Récemment publié par l’Arab Center for Reseach and Policy Studies, l’ouvrage intitule La Diversification économique dans les États arabes du Golfe réunit une sélection de contributions sur la diversification économique dans les pays membres du Conseil de coopération des États arabes du Golfe, contributions présentées lors du Forum des études sur le Golfe et la péninsule arabique organisé par l’ACRPS à Doha du 3 au 5 décembre 2016. Ces recherches abordent un ensemble de questions, telles que les plans et les stratégies économiques du Conseil de coopération, le rôle de l’emploi et de la main-d’œuvre, et enfin l’avenir de la diversification économique dans les pays en question, compte tenu des défis auxquels ils font face et de leur besoin d’adopter un nouveau modèle de développement qui se démarque des systèmes traditionnels d’économie de rente.
Composé de 335 pages de format moyen, références et index compris, l’ouvrage comprend trois sections réunissant neuf études.
Loin du pétrole
La première section, intitulée « Plans et stratégies de diversification économique », est divisée en quatre chapitres. Dans le premier, « Défis de la chute des cours du pétrole et stratégies de diversification économique dans les pays du Conseil de coopération des États arabes du Golfe », Khaled Rached Al-Khater explique que, si la chute des cours du pétrole dans le monde est due en premier lieu à une augmentation de l’offre sur le marché mondial combinée à une baisse de la demande, les pays du Golfe sont affectés également par une baisse des prix particulière liée à l’accroissement de leur déficit budgétaire et à la récession dans laquelle ils se sont installés. L’auteur montre qu’ils n’ont pas tiré les leçons des crises précédentes pour réduire leur vulnérabilité face aux chocs pétroliers. Il suggère une réforme des politiques économiques, la construction d’un capital humain, un remaniement des secteurs publics et privés et la création d’une base industrielle non dépendante du pétrole.
Collectif, La diversification économique dans les États arabes du Golfe, Doha : éd. de l’ACRPS, 2019, 335 p.
Dans le deuxième chapitre, « Enjeux et perspectives du plan “Oman, vision 2020” : une lecture analytique », Youssef Ben Hamad Al-Balouchi rappelle que la découverte du pétrole a contribué à la transition de la société omanaise de la subsistance vers l’abondance et la croissance. Il aborde ensuite les questions suivantes : l’élargissement du rôle du gouvernement dans le domaine de la production des marchandises et des services ; les déséquilibres dont souffre le marché du travail du fait de la faible contribution de la main-d’œuvre nationale ; la baisse des compétences de production, qui ne parviennent plus à suivre le rythme des innovations technologiques ; le recours toujours plus massif à la main-d’œuvre immigrée. Le chercheur constate cependant que l’économie omanaise a réussi à faire progresser ses taux de croissance cible entre 1996 et 2015. Il précise enfin que la « Vision 2020 » s’est donné pour objectif d’accroître le taux de contribution des secteurs non pétroliers au PIB omanais de 65 % en 1995 à 81 % d’ici 2020.
Opportunités et défis
Au troisième chapitre, « Le plan saoudien “Vision 2030” : ambitions et défis », Nasser Al-Tamimi se penche sur les réformes économiques entreprises par l’Arabie saoudite et sur les défis auxquels elles font face. Il observe leur impact concret sur la mise en œuvre de la diversification économique et la promotion d’un développement saoudien indépendant du secteur pétrolier, tout en constatant les obstacles politiques et économiques qui se posent à la réalisation de ces réformes. Il examine les principales motivations de la diversification économique exposées dans la « Vision 2030 » saoudienne, dans un contexte d’incertitude quant au niveau et à l’ampleur des revenus pétroliers dans les années à venir.
Au quatrième chapitre, « Évaluation de la stratégie des pays du Conseil de coopération des États arabes du Golfe pour diversifier l’économie : opportunités et défis », Habib Allah Ben Mohammed Al-Turkistani traite des stratégies de diversification des pays membres du Conseil de coopération. Il se penche sur la participation du secteur privé et sur les possibilités de partenariat entre celui-ci et les institutions publiques, et étudie la nature des opportunités et des défis qui se présentent aux pays arabes du Golfe dans la mise en œuvre de cette participation. Il note de profonds écarts entre les différents pays concernés quant à la contribution du secteur privé au développement économique, ceci en raison du mode de gouvernance adopté par un certain nombre de pays, qui a encouragé le secteur privé à mettre en place de réels partenariats avec le secteur public.
