur le renouvellement de ces discours politiques et scientifiques. Alors que la notion de colonialisme de peuplement était partie intégrante de la recherche palestinienne dans les années 1960, ce paradigme disparaît durant presque quatre décennies. À la suite de l’établissement de l’Autorité palestinienne en 1994, un nombre important de nouveaux mythes gagnent du terrain, y compris au sein du leadership palestinien.

Parmi eux, la thèse selon laquelle le développement serait réalisable en Cisjordanie grâce à l’économie ou encore l’idée qu’il serait possible d’accéder à l’indépendance et à la souveraineté par la réforme et la création d’institutions transparentes[3]. D’après Jamil Hilal, ces cadres d’analyses ont eu des effets décisifs sur la production d’un « discours d’oubli » évinçant les Palestiniens de l’histoire et niant leur identité nationale. Vincent Romani a montré l’importance de situer ces nouveaux cadres d’analyse dans le contexte de la « rente d’Oslo », qui a vu un extraordinaire afflux de fonds étrangers pour la recherche, désormais dépendante des agendas extérieurs et du marché de l’expertise.

Avec le déclenchement de la deuxième intifada en 2000, qui correspondait à la fin de la période transitoire de cinq ans au terme de laquelle devait en théorie émerger l’État palestinien, la production universitaire s’engage dans un réexamen des approches de la construction de l’État. Parmi ces lectures critiques, on trouve par exemple une série de travaux sur l’ONGisation de la Palestine. Ils insistent sur le rôle néfaste des ONG dans la dépolitisation de la société civile palestinienne et dans l’étouffement de toute forme de résistance.

La plupart de ces travaux ont cherché à remettre en question les politiques dites de développement ainsi que les récits dominants de la « construction de la paix »[4]. Ces travaux sur l’aide internationale n’ont pas seulement analysé le rôle des acteurs internationaux, mais se sont aussi attaché à saisir l’impact de ces politiques sur la gouvernance autoritaire de l’Autorité palestinienne. Les leaders palestiniens ont ainsi été accusés de collaborer avec l’occupant dans le seul but de protéger leurs intérêts et ceux de la petite bourgeoisie naissante.

Si l’effondrement du processus d’Oslo a mis en évidence l’inapplicabilité des cadres de « résolution des conflits » pour l’étude de la Palestine, ce réexamen critique n’a pas empêché les chercheurs de rester attachés à une perspective postcoloniale, avec l’idée qu’un État palestinien devrait émerger dans les territoires occupés en 1967. Le tournant critique des années 2010 rompt définitivement avec cette approche.

« Le passé est le présent »

Plus qu’une simple remise en cause des approches par le « processus de paix », les chercheurs de la décennie 2010 tranchent désormais définitivement avec les lectures postcoloniales qui pouvaient exister dans les travaux critiques d’Oslo. Pour eux, la Palestine n’est ni une situation « post-conflit » ni « post-coloniale », puisque l’Autorité palestinienne ressemble bien plus à un bantoustan[5] qu’à un État en construction.

Ce renouvellement des études palestiniennes s’inscrit dans des problématiques larges des sciences sociales contemporaines : d’une part, l’idée que les universités, ayant contribué à produire et conforter l’hégémonie occidentale, doivent maintenant jouer leur plein rôle dans l’effort de décolonisation des savoirs[6], et, d’autre part, l’adoption d’une praxis décoloniale, c’est-à-dire l’engagement dans cet effort global de décolonisation à tous les niveaux de la société[7].

C’est précisément de cette praxis décoloniale qu’il est question dans le numéro spécial de la revue Settler Colonial Studies intitulé « Past is Present : Settler Colonialism in Palestine » (Le passé est le présent : colonialisme de peuplement en Palestine) publié en 2012. L’introduction insiste bien sur la manière dont le processus d’Oslo, en confinant la Palestine dans un espace territorial, a contribué à effacer l’héritage colonial du sionisme à l’intérieur comme à l’extérieur du monde universitaire, et à normaliser les relations coloniales en Palestine.

Ce numéro est emblématique du « retour » du paradigme de colonisation de peuplement appliqué à la Palestine. Le titre, « past is present », permet bien de saisir l’emprunt aux intellectuels palestiniens des années 1960. Ces derniers, comme Fayez Sayegh, avaient travaillé de près avec les exemples sud-africains et algériens, en y ajoutant de nouveaux cadres d’analyse qui replacent la Palestine dans un effort de comparaison systématique avec les États-Unis, le Canada, l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Cet appel à renouer avec les paradigmes passés résulte aussi de l’expérience d’Oslo, qui a permis de faire oublier le cadre colonial et d’imposer le schéma des deux États. Pour les signataires de ce numéro, cet oubli a eu des effets politiques néfastes, ayant par exemple conduit à la révocation en 1991 de la résolution 3379 de l’Assemblée générale des Nations unies selon laquelle le sionisme est une forme de racisme. L’objectif est donc de renouveler entièrement les débats.

