31/05/2023

Le tribalisme politique à Deir Ezzor : aux sources du retour de l’État islamique

Tribus de la région de Deir Ezzor / image de la page Facebook : DeirEzzorMediaCentar. © DR

Par Félix Legrand

Pour rédiger cet article, Felix Legrand s’est appuyé sur les travaux de chercheurs, pour la plupart syriens, en particulier ceux de Faisal Dahmoush, Rudayna Al-Baalbaky, Ahmad Mhidi, Abdel Nasser al-Ayed, Ziad Awad, Khedder Khaddour et  Kevin Mazur, ainsi que sur de nombreux entretiens effectués à Deir Ezzor lors de ses multiples terrains de recherche entre 2018 et 2022.

Introduction

La partie de la province de Deir Ezzor sous contrôle des Forces démocratiques syriennes (FDS) est en proie à une instabilité croissante. Les organes de gouvernance civils et militaires, mis en place avec le soutien de la coalition internationale contre l’État islamique (EI), peinent à s’institutionnaliser face aux dynamiques de compétition tribale. Alors que les FDS ont montré une certaine résilience face aux défis de la stabilisation post-État islamique dans le nord-est de la Syrie, la province de Deir Ezzor fait figure d’exception. Cette zone frontalière de l’Irak, où se concentre l’essentiel des ressources pétrolières du pays, reste le foyer d’une activité intense de l’État islamique qui continue à opérer clandestinement une forme de contrôle des populations locales (recrutements, assassinats, taxation). De plus, l’insécurité limite fortement les capacités de déploiement des ONG internationales pour la reconstruction et la sortie d’une forme d’économie de guerre (racket, contrebande avec le régime syrien et l’Irak). À cela s’ajoutent des révoltes de plus en plus fréquentes et violentes contre les administrations civiles et militaires affiliées aux FDS. Une lecture simpliste de la situation tendrait à imputer cette instabilité uniquement à une résurgence de l’EI ou à un refus de la présence kurde par les populations arabes. En réalité, qu’il s’agisse de comprendre la capacité de l’EI à s’implanter dans certains villages de la province ou d’étudier l’émergence croissante de mouvements sociaux, il est nécessaire de se pencher sur la question complexe du tribalisme à Deir Ezzor et sur la façon dont les différents acteurs du conflit en ont joué pour tenter — et souvent échouer — de contrôler et gouverner ces territoires.

Félix Legrand

Chercheur indépendant

Chercheur et consultant indépendant spécialisé sur la Syrie, Félix Legrand a travaillé de 2013 à 2015 pour le think tank Arab Reform Initiative. Il fait partie du réseau de chercheurs en affaires internationales Noria Research.
Depuis 2017, il passe plusieurs mois par an dans le nord-est
de la Syrie.

Une production de recherche, certes limitée mais de qualité, s’est penchée sur les évolutions du paysage tribal syrien et ses bouleversements tout au long du conflit. Pour l’essentiel, ces travaux se concentrent sur les dynamiques de la période révolutionnaire (Dahmoush, 2017 ; Khaddour et Mazur, 2017), celle de l’État islamique (Al-Baalbaky et Mhidi, 2018) ou encore dans les territoires tenus par le régime syrien (Awad 2022 ; al-Ayed 2022)[1]. Phénomène plus récent, l’inscription du tribalisme dans l’espace politique dominée par le mouvement kurde dans le nord-est de la Syrie, et en particulier dans la province de Deir Ezzor, est une question encore largement sous-étudiée.

Entre 2016 et 2019, les FDS, dirigées par le parti kurde du PYD (Parti de l’union démocratique) et soutenues par la coalition internationale contre l’État islamique, s’emparent d’une partie importante des provinces de Raqqa et de Deir Ezzor, ainsi que de la région de Manbij dans la province d’Alep. Afin de s’implanter dans des régions qui leur sont étrangères, les FDS s’appuient sur des relais locaux issus des communautés tribales, qui à leur tour profitent de leur alliance avec les nouveaux maîtres de la région pour s’imposer au sein d’un paysage tribal compétitif et souvent violent. Ces alliances tribales ont, dans un premier temps, donné aux FDS des relais efficaces leur permettant de recruter massivement au sein des populations arabes de la vallée de l’Euphrate et de mener une politique mêlant répression et amnisties, grâce à un système de garanties tribales assurant une relative stabilité dans l’immédiate après-défaite de l’EI[2].

Pourtant, en remettant le tribalisme au centre du jeu politique, les forces kurdes et la coalition internationale contribuent à alimenter la compétition entre tribus et au sein même de chaque tribu. Ainsi, le corollaire de ces alliances tribales est l’aggravation d’une polarisation préexistante par la montée en puissance de certains clans s’appuyant sur les structures des FDS et la marginalisation d’autres clans qui s’en trouvent exclus. Dans ce contexte, l’État islamique, passé à la clandestinité depuis 2019, parvient à se restructurer en jouant des failles de ces alliances. Les FDS ne sont pas les premieres à se confronter à ce problème. Cette crise est tout à fait comparable aux pièges dans lesquels sont tombés successivement Jabhat al-Nusra (2012-2014) et l’État islamique (2014-2019) dans la région. L’étude des difficultés rencontrées par les différents acteurs du conflit à contrôler ces zones tribales nous éclaire tout particulièrement sur la situation actuelle et sur le retour de bâton de l’instrumentalisation et de la politisation du fait tribal dans la région par des acteurs extérieurs.

