Par Adel Bakawan
Introduction : le moment de la revanche et la gestion des paradoxes
Le 19 mars 2003, lorsque les États-Unis d’Amérique ont lancé l’offensive sur l’Irak de Saddam Hussein, il y avait chez les forces politiques chiites un quasi-consensus[1] sur les stratégies du comportement à adopter face à l’occupation américaine de l’Irak. Ces élites avaient une volonté solidement construite de ne pas reproduire l’erreur de 1914-1921, lorsque les chiites ont choisi la résistance armée contre l’occupation britannique de l’Irak. Certes, cette résistance est encore aujourd’hui considérée comme un acte patriotique façonnant la mémoire collective irakienne. Toutefois, force est de constater que cet acte a eu des conséquences très graves, non seulement pour les élites, mais aussi pour l’existence chiite en tant que groupe humain[2].
C’est ainsi que la chute de Bagdad, le 9 avril 2003, se présente comme un moment de rupture fondamentale dans l’histoire politique de l’Irak, un moment qui a permis aux élites chiites d’entrer dans l’histoire de l’État irakien par la grande porte ouverte par la première puissance mondiale. Or, paradoxalement, les États-Unis deviennent à leur tour l’ennemi numéro un des mêmes élites chiites, qui demandent leur départ de l’Irak le 5 janvier 2020[3], sans que cela n’empêche une coopération très étroite entre Nadjaf et Washington dans la gestion de la situation irakienne.
En effet, cette coopération précède largement le « moment de la revanche[4] » du 9 avril 2003, parce que depuis l’élaboration de l’Iraq Liberation Act en 1998 par le Congrès[5] et son approbation par le président Bill Clinton, l’Assemblée suprême de la révolution islamique en Irak (ASRII) établit un lien direct avec les Américains, ce qui constitue la base sur laquelle Washington et Nadjaf, la Maison Blanche et la Marjaiyya construisent la cogestion de l’Irak. Ces interactions avec les Américains et la bénédiction de la République islamique d’Iran placent l’ASRII parmi les sept groupes qui, dans la perspective de la chute du régime de Saddam Hussein, sont soutenus politiquement et financièrement par les États-Unis d’Amérique[6]. Ainsi, au cours du congrès de l’ancienne opposition irakienne parrainée par Washington à Londres, le 14 décembre 2002, les Chiites, les nouveaux alliés des Américains, constituent 56 % des participants[7].
Adel Bakawan
Chercheur associé au CAREP Paris
Directeur du département recherche de l’Institut de Recherche et d’Études Méditerranée Moyen-Orient (iReMMO). Directeur du Centre de sociologie de l’Irak (CSI), Université de Soran. Chercheur associé à l’Institut français des relations internationales (IFRI). Chercheur associé au Centre Arabe de Recherches et d’Etudes Politique de Paris (CAREP Paris). Chargé de cours à l’Université d’Évry.
Malgré les premières manœuvres stériles de Paul Bremer visant à marginaliser ces nouvelles élites irakiennes et l’utopie de la construction d’une nation irakienne[8], le moment de l’effondrement de la dictature de Saddam Hussein a parfaitement mis en exergue cette coopération entre d’une part une majorité chiite — qui est depuis 1921 « laissée-pour-compte, méprisée, voire persécutée[9] » et qui a maintenant « une revanche à prendre sur l’histoire [10] » — et d’autre part une puissance internationale qui est à la recherche, au moins depuis le 11 septembre 2001, de la destruction du régime de Saddam Hussein, considéré comme une des sources du terrorisme international[11].
Toutefois, ce moment est également la manifestation par excellence de la cohabitation des paradoxes, de l’association des perceptions contradictoires. Il est vrai qu’en 2003, dans la reconstruction politique du nouvel Irak, les États-Unis d’Amérique prennent les élites chiites, notamment le CSRII, pour des partenaires du premier degré[12]. Or, seulement un an plutôt, la Maison Blanche considérait la République islamique d’Iran, le tuteur de la majorité absolue de ces élites chiites, et en particulier le CSRII, comme un des trois États constituant l’ « axe du mal[13] ».
L’autre paradoxe est proprement chiite. Majorité opprimée depuis 1921, ses élites étaient bien conscientes que leur arrivée au pouvoir en 2003 ne s’est pas faite grâce au soutien de leur tuteur iranien, mais par les moyens extraordinaires mobilisés par les États-Unis d’Amérique pour éliminer Saddam Hussein et élaborer les conditions objectives de la prise du pouvoir des élites chiites. Pourtant, les mêmes élites chiites font l’abstraction totale de ce fait historiquement singulier dans l’histoire de l’Irak et mobilisent tous les moyens possibles pour faire partir leurs sauveurs du pays : tirs de roquettes contre les intérêts américains[14], grandes manifestations, projets de résolution, assassinat d’acteurs considérés comme pro-américains, etc.