Le courant des settler colonial studies (études sur le colonialisme de peuplement) représenté par l’historien australien Patrick Wolfe traite pourtant des cas de colonisation de peuplement qui ont « réussi ». À l’inverse, Israël-Palestine reste un cas non résolu et se distingue en cela de cas comme l’Australie ou la Nouvelle-Zélande. Conscients de cet écueil, les auteurs du numéro ont donc réorienté le cadrage de manière à reconnaître un rôle accru aux acteurs autochtones.

D’autres travaux vont plus loin et critiquent désormais le champ des settler colonial studies en considérant qu’il s’agit de recherches promues par des chercheurs occidentaux pour un public occidental. Ils appellent à voir les peuples indigènes comme des objets de recherche en soi et non comme des sujets. Ils proposent aussi un renversement méthodologique : celui de regarder l’objet moins à travers le prisme des actions du colonisateur, mais plutôt à travers le prisme des peuples colonisés.

C’est le cas de l’universitaire palestinien Magid Shihade. En prônant une décolonisation des études palestiniennes dans le cadre de la connaissance indigène (indigenous studies), il invite à piocher dans l’épistémologie du monde arabe des notions pour saisir la réalité du contexte palestinien. C’est le cas aussi de Rana Barakat qui dénonce la marginalisation croissante des connaissances développées par les communautés autochtones de Palestine[8] que, sur 1 333 entrées d’articles académiques traitant de la Palestine au prisme du colonialisme de peuplement depuis 1993, 14 citent Fayez Sayegh tandis que 722 font référence à Patrick Wolfe[9]. Un cadre d’étude autochtone mettrait davantage en évidence le vécu des Palestiniens, notamment le fait que ces derniers vivent un processus cyclique et continu de dépossession, une Nakba continue (al-nakba al-mustamirrah). Il y a là certes une compréhension de la condition coloniale, mais aussi un risque de provincialiser les connaissances, comme si seul le Palestinien était le plus à même d’éclairer la réalité sociale et politique du contexte d’occupation.

Les études palestiniennes représentent aujourd’hui un champ d’études qui est parvenu à gagner ses lettres de noblesse, avec la création de départements dédiés au sein des plus prestigieuses universités américaines et européennes. Cette légitimité n’est d’ailleurs pas sans effet sur l’accélération de la censure, et la nouvelle ère de sanction visant les universitaires qui prévaut depuis le 7 octobre 2023.

Notes :

[1] Ilan Pappé, Tariq Dana, Nadia Naser–Najjab considèrent que les études palestiniennes sont nées comme un antidote au sionisme et en réaction au projet de déni porté par les études juives. Ilan Pappé, Tariq Dana & Nadia Naser–Najjab, « Palestine Studies, Knowledge Production, and the Struggle for Decolonisation », Middle East Critique, 33:2, 173-193, 2024.

[2] « Défendre la recherche critique sur Israël : mise au point à la suite d’une émission de France Culture », Yaani, 26 octobre 2024.

[3] C’est le plan de Salam Fayyad qui, nommé premier ministre en juin 2007, s’appuie sur les ONG censées favoriser le développement, alors même que ces dernières dépendent de bailleurs occidentaux.

[4] Voir à cet égard le concept de dé-développement popularisé par Sarah Roy puis par Areej Sabbagh-Khoury.

[5] En Afrique du Sud, au temps de l’apartheid, le bantoustan est un territoire délimité, un « foyer national » (homeland) attribué à un peuple ou à un groupe de peuples noirs (bantous). Aujourd’hui, le terme désigne, par extension, à travers le monde, toute enclave ethnique où des minorités autochtones discriminées ont été parquées après l’accaparement de leurs terres originelles.

[6] Des auteurs comme Ramon Grosfoguel ou Achille Mbembe insistent sur le fait que l’universalisme, la rationalité ou encore l’objectivité ne sont donc pas neutres, mais sont porteurs d’un rapport colonial et eurocentré au monde. L’école décoloniale consiste à réévaluer dans une perspective historique critique comment notre rapport aux savoirs demeure empreint de rapports de pouvoir colonial.

[7] L’un des traits marquants de ce renouvellement de la décennie 2010, qui s’appuie sur les travaux du Brésilien Paolo Freire, consiste à construire un savoir alternatif et le pérenniser dans le cadre d’un projet contre-hégémonique qui doit toucher tous les niveaux de la société.

[8] Donnant raison à Rana Barakat, Yara Hawari, Sharri Plonsky et Elian Weizman ont montré après une recherche sur Google Scholar [[NDLR. Google Scholar est un service de Google permettant de rechercher des articles et des publications scientifiques. Ce service inventorie des articles approuvés ou non par des comités de lecture, des thèses de type universitaire et des livres scientifiques.

[9] Voir Yara Hawari, Sharri Plonski & Elian Weizman, « Seeing Israel through Palestine : knowledge production as anti-colonial praxis », Settler Colonial Studies, 9:1, 155-175, 2019.