Ce phénomène est d’autant plus central que les FDS vont un pas plus loin dans la politisation du fait tribal que ne l’ont fait les autres acteurs du conflit. En effet, la coalition internationale et les forces kurdes considèrent, par une vision teintée d’orientalisme, ces populations arabes de la vallée de l’Euphrate presque exclusivement sous un prisme tribal. Au sein de l’Administration autonome du Nord et de l’Est de la Syrie (AANES), organe de gouvernance affilié aux FDS, la représentation des populations de ces territoires se fait essentiellement sur des lignes tribales. L’idéologie néo-apoïste portée par le PYD met également en valeur le tribalisme arabe comme forme d’expression d’une identité locale hostile au pouvoir centralisateur et aux idéologies concurrentes (nationalisme arabe et islamisme)[3]. Pourtant, le tribalisme politique, que l’on pourrait définir comme la volonté de transformer les tribus en forces politiques, n’a pas de réalité en Syrie.  Plus que des communautés organisées, les tribus dans l’est de la Syrie sont des espaces de plus en plus fragmentés, localisés et en proie à des conflits internes. Si le tribalisme comme identité reste fondamentalement structurant dans l’est de la Syrie, la tribu comme espace produisant de l’autorité et de la hiérarchie ne l’est plus, ou alors artificiellement reconstruite par des acteurs extérieurs. En existant essentiellement à travers la relation qu’ils ont avec le pouvoir, les chefs tribaux sont davantage de simples intermédiaires entre leurs communautés et les forces en présence que de réels représentants capables de peser politiquement.

La politisation du fait tribal, d’un côté par les forces extérieures (État syrien, rébellion, mouvements islamistes et PYD), qui cherchent des relais pour s’implanter et gouverner un territoire, et de l’autre par les tribus elles-mêmes qui utilisent ces forces extérieures pour s’imposer au sein de leur espace tribal, nous donne des pistes sérieuses pour expliquer l’instabilité chronique de la province de Deir Ezzor.

Un espace tribal polarisé et fragmenté

La réalité tribale en Syrie est particulièrement complexe et présente d’importantes variations régionales. Ses structures et ses logiques identitaires ont été profondément transformées ces dernières décennies. Afin de la définir et de comprendre ses évolutions, il est nécessaire d’examiner et de distinguer les notions de tribu, de tribalisme et de hiérarchie tribale.

La tribu en Syrie peut se définir comme un groupe d’individus partageant des liens ancestraux et formant une communauté localisée et solidaire. Les plus grandes tribus, ou confédérations tribales, se divisent en sous-groupes, branches et clans, qui ont à leur niveau leur propre hiérarchie et notabilité tribale. Si à l’origine, la tribu formait un groupe relativement homogène et soudé derrière son chef, la situation a largement changé au cours du XXe siècle et encore davantage avec le conflit syrien. Bien que la situation soit loin d’être uniforme, on peut observer un phénomène de fragmentation et de localisation de l’espace tribal. Ainsi, l’unité et le sentiment d’appartenance au niveau des grandes tribus et confédération tribales n’ont plus de pertinence réelle, et le maintien, voire dans certains cas le repli tribal, est en revanche toujours opérant à un niveau plus local, c’est-à-dire au niveau des sous-branches et des clans localisés dans un territoire[4]. Par exemple, l’essentiel des conflits tribaux à Deir Ezzor se déroulent à l’intérieur de la tribu des Agaidat, entre différents clans constitués autour d’un territoire particulier.

Le tribalisme désigne quant à lui un système de valeurs, de règles, de traditions qui se traduit notamment par un sentiment d’appartenance au groupe, ainsi qu’une capacité de mobilisation et un système de gestion des conflits. Bien que l’on observe une fragmentation des tribus et un affaiblissement des hiérarchies traditionnelles, le tribalisme comme système de valeur et sentiment d’appartenance reste toujours très présent dans l’est de la Syrie, et les années de conflit, d’insécurité et de retrait de l’État ont redonné leur importance aux pratiques de solidarité, de protection et de règlements alternatifs des conflits. Ainsi, on a pu voir au moment du tremblement de terre de février 2023 une mobilisation massive des tribus de l’est de la Syrie avec l’envoi de convois de camions d’aide humanitaire vers les zones touchées au nord-ouest. Ces initiatives étaient pour la plupart spontanées, issues de communautés souvent extrêmement pauvres, parfois vivant dans des camps de déplacés. Elles n’ont pas été organisées par les chefs traditionnels des tribus, ni même au profit de membres de la tribu. Pourtant les valeurs tribales de mobilisation solidaire (feza’a) et les identités de chaque tribu étaient largement mises en avant lors de ces initiatives. De plus, on constate un retour à la médiation tribale dans la gestion des conflits dans un contexte d’augmentation de l’insécurité et de surcharge et d’inefficacité des tribunaux.