La gestion de ces paradoxes multidimensionnels permet aux Américains, malgré des obstacles de taille et de nature très complexes, de rester militairement sur le sol irakien et de garder leur impact sur l’orientation des rapports de force au sein des acteurs engagés dans le champ politique. Elle permet également aux élites chiites, malgré des pathologies mortelles impactant le cœur de l’État et de la société irakienne, de contrôler les grandes institutions du pays.
Dans les faits, ce qui maintient encore l’État irakien, désormais chiite, ce ne sont certainement pas ses infrastructures, ses bases solides et son projet de société — qui n’a jamais existé —, mais plutôt cette cogestion américano-chiite (avec l’engagement massif de la République islamique d’Iran) en place depuis la chute du régime de Saddam Hussein. Grâce à cette cogestion, le pays dispose d’une constitution (même si elle est régulièrement transgressée par les forces en compétition[15]), d’élections législatives régulières (même si elles sont soupçonnées de fraudes massives[16]), d’une inclusion politique des autres composantes de la société irakienne (même si elle est précaire et menacé quotidiennement par la puissance des acteurs chiites, notamment des organisations miliciennes[17]). Une remise en cause de cette cogestion mettrait probablement fin à l’existence de cet État conçu en 1921 par le Britannique Percy Cox, et refondé en 2003 par l’Américain Paul Bremer[18].
La diversité d’une majorité dominante
Il est primordial d’éviter dès le départ de considérer la communauté chiite irakienne comme un groupe homogène, fermé, avec une essence figée dans le temps et dans l’espace. Certes, il y a un cadre commun, une identité historiquement construite et un référentiel partagé. Cependant, la diversité – qui engendre des fragmentations sociales, culturelles, politiques et militaires – est le marqueur majeur de cette majorité numérique, qui, à certains moments importants, rend « impossible l’action collective en vue du bien commun[19] ». Par exemple, lorsqu’Adel Abdel Mahdi, le Premier ministre, démissionne le 29 novembre 2019, les Chiites, pendant plusieurs mois, se montrent incapables de faire émerger un consensus pour désigner son successeur, alors que l’Irak, traversé par la pandémie de Covid-19[20], la crise économique[21] et la remontée en puissance des organisations terroristes[22], avait désespérément besoin d’un Premier ministre pilote.
Dans la perspective d’une compréhension dépoussiérée de cette diversité si complexe, nous proposons une grille de lecture, établie sur la base d’un travail de catégorisation des acteurs chiites disposant des moyens d’influence et déterminant les orientations des rapports de force à l’intérieur de la « maison chiite [23] ». Ainsi, la catégorie religieuse, la catégorie politique et la catégorie milicienne sont prises en compte et analysées en détail dans cet article. Toutefois, force est d’admettre que ces catégories ne constituent nullement des structures totalement indépendantes les unes des autres. Certes, elles ont un certain degré d’autonomie, mais les interactions hautement dynamiques font des interconnexions et des interpénétrations un fait continuellement constatable, que nous allons mettre en évidence.
La catégorie religieuse
L’institution de la Marjaiyya[24] est l’acteur le plus influent de la communauté chiite, non seulement en Irak, mais aussi pour les 200 millions de chiites partout dans le monde. Il est tout à fait pertinent de souligner que Nadjaf n’est pas uniquement une ville chargée d’histoire et de symbolisme pour les Irakiens, elle est également la capitale religieuse mondiale des Chiites, quels qu’ils soient et où qu’ils soient. Nadjaf ressemble ainsi à un Vatican pour tous les Chiites du monde, un Vatican au sein de l’État irakien, où se trouve le mausolée du premier imam, Ali ibn Abi Talib, le cousin et le gendre du prophète : idolâtré par des millions de Chiites à travers les siècles.
À ce jour, quatre grands marja (acteurs désignés comme pôle de référence ou pôle d’imitation pour les chiites), d’origines nationales différentes, forment l’institution de la Marjaiyya : Ali Sistani, d’origine iranienne ; Mohammad Ishaq al-Fayyad, d’origine afghane ; Bashir al-Najafi, d’origine indo-pakistanaise ; Muhammad Saeed al-Hakim, l’Irakien[25].
Mohammad Ishaq al-Fayyad
Mohammad Ishaq al-Fayyad est né dans un village isolé en Afghanistan en 1930, d’un père paysan et d’une mère au foyer. Tous les deux analphabètes, ils décident d’envoyer leur fils à l’école coranique de leur village. Le rêve de son père, selon sa biographie officielle, était de voir son fils éduqué et scolarisé pour devenir un grand ayatollah. Alors que le petit Mohammad est encore tout jeune, sa mère meurt de maladie. Affecté par la disparition de sa mère, le jeune Mohammad mobilise tous ses moyens pour réaliser le rêve de ses parents, notamment celui de sa mère. Ainsi, il prend le chemin de Nadjaf en passant par l’Iran. Dès son arrivée dans le Vatican des Chiites, il s’engage dans l’apprentissage auprès du grand ayatollah Abu al-Qasim al-Khoei. À 91 ans (en 2021), Mohammad Ishaq al-Fayyad est incontestablement un des quatre marjas connus et reconnus par les Chiites. Malgré son origine et son accent afghan très prononcé[26], Fayyad fait désormais partie intégrante de ces élites qui peuvent influencer l’Irak des incertitudes[27].