L’emploi et ses mutations
La deuxième section, intitulée « Emploi, main-d’œuvre et diversification économique », comprend trois chapitres. Au premier, « La femme qatarie a-t-elle réussi dans l’entreprenariat ? », Hind Abdel-Rahman Al-Moftah étudie l’impact de la participation de la femme qatarie à la gestion de petits et moyens projets et examine les principaux défis qui font obstacle à sa pratique de l’entreprenariat, et à la pérennisation et au développement de celle-ci. Elle constate que, grâce au soutien de l’État dans les domaines de l’éducation et de la formation, la femme qatarie a réussi à s’imposer sur le marché du travail et à participer de manière plus active au développement de l’économie qatarie.
Au deuxième chapitre, « L’impact de la main-d’œuvre immigrée sur l’économie de l’Arabie saoudite et des pays arabes du Golfe », Issam al-Zamel affirme que le recours de l’Arabie saoudite et des autres États du Golfe à la main-d’œuvre étrangère a contribué à affaiblir les fondements du développement économique de ces pays, ce qui a eu un impact négatif direct sur la diversification économique. Selon lui, le recours à la main-d’œuvre immigrée a toujours été motivé et justifié par la volonté d’accroître la rente pétrolière afin de construire les infrastructures nationales, de redistribuer les richesses aux citoyens et d’améliorer leur confort.
Au troisième chapitre, « L’impact des transferts d’argent de la main-d’œuvre immigrée sur l’inflation dans les pays du Conseil de coopération des États arabes du Golfe », Diyab Ali Mohammed Al-Berri enquête sur les transferts d’argent des travailleurs étrangers dans les pays arabes du Golfe entre les années 2000 et 2014, en particulier aux périodes de fluctuation des cours du pétrole, et sur leurs répercussions sur la diversification économique dans ces pays. Il aboutit à la conclusion que ces transferts d’argent n’ont pas d’influence sur les taux d’inflation nationaux et que l’encouragement à l’investissement local des immigrés contribue à maintenir la croissance des recettes publiques, même lorsque les cours du pétrole continuent à fluctuer.
Un modèle d’avenir
La troisième et dernière section, intitulée « L’avenir de la diversification économique dans les pays du Conseil de coopération des États arabes du Golfe », compte deux chapitres. Dans le premier, « L’ère post-pétrole est en marche : comment le Golfe peut y faire face ? », Naji Abi Ad affirme que les États membres du Conseil de coopération doivent reconsidérer leur politique face au recul des cours du pétrole, d’autant que de nombreux décideurs, responsables et analystes de la région voient dans cette crise l’occasion d’entrer dans une nouvelle ère de diversification économique. La question de l’ère post-pétrolière a beau être complexe, il n’en est pas moins nécessaire pour les pays arabes du Golfe de chercher une stratégie de diversification économique à long terme et de développer des systèmes éducatifs basés sur la connaissance des ressources maritimes, des techniques de dessalement de l’eau de mer et des sources d’énergie renouvelable.
Au second chapitre, qui clôt l’ouvrage, « Quelle stratégie idéale de développement pour les pays du Conseil de coopération des États arabes du Golfe ? », Ali Zamee s’interroge sur le modèle qu’il convient d’appliquer pour garantir la réussite d’un processus de développement global et durable dans les pays du Conseil de coopération. Dans ce contexte, il rappelle les dysfonctionnements qui affectent le développement de cette région, en particulier le déséquilibre économique résultant de la prédominance du paradigme rentier et d’une caste d’investisseurs liée à la classe dirigeante, qui empêche la mise en œuvre d’un modèle de développement réellement viable. Par ailleurs, l’auteur traite des effets de l’absence d’une vision sociétale et politique participative et consensuelle sur la réussite des plans de développement, et, à l’inverse, il analyse l’impact que peuvent avoir la participation de la société à l’élaboration de ces plans, l’accès aux informations et aux indicateurs économiques et l’existence d’une autorité de gestion neutre et indépendante du pouvoir étatique, sur la réalisation d’une réforme de fond et d’une croissance économique effective.
(traduit de l’arabe par Stéphanie Dujols)