La hiérarchie tribale fonctionne selon une logique complexe. Le chef de la tribu (cheikh), est en principe choisi parmi certaines familles particulières (beit al-machaikha). Cette position s’hérite, souvent de père en fils, mais peut également se diviser entre plusieurs frères ou cousins en fonction des circonstances politiques ou des rapports de force internes à la tribu. En dehors de la hiérarchie traditionnelle, certains notables tribaux peuvent émerger et peser, voire s’imposer au sein d’une tribu ou d’un clan, en s’appuyant notamment sur des alliances extérieures à la tribu. À la fin du XXe siècle, l’État, le parti Ba’ath ou les services de sécurité se sont dotés de relais locaux au sein de ces notabilités tribales, qui à leur tour utilisent cette relation avec le pouvoir pour s’imposer au sein de leur propre espace tribal, marginalisant parfois la hiérarchie traditionnelle. Le conflit syrien a très largement accentué ce phénomène. La multiplication des acteurs armés et la succession des forces qui contrôlent l’est du pays et qui par conséquent cherchent des relais locaux, ont multiplié le nombre de cheikhs auto-proclamés, en compétition entre eux pour l’accès au pouvoir, ou plutôt pour l’accès aux positions de relais avec le pouvoir[5].

Deir Ezzor, l’ingouvernable : l’histoire se répète

Tout au long du conflit syrien, les différents acteurs qui ont tenté de prendre le contrôle et de gouverner la province de Deir Ezzor se sont confrontés à la complexité du fait tribal. À partir de 2012, l’opposition armée prend le contrôle des zones rurales de la province. De nombreux groupes locaux affiliés à l’Armée syrienne libre (ASL) ainsi que des groupes islamistes contrôlent alors le territoire et se partagent l’exploitation des puits de pétrole. Derrière les apparentes divisions idéologiques entre les différents groupes, la fragmentation de la rébellion dans la campagne de Deir Ezzor se fait essentiellement sur des bases tribales. Jabhat al-Nusra, filiale syrienne d’al-Qaeda en Syrie, prend pied dans la région en s’alliant avec le clan de la ville de Shuheil, issu de la tribu des Agaidat, lui-même en concurrence avec de nombreux autres clans au sein même de la tribu des Agaidat. Les efforts de Jabhat al-Nusra pour mettre de l’ordre dans la région, notamment par la rationalisation de la production de pétrole et l’instauration d’un système judiciaire, sont perçus comme une menace par les autres tribus. En réalité, Jabhat al-Nusra, était perçu localement comme un outil aux mains de la tribu de Shuheil pour s’imposer au sein d’un espace tribal plus que jamais compétitif, au point que le groupe était alors péjorativement surnommé « Jabhat al-Shuheil ». Dans un tel contexte, l’arrivée de l’État islamique, qui prend le contrôle de la province à l’été 2014 en s’attaquant à Jabhat al-Nusra et ses alliés, est largement perçue dans l’espace tribal de Deir Ezzor comme une opportunité pour mettre un terme à la menace hégémonique du clan de Shuheil. Cependant, l’État islamique va à son tour tomber dans le même piège : en s’appuyant sur une tribu pour s’implanter, il se mettra à dos les tribus concurrentes.

Après de nombreuses tentatives échouées de s’implanter dans la région, l’État islamique parvient finalement à s’allier avec un clan au sein de la tribu des Bukeyir, elle-même issue de la tribu des Agaidat. Amr Rafdan, membre des Bukeyir, était alors en conflit avec les différentes factions de la rébellion à Deir Ezzor pour le contrôle des puits de pétrole. Après avoir échoué à s’imposer face aux factions concurrentes, il fait alliance avec l’État islamique. L’organisation jihadiste trouve ainsi un allié local de poids et le clan de Amr Rafdan trouve quant à lui une organisation lui permettant de s’imposer face à ses concurrents. Durant l’été 2014, l’EI et Amr Rafdan écrasent ensemble les différentes factions de la rébellion. Par la suite, l’EI fait de son mieux pour empêcher Amr Rafdan et son clan d’utiliser leur position au sein de l’organisation pour faire avancer leur agenda tribal. Malgré cela, en s’appuyant sur une tribu au détriment des autres, l’EI perd à son tour le soutien des tribus concurrentes, comme ce fut le cas pour Jabhat al-Nusra. Massivement, des membres des Shaitat, des Bouchamel et des Bagara, quittent la province et rejoignent l’ASL, les FDS et les forces du régime.