Bashir al-Najafi
Bashir al-Najafi est né en 1942 en Inde, il s’est installé au Pakistan après sa fondation en 1947. Bashir est l’enfant d’une famille privilégiée, dotée à la fois de ressources financières et religieuses considérables. Dès son adolescence, il commence à étudier les sciences islamiques, en commençant par la grammaire arabe. Pendant ses études à l’école al-Montazar, la meilleure qui existait en son temps dans son pays et dans son domaine, il rêve d’une vie idéale dans la ville de son premier imam, Ali ibn Abi Talib. En 1965, à l’âge de 23 ans, il réalise son rêve et s’installe définitivement à Nadjaf. Comme Mohammad Ishaq al-Fayyad, le tout jeune Bashir intègre le séminaire d’Abu al-Qasim al-Khoei. Armé de dispositifs solidement intériorisés, le jeune Bashir maîtrise rapidement les matières étudiées et, dès 1974, son maître lui donne l’autorisation d’enseigner. À 78 ans, Bashir al-Najafi est l’une des autorités religieuses les plus puissantes, il dispose d’« imitateurs[28]» et de disciples partout dans le monde[29].
Muhammad Saeed al-Hakim
Le troisième marja est Muhammad Saeed al-Hakim. Il est né en 1936 à Nadjaf, dans une des familles les plus importantes dans le champ religieux chiite. Dès sa naissance, tout est préparé pour que le petit Mohammad trace la trajectoire d’un grand ayatollah. Pris en charge tout d’abord par son père, Mouhamad Ali al-Hakim, puis par les ayatollahs Bjnwrdi, Hulli et Asfahani, pour entrer finalement dans l’école majestueuse Abu al-Qasim al-Khoei. En 1983, à l’âge de 47 ans, en pleine guerre contre la République islamique d’Iran, il est arrêté par le régime de Saddam Hussein. Accusé de ne pas soutenir son pays dans sa guerre contre l’Iran, Muhammad Saeed al-Hakim sera lourdement torturé, sans jamais céder ou renoncer à ses convictions. En guerre contre une grande coalition internationale dirigée par les États-Unis d’Amérique, mais aussi contre sa propre population en révolte, le régime de Saddam Hussein le libère en 1991[30]. À ce jour, en tant qu’unique Irakien au sein de la Marjaiyya de Nadjaf, avec un capital reconnu mondialement, Muhammad Saeed al-Hakim a toutes les chances pour devenir le successeur d’Ali Sistani après sa disparition.
Ali Sistani
Né en 1930 à Mashhad en Iran, Ali Sistani est l’enfant d’une famille solidement installée dans le paysage religieux du monde chiite. Dès son plus jeune âge, comme al-Hakim et Najafi, il est intégré à un programme éducativement très strict avec des cours dans tous les domaines. À l’âge de 19 ans, il s’installe à Qom, une autre ville sainte chiite. Deux ans plus tard, à l’âge de 21 ans (1951), Ali Sistani entre en Irak hachémite et s’installe à Nadjaf. Le jeune Ali intègre rapidement le séminaire Abu al-Qasim al-Khoei et restera dans son univers jusqu’à sa disparition en 1992. Entre 1992 et 1999, les rapports de force entre Ali Sistani et Muhammad Sadq al-Sadr, le père de Moqtada, pour occuper la place vacante d’Abu al-Qasim al-Khoei étaient hautement conflictuels, mais l’assassinat du père de Moqtada par le régime de Saddam Hussein en 1999[31] laisse le champ totalement libre devant Ali Sistani et, depuis ce moment si tragique dans l’histoire récente des Chiites, Sistani est le premier marja de l’institution de la Marjaiyya à Nadjaf[32].
Ce groupe de quatre qui constitue la Marjaiyya sous la direction de Sistani n’adhère pas officiellement à « la théorie du valayat e faqih, la ‟primauté du jurisconsulte”, réalisée durant la création de la République islamique après la révolution de 1979[33] ». La Marjaiyya fait, à l’échelle du discours, une nette séparation entre le politique et le religieux, à l’opposé d’autres ayatollahs comme Mohammad Yaqoobi ou Kazem al-Haeri qui ont adopté la théorie du valayat e faqih. Cependant, force est de reconnaître qu’à l’échelle pratique l’intervention de ce groupe dans l’organisation du champ politique irakien, de 2003 à ce jour, est un fait régulièrement constatable : la rédaction de la constitution irakienne en 2005[34], la déclaration de la guerre sainte contre l’organisation de l’État islamique en 2014[35], la nomination et le départ d’Adel Abdel Mahdi[36] ne constituent qu’un petit échantillon qui met en évidence l’ingérence de la Marjaiyya dans la gestion politique de l’Irak, une ingérence souvent sollicitée par les acteurs politiques eux-mêmes, car ils sont pris dans les filets d’un conflit intense qui, dans les moments de fragmentation extrême, empêche l’émergence de consensus ; c’est pourquoi, ils font appel à ce « pôle de stabilité » pour trancher ce qu’eux-mêmes ne peuvent trancher.
La catégorie politique
La scène politique chiite, atteinte par le contexte tragique dans lequel l’Irak se trouve depuis 2003, est en recomposition permanente. Certains acteurs qui pesaient lourdement au début de l’occupation de l’Irak n’affectent plus que marginalement les stratégies de l’univers politique chiite, car d’autres acteurs apparaissent et réorganisent constamment le système de fonctionnement de cet univers. Toutefois, ces nouveaux acteurs ne sont jamais en rupture totale avec le passé ; au contraire, même si les visages changent et, malgré une revendication de grand changement, ce passé restera capitalisé, mobilisé et réinvesti par la quasi-totalité de ces nouveaux acteurs.
La tendance sadriste
Depuis plusieurs générations, la grande maison des Sadr forme des leaders charismatiques s’imposant avec une force extraordinaire dans l’univers chiite irakien. Cette maison est incontestablement aujourd’hui le premier acteur politique sans lequel l’État irakien chiite ne peut pas être opérationnel[37].
Muhammad Baqer al-Sadr, le beau-père de Moqtada, né en 1935 à Kazimiya en Irak, était non seulement un grand ayatollah, mais aussi un des théoriciens le plus reconnus de l’islam politique chiite. Il a été exécuté en 1980 par le régime de Saddam Hussein[38] en représailles de l’attentat manqué contre Tarik Aziz, alors vice-Premier ministre irakien, organisé par le Parti Dawa pour lequel Muhammad Baqer al-Sadr est considéré comme le Lénine.
Muhammad Sadeq al-Sadr, le père de Moqtada, est né en 1943, également à Kazimya. Ayatollah d’action plus que de réflexion, le père de Moqtada s’engage dans une trajectoire marquée à la fois par la confrontation avec le régime de Saddam Hussein et une conflictualité très intense avec la domination de l’ayatollah Ali Sistani au sein de l’institution de la Marjaiyya. En 1999, il a été assassiné, avec deux de ses fils, par les agents des services de sécurité de Saddam Hussein[39].
En 2003, dès les premières semaines de l’occupation de l’Irak par les États-Unis d’Amérique, le nom de Moqtada Sadr s’impose non seulement aux élites irakiennes, mais aussi à Paul Bremer qui souhaite reconstruire à sa façon non seulement l’État irakien, mais aussi la « nation » irakienne[40]. De la création de l’armée du Mahdi[41] à sa conversion aux Saraya as-Salam (SaS), la tendance sadriste occupe la première position dominante dans le champ politique chiite. Cependant, les sadristes ont été affaiblis par le mouvement de contestation du 1er octobre 2019 et nous ne pouvons avancer avec certitude que dans les années à venir ils ne seront pas devancés par d’autres acteurs en compétition[42].
La tendance hakimiste
Né en 1971 à Nadjaf, Ammar al-Hakim est l’héritier de la longue histoire d’une famille hautement privilégiée au sein de la communauté chiite. L’enfant doux et gâté des Hakim doit assumer, gérer et garantir la durabilité de la domination d’une famille qui a adopté la posture révolutionnaire contre le régime de Saddam Hussein.
Tout d’abord, il y a eu son grand-père, Muhsin al-Hakim, né en 1889 à Nadjaf, le plus grand marja des chiites depuis 1946 jusqu’à sa mort en 1970[43]. Cette période est fortement marquée par la lutte idéologique de la Marjaiyya contre le Parti communiste irakien, mais sans aucun engagement politique.
Ensuite, de 1982 à 2003, la famille Hakim se lance dans une lutte armée contre le régime de Saddam Hussein. Les deux fils de Muhsin al-Hakim, à savoir Mohammad Baqir al-Hakim (1939-2003) et Abdel Aziz (1953-2009), le père d’Ammar, forment l’Assemblée suprême de la révolution islamique en Irak (ASRII), qui devient l’une des sept organisations irakiennes domptées et financées par les États-Unis d’Amérique contre le régime de Saddam Hussein[44].