Les FDS : alliances tribales et trou sécuritaire

Pendant la campagne pour le contrôle de la province de Deir Ezzor entre 2017 et 2019, les FDS et la coalition internationale ont tenté de tirer les leçons des échecs de Jabhat al-Nusra et de l’EI. L’enjeu pour les FDS était de parvenir à recruter des combattants parmi les populations locales sans alimenter les tensions tribales. On se trouvait alors dans une situation où certaines tribus, en particulier le clan d’Amr Rafdan issu des Bukeyir, avaient profité de leurs alliances avec l’EI pour étendre leur influence, tandis que d’autres, en particulier la tribu des Shaitat, avaient payé un prix lourd pour avoir tenté de résister à l’organisation jihadiste : pendant l’été 2014, l’État islamique aurait décapité et crucifié près d’un millier de membres de la tribu des Shaitat[6]. À la suite de ce massacre, plusieurs milliers de membres de Shaitat partent en exil et rejoignent les différents acteurs du conflit qui se battent contre l’EI. Il s’agit alors pour les Kurdes de profiter de cette situation pour recruter des combattants locaux cherchant à se venger de l’État islamique, sans pour autant que cette vengeance ne prenne un caractère tribal, et ne se tourne notamment contre les Bukeyir, ce qui aurait pour conséquence de les pousser à leur tour dans les rangs des adversaires des FDS. Ainsi, alors que les Shaitat rejoignent massivement les FDS, ces derniers choisissent de nommer à la tête du conseil militaire de Deir Ezzor (organe militaire des FDS en charge de la province de Deir Ezzor), Ahmad al-Khubeil, dit Abou Khawla, un membre de la tribu des Bukeyir. En donnant le commandement de la campagne militaire de Deir Ezzor à un membre d’une tribu perçue par les autres comme étant la plus proche de l’EI, et donc qui avait le plus à craindre d’une vengeance collective, les FDS envoient un message d’apaisement, espérant ne pas retomber dans le cycle alliance-vengeance-polarisation dans lequel se sont retrouvés coincés avant eux les autres acteurs du conflit. Pourtant, malgré ces précautions, le maillage d’alliances tribales s’effrite et de nombreuses failles apparaissent, permettant à l’État islamique de se reconstruire dans la clandestinité.

La distribution des postes en fonction des allégeances tribales a inévitablement créé son lot d’exclus. Bien que la fragmentation et les conflits tribaux n’expliquent pas à eux seuls la faiblesse des institutions créées par les FDS et l’implantation de l’EI à Deir Ezzor, il serait malgré tout possible de cartographier avec une certaine précision les zones d’implantation des cellules de l’EI et de montrer que celles-ci recoupent assez parfaitement les lignes de fractures tribales. De manière assez évidente, l’EI prend pied au sein des communautés tribales exclues du partage du pouvoir dans les structures sécuritaires et civiles affiliées aux FDS. Ainsi, d’un village à l’autre, on se retrouve avec d’un côté des zones particulièrement stables, et de l’autre avec des zones où l’État islamique est capable, si ce n’est de contrôler le territoire, du moins d’exercer une forme de contrôle sur les populations en parvenant notamment à collecter des taxes, à forcer les fonctionnaires de l’administration autonome à démissionner ou jouer les agents doubles, à mettre en échec des opérations sécuritaires et parfois même, la nuit, à ériger des checkpoints et faire des patrouilles.

La région localement connue comme la « zone du milieu » (mantiqa al-wasta), qui forme un triangle aux confluents de l’Euphrate et du Khabour, concentre l’essentiel des problématiques sécuritaires dans la région de Deir Ezzor. Les institutions affiliées aux FDS sont pratiquement inexistantes ou paralysées, les entreprises et les ONG sont soumises aux rackets des mafias locales et de l’État islamique, et les forces de sécurité ne s’aventurent que rarement au-delà des principaux axes routiers. Profitant de l’hostilité d’une grande partie des tribus locales envers les tribus qui dominent le conseil militaire de Deir Ezzor, l’État islamique réussit à se dissimuler dans cette région sans que les FDS ne puissent constituer un réseau d’informateurs efficace. Des raids visant les cellules de l’EI sont régulièrement menés dans ces zones, souvent avec l’appui de la coalition, mais sont d’une efficacité assez limitée. L’EI, qui a infiltré les structures sécuritaires, est le plus souvent prévenu de l’imminence de telles opérations. En l’absence de relais efficaces, les FDS récoltent des informations imprécises et multiplient les bavures, ce qui contribue à nourrir davantage l’hostilité de la population locale. Par conséquent, un cercle vicieux s’installe, dans lequel les forces de sécurité kurdes, la coalition internationale et le conseil militaire de Deir Ezzor dominé par les Bukeyir, se confrontent à l’hostilité croissante des tribus concurrentes, ce qui facilite l’emprise de l’EI sur des populations de plus en plus méfiantes à l’égard des FDS. 