Après la mort de son père en 2009, Ammar al-Hakim, alors âgé de 38 ans, se voit dans l’obligation de prendre la direction de l’ASRII, qui après l’occupation devient l’Assemblée suprême islamique en Irak (ASII). Accusé d’autoritarisme par certains membres de la direction générale de son mouvement et par d’autres de formation religieuse incomplète[45], Ammar al-Hakim se sépare de l’ASII et fonde en 2017 la tendance al-Hikmat. Se considérant comme le représentant du nationalisme irakien, son mouvement prend de la distance avec la République Islamique de l’Iran et tente d’élaborer, sans succès, une « irakicité » inclusive. Un an après sa fondation, la tendance al-Hikmat participe aux élections de mai 2018 et obtient à elle seule 19 sièges.
Le Parti Dawa
Né en 1957, le Parti Dawa est la plus ancienne organisation de l’islam politique chiite, qui s’est formé sur le modèle des Frères musulmans égyptiens. Le combat idéologique contre le puissant Parti communiste irakien dans les années 1950, 1960 et 1970 constituait la première justification de son existence. Dans les années 1980, le centre de gravité se déplace vers le Parti Baas. Ainsi, de 1980 à 2003, la guerre est totalement ouverte entre le Parti Dawa et le Parti Bass[46].
À partir de 2003, le Parti Dawa devient un des acteurs clés du système politique irakien. De 2005 à 2018, ayant obtenu le poste de Premier ministre, le parti dirige le gouvernement. Cependant, traversé par des divisions internes, par des scissions successives et par la polarisation de ses dirigeants entre le nationalisme et les pro-Iraniens, le parti perd le poste du Premier ministre en 2018[47].
En 2006, dans un contexte de tension extrême, Nouri al-Maliki remplace Ibrahim al-Jafari, un des chefs historiques du Parti Dawa qui a dirigé le gouvernement d’avril 2005 à mai 2006. En 2014, Haider al-Abadi, cadre dirigeant du Parti Dawa, met fin à la gouvernance de Nouri al-Maliki et, avec la bénédiction de la Marjaiyya, prend la tête du gouvernement. En 2018, le parti est incapable de participer aux élections avec une liste commune. Maliki et Abadi y participeront avec deux listes séparées. Les résultats sont dramatiques pour le parti, car entre 2014 et 2018, il perd 65 % de ses électeurs. Au cours des élections de 2014, un million quatre cent mille personnes ont voté en faveur du Parti Dawa ; en 2018, elles ne sont que quatre cent mille ! Ainsi, le parti perd la main sur le poste de Premier ministre. Toutefois, le parti garde toujours son influence sur les institutions, car de 2005 à 2018, il a parfaitement réussi à placer ses cadres dans toutes les institutions de l’État[48].
À l’échelle religieuse, le parti reconnaît la Marjaiyya de Sistani, sans obliger ses militants à y adhérer. Il n’intervient pas forcément dans le choix de référence d’imitation de ces militants, mais plutôt dans la régularisation de leurs actions politiques, comme si le parti souhaitait faire la séparation entre l’action religieuse et l’action politique[49] !
Les libéraux chiites
L’univers politique chiite est actuellement dominé par une pleine présence des organisations ayant la religion pour référence et pour programme de socialisation. Cependant, force est de constater que dans le même univers il y a des organisations et des acteurs s’identifiant à la démocratie libérale, rêvant d’un Irak rimant avec citoyenneté, démocratie, droits de l’homme, presse libre, émancipation des femmes et nationalisme dépassant les frontières confessionnelles (chiite/sunnite) et ethniques (arabe/kurde).
Dans les années 1990 et 2000, Ahmad Chalabi et Iyad Allawi représentaient bien cette tendance libérale, du moins à l’échelle du discours. L’Entente nationale irakienne d’Iyad Allawi, adoptant l’irakicité comme unique principe d’appartenance, a fédéré des acteurs politiques transcommunautaires pendant les élections législatives de 2010 et a obtenu 91 sièges, devenant le premier gagnant. Allawi a été empêché de former le gouvernement par Nouri al-Maliki[50], car ce dernier, bien qu’ayant obtenu seulement 89 sièges, a pu, grâce à l’intervention de la Marjaiyya, former une grande coalition avec les autres listes chiites au sein de l’Assemblée nationale, ce qui lui a permis d’être reconduit à son poste de Premier ministre[51].
Il y a également un groupe d’intellectuels indépendants, avec un degré très élevé d’engagement politique, qui occupent des postes clés au sein de l’État irakien (ministre, directeur général des institutions de l’État, ambassadeur, etc.) et qui agissent sur les orientations générales et les rapports de force dans le pays. Le 7 mai 2020, le Parlement irakien vote la confiance au gouvernement de Mustafa al-Kadhimi, un acteur faisant partie intégrante de ce groupe d’intellectuels[52].
Cette tendance est aussi constatée à l’intérieur même des organisations chiites confessionnelles. Conséquences de la transformation idéologique, sociale et politique, certains acteurs majeurs (tels que Haider al-Abadi ou Adnan al-Zurfi), qui tout en restant à l’intérieur de leurs organisations politiques, revendiquent leur appartenance à la démocratie libérale. Sans oublier l’héritage dominant dans l’univers chiite d’un parti communiste certes pas libéral, mais par excellence anti-confessionnel[53]. Cet héritage est encore aujourd’hui la source d’inspiration de certaines catégories sociales, notamment celles qui participaient au mouvement de contestation.
La catégorie milicienne
Les organisations miliciennes forment une dernière macro-catégorie façonnant l’univers et la première expérience étatique des Chiites irakiens, au pouvoir depuis 2003. Le cadre de la grille de lecture que nous proposons, n’aborde pas cette question sous le prisme de l’État profond, de la main invisible ou encore de la troisième partie, parce que nous partons de l’approche qui place ces milices au cœur de la reconstruction de l’État irakien par les Américains à partir de 2003.
En effet, le décret numéro 1 du 12 mai 2003 sur la « débaathification » de la société irakienne et le décret numéro 2 sur la dissolution de l’armée irakienne – émis le 23 mai 2003 par la Coalition Provisional Authority dirigée par Paul Bremer[54] – ont vidé le pays de toutes les institutions disposant de presqu’un siècle de tradition de gestion étatique. C’est justement à partir de cette « purification » de la société irakienne, à partir de ce vide que Paul Bremer, selon son témoignage personnel[55], commence à poser les premières bases de la refondation de l’État irakien. Cette refondation de l’armée irakienne, du ministère de la Défense, du ministère de l’Intérieur, de tous les appareils de sécurité et de la Défense qui dépendent de ces deux ministères, se fera pour une grande partie avec l’intégration des milices de l’ancienne opposition au régime de Saddam Hussein. De ce fait, avec l’insistance des États-Unis d’Amérique, les milices deviennent la colonne vertébrale de l’État irakien post-Saddam Hussein.
Cependant, la perception de ces milices comme une entité homogène avec une direction unifiée, un programme politique cohérent et des stratégies d’action coordonnées est totalement décalée avec une réalité traversée par des antagonismes pouvant conduire à des affrontements militaires faisant des morts et des blessés par les frères chiites eux-mêmes.
C’est ainsi que l’analyse des données factuelles dont nous disposons sur cette réalité des antagonistes en situation d’adversité, nous amène à distinguer trois catégories de groupes miliciens, ayant des marqueurs spécifiques : les milices pro-iraniennes, les milices de la Marjaiyya, les milices nationalistes.
Les milices pro-iraniennes
Pour les élites de Téhéran, l’Irak est perçu comme une question de sécurité nationale qu’il est impossible de négliger. De ce fait, la République islamique tisse traditionnellement et pragmatiquement des liens avec toutes les forces à l’intérieur des composantes de la société irakienne, y compris les Sunnites. Cependant, à l’échelle milicienne, l’Iran a parfaitement réussi, à l’instar du Hezbollah libanais, à mettre en place des organisations militaires reposant sur la loyauté envers le guide suprême de la République islamique d’Iran (et l’appartenance idéologique et politique à son parti), non envers le commandant en chef des armées de l’Irak ! À des degrés différents, la formation, l’armement, le financement et les stratégies d’action de ces organisations sont prises en charge par les services de la République islamique.
Bien que des dizaines de groupes entrent dans cette catégorie, nous nous focaliserons ici sur trois macro-groupes ayant les compétences et les capacités pour agir sur les conditions sécuritaires, politiques, économiques et géostratégiques de l’Irak. L’Organisation Badr d’abord, les Kataeb Hezbollah (KH) ensuite, les Asayib Ahl al-Haq (AAH) enfin sont les trois groupes qui forment ensemble le Pôle iranien se qualifiant comme « axe de la résistance ».
L’organisation Badr est la plus ancienne parmi les trois. Fondée en 1983 en Iran, la « brigade Badr », qui est devenue « Organisation Badr » après la chute de Saddam Hussein, était la branche armée de l’Assemblée suprême de la révolution islamique en Irak (ASRII). Pendant la guerre Irak-Iran (1980-1988), des centaines de milliers de chiites irakiens ont déserté et trouvé refuge en Iran. C’est surtout parmi ces déserteurs chiites que l’ASRII, avec l’aide et l’accompagnement de la République islamique d’Iran, forme la brigade Badr. En 1991, les combattants de cette brigade ont joué un rôle considérable dans l’organisation du soulèvement chiite contre le régime de Saddam Hussein. Depuis 2003, l’Organisation Badr, dirigée par Hadi al-Ameri, a la main lourde sur le pays. Députés, ministres, ambassadeurs, directeurs généraux, présidents des universités, hommes d’affaires… tous sont concernés car l’organisation s’est insérée dans toutes les institutions de l’État irakien. Lourdement armée, disposant de chars, d’hélicoptères, de drones, l’organisation Badr est une véritable armée dans l’armée. La grande et unique province sunnite de Diyala, partageant ses frontières avec la République islamique d’Iran, le Gouvernement régional du Kurdistan et le gouvernement de Bagdad, est sous le contrôle total de l’Organisation Badr, sur les plans administratif, sécuritaire et politique. Vidée de sa population sunnite par Badr, la province est désormais habitée par une majorité chiite.