L’Administration autonome prise au piège du tribalisme politique

Dans un article publié en arabe dans le journal al-Modon, et dont le titre pourrait se traduire par De l’impossible tribalisme politique en Syrie, le chercheur Abdel Nasser al-Ayed prend l’exemple du parcours de Nawaf al-Bachir, chef de la tribu des Bagara, pour montrer que la tentation du tribalisme politique en Syrie est vouée à l’échec[7]. En effet, Nawaf al-Bachir, avant même le début de la révolution, tente d’exister politiquement en tant que chef tribal, et de transformer sa tribu, une des plus grandes en Syrie, en force politique. Cependant, ni  son engagement auprès de l’opposition dans un premier temps, ni auprès du régime et des Iraniens depuis 2017 ne lui ont permis de construire réellement cette force. La réalité de la fragmentation tribale et la perte de légitimité des élites, comme évoquées plus haut, ont pour effet de pousser les membres de sa tribu à s’engager selon des logiques politiques qui leur sont propres et non par allégeance à leur hiérarchie traditionnelle. Nawaf al-Bachir est aujourd’hui chef d’une milice soutenue par l’Iran, et n’a de prise ni sur les membres de sa tribu qui vivent dans les zones tenues par les FDS, ni sur ceux qui vivent dans la zone contrôlée par le régime à Alep et qui suivent des logiques claniques locales et développent leurs propres réseaux d’alliance et de patronage[8]. Nawaf al-Bachir s’est confronté à la réalité politique du conflit syrien, à la fragmentation de sa communauté entre les différentes zones de contrôle, et aux différents positionnements des membres de sa tribu. Finalement, très peu suivi par les siens, il n’a pas réussi à transformer sa tribu en force politique, et aujourd’hui, il tire son pouvoir non pas d’une position de leadership sur les membres de sa tribu, mais des ressources (armes, argent et protection) que lui octroient les forces militaires auxquelles il se soumet. Par cet exemple, Abdel Nasser al-Ayed, montre que les forces tribales ne sont pas des forces politiques avec une existence autonome mais sont davantage des outils aux mains des forces politiques et militaires actrices du conflit.

En prenant l’exemple de la tribu des Bagara en zone du régime, ce constat de l’échec du tribalisme politique en Syrie se confirme de manière encore plus prononcée dans les zones contrôlées par les FDS. Plus encore que pour les autres acteurs du conflit, le tribalisme et les élites tribales arabes jouent un rôle central pour le mouvement kurde. L’identité tribale est le marqueur identitaire mis en avant, parfois même folklorisé, pour justifier la projection en territoire arabe. Une fois les territoires libérés de la présence de l’État islamique, des institutions civiles et sécuritaires sont créées pour administrer ces territoires. Que ce soit dans les conseils civils (Deir Ezzor, Tabqa, Manbij et Raqqa),  ou dans les différentes structures sécuritaires, les postes sont distribués en fonction de l’appartenance tribale. Des commissaires politiques kurdes du PYD, localement appelés « kadros », encadrent la gouvernance et distribuent les postes en s’assurant de l’allégeance et de l’équilibre des représentations tribales.

À Deir Ezzor, la gouvernance est tellement « tribalisée » qu’elle ne se traduit pas uniquement dans la distribution des postes mais également dans l’organisation et la création des institutions. Ainsi, les FDS, confrontées à la polarisation tribale locale, sont contraintes de créer quatre administrations distinctes au sein du conseil civil de Deir Ezzor, et un système complexe de chaînes de commandement parallèles au sein du conseil militaire. Cette représentation tribale dans les institutions est fréquemment critiquée par les activistes locaux car elle se fait au détriment d’une représentation politique et d’une professionnalisation de l’appareil administratif, et par conséquent rend impossible les perspectives d’autonomisation de la gouvernance des kadros du PYD qui gardent la main.

Les notables tribaux profitent de cette situation pour utiliser les ressources que leur procurent certains postes de responsabilité pour les redistribuer au sein de leur communauté tribale, afin d’asseoir leur leadership et de s’imposer face à des notables concurrents. Il ne s’agit pas de chefs tribaux incontestés qui viendraient porter les intérêts de leurs communautés au sein des institutions pluralistes. Il s’agit plutôt, d’institutions étroitement encadrées par des kadros du PYD, dans lesquels des notables tribaux sont en concurrence entre eux et utilisent les ressources de l’administration afin de sécuriser leur position au sein d’un leadership tribal déstructuré. La distribution par les kadros des postes les plus sensibles, c’est-à-dire ceux qui donnent accès à un certain pouvoir sur la distribution de ressources, tels que la direction des comités des affaires humanitaires ou celle des carburants, sont systématiquement source de tensions, parfois violentes, entre tribus.