Les Kataeb Hezbollah (KH) sont une organisation récente, née en avril 2007 après l’occupation américaine de l’Irak[56]. Elle est d’une efficacité remarquable. Les cadres dirigeants des KH trouvent leur historicité djihadique dans l’Organisation Badr. Abou Mahdi Al-Muhandis (1954-2020) a fédéré ces Kataeb (brigades) auparavant divisées dans un projet commun, prônant pour modèle le Hezbollah. Depuis l’assassinat d’Abou Mahdi al-Muhandis par les États-Unis d’Amérique le 3 janvier 2020, les KH sont entrées dans une nouvelle phase de radicalisation de leur action à la fois face aux Américains et face aux acteurs politiques irakiens qualifiés de pro-américains. Le nombre des combattants des KH est inconnu : certaines sources l’estiment à 30 000[57], d’autres à 7 000[58]. La réalité est probablement entre les deux. L’appartenance des KH à la théorie du Valayat el faqih (la « primauté du jurisconsulte ») de la République islamique d’Iran est d’une manière très évidente revendiquée par le groupe[59]. Très discret sur son organisation interne, le groupe constitue incontestablement une des forces miliciennes les plus opérationnelles en Irak. Forts du soutien des plus grands acteurs politiques chiites irakiens, forts également du soutien direct de l’Iran, les KH sont en mesure de menacer le président de la République et son Premier ministre dès qu’ils deviennent un obstacle dans le déploiement de leurs actions sur le terrain.
Enfin, l’organisation d’Asayib Ahl al-Haq (AAH) de Qais al-Khazali. Ce dernier est né en 1974 à Sadr City dans la banlieue de Bagdad. C’est dans l’école de la République qu’il commence sa scolarisation et c’est à Bagdad même qu’il entre à la faculté des sciences, département de géologie[60]. Sa socialisation religieuse viendra plus tard. En effet, avant l’assassinat de Muhammad Sadeq al-Sadr, le père de Moqtada, en 1999, le jeune Qais al-Khazali s’intègre à son séminaire et devient un de ses disciples les plus fidèles. En 2003, sous l’ordre de Moqtada al-Sadr, il forme, avec d’autres cadres de la tendance sadriste, l’armée du Mahdi et déclare la résistance à l’occupation américaine. Inspiré par une radicalité extrême, il se trouve aussitôt en situation de désaccord avec Moqtada al-Sadr et prend de la distance avec l’armée du Mahdi. En 2006 est annoncée son allégeance évidente et revendiquée à la théorie du valayat el faqih de la République islamique d’Iran et la même année, avec l’assistance des services iraniens, il forme l’AAH. Dès le départ, Qais al-Khazali devait gérer à la fois sa lutte contre la présence américaine, les organisations radicales sunnites adoptant le terrorisme contre les Chiites et surtout sa conflictualité très intense avec la tendance sadriste qui l’accusait de haute trahison[61]. En 2007, il a été arrêté par l’armée britannique à Bassora. En 2009, il a été libéré en échange de la libération des Britanniques pris en otage par l’AAH. Après le retrait des Américains en 2011, l’AAH entre dans le processus politique tout en gardant son organisation militaire. À partir de 2014, lors de la chute de Mossoul aux mains de Daech, l’AAH monte en puissance et des milliers de jeunes chiites choqués par les modes de comportement de Daech, encouragés par la fatwa de l’ayatollah Sistani sur le djiahd contre Daech[62], rejoignent l’AAH. La direction de l’AAH prend en charge non seulement leur intégration militaire, mais aussi leur intégration sociale, éducative et économique, elle fait de ces jeunes, souvent entre 14 et 26 ans, des disciples adeptes de la théorie de valayat el faqih, prêts à mourir pour un idéal incarné par le guide suprême de la révolution islamisme de l’Iran. C’est ainsi qu’en Syrie, l’AAH met environ 4 000 de ces jeunes radicalisés à la disposition des militaires iraniens engagés sur le terrain du combat[63]. Aujourd’hui, l’AAH représente, au côté de l’organisation Badr et des KH, un véritable pilier de l’axe de la résistance[64] en Irak
Les milices de la Marjaiyya
Le 13 juin 2014, seulement trois jours après la chute de Mossoul aux mains des djihadistes de Daech, le plus grand marja de Nadjaf, l’ayatollah Sistani émet une fatwa en appelant « les Irakiens à prendre les armes et à défendre l’Irak contre le groupe État islamique [65] ». En répondant positivement à cet appel, des centaines de cadres militaires appartenant idéologiquement, non pas à Qom, mais à Nadjaf, non pas à l’ayatollah Khamenei, mais à l’ayatollah Sistani, mettent en place des plateformes de recrutement de ces milliers de jeunes chiites qui ont manifesté leur volonté de se sacrifier pour sauver le pays des djihadistes de Daech. Ainsi, quatre grandes divisions ont été créées.