Les FDS et la coalition internationale ont à maintes reprises tenté de réformer le système de gouvernance civile à Deir Ezzor pour apaiser les tensions. Le président du conseil civil a été remplacé, tout comme les kadros qui supervisent le conseil, sans que cela n’ait d’impact réel. De plus, pour faire face aux tensions internes au sein du conseil civil, une réforme, encore non aboutie, a été mise en place afin de diviser le conseil civil de Deir Ezzor en quatre cantons, qui correspondent assez grossièrement à quatre zones d’influences tribales : Bagara à l’ouest, Bouchamel au centre, Bukeyir au nord et Shaitat à l’est.

De manière évidente, cette compétition tribale qui se joue autour de l’accès et du contrôle des organes de gouvernance à Deir Ezzor, contribue à paralyser les institutions au point de les rendre largement dysfonctionnelles. Plus encore que dans le reste du nord-est syrien, le vide créé par ce dysfonctionnement institutionnel à Deir Ezzor est comblé par des initiatives locales portées par la société civile et les communautés tribales. C’est le cas par exemple pour une partie importante des services publics et des efforts de reconstruction, qui sont menés essentiellement par des ONG locales bénéficiant de financements internationaux. Mais c’est de plus en plus le cas également dans des secteurs tels que la justice, avec un retour et une redéfinition en profondeur des pratiques de justice tribales. On assiste notamment à l’émergence d’initiatives de médiation et d’arbitrage avec un effort inédit pour la codification du droit tribal. Ces tentatives de codifications du droit tribal sont le reflet de la faiblesse des instances de gouvernance, mais sont également la preuve de la crise du leadership tribal. En tentant de fixer la tradition tribale (al-‘urf al-’ashaeri), les communautés visent à se protéger de l’arbitraire du renouvellement des Sheikh et de la réinvention systématique des structures hiérarchiques au sein de l’espace tribal.

Nous pouvons observer le même phénomène dans les institutions militaires affiliées aux FDS. La crise de décembre 2022 autour de la composition du conseil militaire de Deir Ezzor illustre bien l’enjeu de la tribalisation institutionnelle. Comme nous l’avons vu, les FDS ont fait le choix de nommer Abou Khawla à la tête du conseil militaire de Deir Ezzor. Ce choix pourrait paraître étonnant dans la mesure où il n’était ni un militaire de carrière ni une personnalité connue et populaire à Deir Ezzor. Mais il disposait de deux avantages aux yeux des dirigeants FDS : celui d’avoir assez tôt quitté la rébellion contre Assad pour rejoindre les forces kurdes, et surtout, celui de faire partie de la tribu des Bukeyir, qu’il s’agissait alors de rassurer et de ne pas se mettre à dos. Alors que les forces kurdes jouent l’apaisement tribal, les Bukeyir voient en la montée en puissance d’Abou Khawla la possibilité d’échapper à une vengeance collective venant des autres tribus, et de faciliter les amnisties et la réhabilitation de leurs membres ayant collaboré avec l’État islamique. Ainsi, Abou Khawla utilise sa position au sein de l’institution militaire pour apparaître aux yeux des membres de sa tribu comme leur défenseur, et s’ériger de facto comme le chef des Bukeyir. N’étant pas issu d’une famille de notables tribaux et ne pouvant théoriquement pas prétendre à une position de commandement, il se fait introniser « Émir des Bukeyir », position qui n’existait pas jusqu’alors, se risquant à une innovation dans la coutume tribale en profitant de la crise des structures hiérarchique traditionnelles. Cette intronisation est approuvée par la majeure partie des notables Bukeyir. Même le chef traditionnel de la tribu, Abdel Aziz al-Hamada, depuis son exil en Turquie, accepte un temps de déléguer son autorité à Abou Khawla avant de se rétracter[9]. Les forces kurdes, et même l’armée américaine, semblent approuver cette tribalisation de l’institution militaire, sans s’inquiéter des conséquences en termes de polarisation et de déstabilisation des équilibres locaux. Progressivement, le drapeau tribal de « l’Émirat des Bukeyir » prend sa place aux côtés du drapeau officiel du conseil militaire de Deir Ezzor des FDS, y compris dans lors de rencontres officielles en présence des représentants de la coalition internationale et de l’armée américaine. Abou Khawla, troque ainsi régulièrement l’uniforme militaire pour l’Abaya et organise sous son autorité des cérémonies de médiation et de réconciliation tribales, au-delà même de sa propre tribu. Grâce à sa position dans l’appareil militaire des FDS, qui lui permet de disposer de la force nécessaire pour faire appliquer des décisions de justice tribale, il s’impose non seulement comme une figure centrale au sein des Bukeyir, mais désormais également sur l’ensemble de l’espace tribal de Deir Ezzor, au détriment notamment la famille al-Hefel, dirigeants traditionnels de la tribu Agaidat, dont les Bukeyir ne sont qu’une branche. Dans ce contexte, il n’est pas étonnant de voir, d’un côté, les autres tribus de la région considérer les institutions des FDS comme des institutions Bukeyir, et de l’autre, assister à une compétition interne au sein même des Bukeyir pour le leadership de la tribu, dans la mesure où celui-ci apparaît désormais comme pouvant se rejouer à tout moment, avec la possibilité pour n’importe qui de s’ériger en chef tribal au détriment des hiérarchies traditionnelles.

En décembre 2022, des proches d’Abou Khawla se retrouvent accusés par des membres des tribus des Bagara et des Mashahda d’avoir violé et tué deux femmes. Cela entraîne un vaste mouvement de contestation et de remise en cause du partage tribal du pouvoir militaire. Des émeutes, parfois armées, éclatent dans un premier temps pour demander que les personnes soupçonnées de ces crimes soient punies, puis constatant qu’elles étaient protégées par le conseil militaire aux mains des Bukeyir, les revendications évoluent pour réclamer la création d’un conseil militaire spécifique pour les Bagara. Alors que la presse, notamment pro-régime ou pro-turque, interprète ces manifestations comme une contestation de la présence même des FDS dans ces territoires, les revendications se concentraient en réalité sur la demande d’une réforme d’une institution militaire, qui localement est unanimement perçue comme tribalisée. On avait donc d’un côté des manifestations anti-conseil militaire qui réclamaient la création d’un conseil militaire Bagara, et de l’autre, Abou Khawla qui rassemblait ses partisans qui manifestaient avec des drapeaux du conseil militaire de Deir Ezzor et celui de « l’Émirat des Bukeyir[10] ». Ce conflit illustre bien le problème de la tribalisation des institutions, car en effet, ce qui aurait dû être traité comme un fait divers prend une tournure politique et tribale. En voulant protéger les membres de son clan, Abou Khawla embarque l’institution militaire dans son ensemble (institution d’ailleurs de plus en plus marquée comme un organe Bukeyir, avec un chef de conseil militaire qui est en même temps le chef d’une tribu), dans un conflit avec les autres tribus de la région. La politisation du fait tribal et la tribalisation des institutions entraînent une situation dangereuse où un amalgame se fait entre l’institution et la tribu, contribuant automatiquement à tribaliser le moindre conflit politique, et à l’inverse, à politiser le moindre conflit entre membres de tribus concurrentes. Ainsi, toute contestation des membres des Bukeyir est perçue comme une attaque contre le conseil militaire, et toute attaque contre le conseil militaire est perçue comme une attaque contre l’ensemble des Bukeyir.

Pendant ce mouvement de contestation, en décembre 2022, des enregistrements fuitent dans la presse, faisant entendre Abou Khawla demandant aux notables Bukeyir de participer à une manifestation pour réclamer que la coalition internationale le soutienne comme chef du conseil militaire[11]. Nous voyons encore une fois dans cet exemple que l’équilibre des forces entre tribus, et surtout leur régime d’autorité, dépend de leur relation avec les forces extérieures, ici la coalition internationale et la direction kurde des FDS. Ces derniers ont pour le moment refusé la demande de la tribu des Bagara et ont confirmé leur soutien à Abou Khawla, convaincus que la création d’un conseil militaire spécifique pour les Bagara entraînerait des revendications similaires dans l’ensemble de la région et une fragmentation de l’appareil sécuritaire.

Si le conseil militaire reste donc sous l’influence des Bukeyir, les FDS ont tout de même été contraints de multiplier les organes sécuritaires et de diversifier les chaînes de commandement afin de diviser le pouvoir. Ainsi, à l’extrême est de la province, la zone militaire appelée Saha Hajjin est formellement rattachée au conseil militaire, mais en réalité dispose d’une autonomie vis-à-vis d’Abou Khawla du fait que ses unités, dominées par la tribu des Shaitat, bénéficient d’un lien direct avec le commandement kurde des FDS. À cela s’ajoute, les unités YPG (Unités de protection du peuple) et YPJ (Unités de protection de la femme), des forces commandos, d’auto-défense et les unités de protections des infrastructures pétrolières, qui ont chacune leurs chaînes de commandement spécifique et des relais locaux issus des différentes communautés tribales.

Conclusion

L’Administration autonome et les FDS sont parvenus, de manière assez surprenante, à tenir sur la longueur face aux nombreux défis de l’ère post-État islamique : attaques turques, isolement diplomatique, pressions du régime. Pourtant, la situation sécuritaire et les faiblesses structurelles des organes de gouvernance à Deir Ezzor montrent les limites de la coalition internationale et du projet de greffe institutionnelle dans les territoires arabes portés par le PYD. De manière contre-intuitive, cette limite n’est pas due au caractère allogène du modèle de gouvernance et de l’idéologie portés par le mouvement kurde. En d’autres termes, il ne s’agit pas, comme on le présente habituellement lorsque l’on parle du nord-est de la Syrie, d’un rejet par les populations arabes d’une gouvernance qui serait exclusivement kurde. Le problème se situe davantage dans le mode de gouvernance déployé, qui en se basant sur une mauvaise compréhension du fait tribal et de ses bouleversements récents, alimente les tensions locales. Ce modèle, qui consiste à coopter les hiérarchies tribales afin de représenter et de contrôler les populations, se heurte à la réalité d’un tribalisme qui n’existe fondamentalement plus que comme identité locale, largement libérée des hiérarchies traditionnelles. En tentant de recréer artificiellement ces hiérarchies tribales, les FDS confondent cooptation et représentation. Des notables, sans légitimité particulière, se disputent des postes et des ressources, qui, ils l’espèrent, leur permettront de s’imposer au sein d’un espace tribal déstructuré. Cette compétition pour le pouvoir, souvent violente, crée inévitablement son lot d’exclus, et ravive la polarisation de l’espace tribal. Dans ce contexte, l’État islamique parvient à se restructurer, en semi-clandestinité, là où l’administration échoue.

Pourtant, si l’Administration autonome est clairement en difficulté à Deir Ezzor, il est important de noter que la présence des FDS en tant que telle est finalement assez peu remise en cause, dans la mesure où la crainte, largement partagée par la population, d’une reprise de contrôle de la région par le régime syrien, limite le cadre de la contestation..


Notes :

[1]— Faisal Dahmoush al-Mashour, أبناء العشائر في دير الزور من الاستقرار إلى الثورة، ديناميكيات الصراع وعوامل السلم الأهلي [« Tribus de Deir Ezzor, de la stabilité à la révolution : dynamique des conflits et facteurs de paix civile »], Justice for Life Organization, 26 juillet 2017.

— Khedder Khaddour and Kevin Mazur, Eastern expectations, the changing dynamics in Syria’s eastern region, Carnegie Middle Eastern Center, 2017.

— Abdel Nasser al-Ayed, عن العشائرية السياسية غير الممكنة في سوريا [« De l’impossibilité du tribalisme politique en Syrie »], al-Modon, 30 janvier 2022.

— Ziad Awad, Tribes and power in Aleppo city, Middle East Directions (MED), Research Project Report/ Wartime and Post-Conflict in Syria, Issue 2022/02 – 13 January 2022.

— Rudayna al-Baalbaky and Ahmad Mhidi, Tribes and the rule of the “Islamic State”: the case of the Syrian city of Deir Ezzor, Issam Fares Institute for Public Policy and International Affairs, AUB, 2018.

[2] Les FDS ont créé un système de garantie tribale en s’appuyant sur des notables tribaux qui leur sont loyaux.  Pour un certain nombre de démarches, il est exigé pour les personnes soupçonnées d’avoir entretenu des liens avec l’EI qu’un notable de leur communauté tribal se porte garant auprès des FDS, afin qu’ils puissent sortir de prison, bénéficier d’une amnistie, s’installer dans une région en particulier ou même parfois intégrer les FDS. En se portant garants, les chefs de tribus confirment connaître la personne en question (ce qui en réalité n’est pas toujours le cas) et sont responsables de ses actes à venir.

[3] « Apo » est le surnom donné par ses partisans à Abdullah Ocalan, dirigeant du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), aujourd’hui emprisonné en Turquie. L’apoïsme désigne sa doctrine politique. Le néo-apoïsme correspond au tournant idéologique pris par le mouvement sous l’impulsion de son chef, passant d’une idéologie nationaliste et marxiste-léniniste à une théorie prônant l’auto-organisation communautaire, inspirée du communalisme libertaire de Murray Bookchine. Voir : Olivier Grojean, La révolution kurde : le PKK et la fabrique d’une utopie, La Découverte, 2018.

[4] Khaddour ; Mazur, 2017.

[5] Dahmoush, op. cit., 2017.

[6] Omar Abou Layla, Daesh’s Forgotten Massacre in Deir al-Zour, The Washington Institute, 2022.

[7] Al-Ayed, op.cit., 2022.

[8] Awad, op.cit., 2022.

[9] Vidéo : زعيم عشيرة « البكيّر » يتنحى و ينصب « أحمد الخبيل » أبا خولة بديلاً عنه [« Le chef de la tribu “Bukair” démissionne et laisse place à son remplaçant “Ahmed Al-Khabil” dit Abu Khawla »], Resala Post, 29 juin 2019, disponible sur : https://www.youtube.com/watch?v=x6IK_9jnj_E

[10] رداً على مقتل سيدتين.. احتجاجات ضد قائد « مجلس دير الزور العسكري»  [« En réponse au meurtre de deux femmes… Manifestations contre le chef du «Conseil militaire de Deir Ezzor» »], Syria TV, 22 décembre 2022.

[11] Vidéo : قائد مجلس دير الزور العسكري أحمد الخبيل  » أبو خولة  » يدعو أنصاره للخروج بـ مسيرة تأييد [« Le chef du Conseil militaire de Deir Ezzor, Ahmed Al-Khabil, « Abu Khawla », appelle ses partisans à participer à une « marche de soutien » »], EuphratesPost, 21 décembre 2022, disponible sur : https://www.youtube.com/watch?v=-vmepLb58ig