Tout d’abord, la division al-Abaas, dirigée par Mayssam al-Zaydi. Cette division dispose de 47 000 membres de combattants, d’employés des secteurs logistique et administratif. Parmi eux, il y a 7 000 militaires hautement qualifiés, formés et prêts à s’engager immédiatement dans le combat. Ces militaires détiennent des armes lourdes telles des chars, des hélicoptères de combat, des lance-roquettes très modernes et des drones. Des désaccords profonds sont structurellement installés entre le chef de cette division Mayssam al-Zaydi et les cadres dirigeants des milices pro-iraniennes de l’Organisation Badr, des KH et d’AAH. Au sein d’Hachd al-Chabi (« la Mobilisation populaire ») — une plateforme réunissant les différentes catégories de milices chiites — Mayssam al-Zaydi n’a jamais réellement accepté l’autorité et la domination d’Abou Mahdi al-Muhandis (1954-2020), de Hadi al-Ameri ou de Qais al-Khazali, car ils sont considérés comme des acteurs instrumentalisant la fatwa de l’ayatollah Sistani pour des objectifs dépassant le cadre fixé par la fatwa[66]. C’est pourquoi l’hypothèse d’une régularisation de leur conflit par une guerre « fratricide » n’est point exclue.
Ensuite, il y a la division de l’imam Ali, dirigée par le cheikh Tahir al-Khaqani. Quantitativement plus petite que la division al-Abbas, avec ses 7 000 combattants, la division de l’imam Ali est un acteur central dans le combat, au côté de l’armée irakienne et de l’Iraqi Special Operations Forces (ISOF), mieux connue sous le nom de la « Division d’Or[67] », contre les djihadistes de Daech. À la tête de ce groupe milicien, Tahir al-Khaqani, formé par le séminaire de l’ayatollah Sistani, est un religieux manifestant régulièrement sa volonté de respecter littéralement la fatwa de la Marjaiya, en se mettant au service de l’État irakien.
La brigade d’Ali al-Akbar et celle d’Ansar al-Marjaiya disposent chacune de 3 000 combattants, formés par les cadres militaires chiites de l’armée irakienne, majoritairement issus des provinces du Sud. L’État irakien prend en charge la totalité de l’armement des deux groupes et une partie du salaire des combattants. Le complément est directement versé par la trésorerie de la Marjaiya[68].
Dans l’absolu, le fait que la Marjaiya dispose d’organisations miliciennes pourrait être perçu comme un fait paradoxal, parce que la grande ligne de démarcation entre les ayatollahs de Qom et ceux de Nadjaf se trouve justement à ce niveau. Tandis que Qom adopte la théorie de valayat el faqih, qui permet une fusion totale du politique et du religieux, Nadjaf refuse catégoriquement cette théorie, en adoptant, à l’échelle du discours, l’approche quiétiste comme cadre de réflexion et d’action. Dans cette approche, le fait politique est conceptualisé comme le domaine de la trahison, du mal, de la corruption[69] et de la maltraitance, ce qui pourrait mettre en danger la crédibilité, la pertinence et la durabilité des institutions religieuses.
Or, dans le contexte irakien, les quiétistes sont dépassés par les exigences existentielles des situations conflictuelles et le maintien de la cohérence entre la réflexion et l’action, entre la théorie et la pratique est une mission presque impossible. De ce fait, les gardiens du temple de la Marjaiyya puritaine, non seulement interviennent régulièrement dans le domaine de la politique, mais aussi, pour un ensemble de raisons diverses, notamment la protection de l’institution de la Marjaiyya, recrutent des milliers de jeunes chiites dans des formations miliciennes. Ainsi, la Marjaiyya, malgré elle, participe très activement à l’intensification de la militarisation de la société irakienne, un processus refusé en bloc, toujours théoriquement, par les mêmes ayatollahs de la Marjaiyya.
Y a-t-il un risque de glisser, dans les interactions du contexte irakien, vers la théorie de valayat el faqih ? Est-ce qu’à un moment donné Sistani se trouvera dans l’obligation de se transformer en un Khomeiny irakien et de passer de la République irakienne à la République islamique d’Irak ? Nous ne le pensons absolument pas, car les conditions objectives locales, régionales et internationales ne permettent point une telle reconfiguration de la situation irakienne.
Les milices nationalistes
Entre les milices de valayat el faqih et celles de la Marjaiyya, il y a une troisième catégorie qui prend de la distance avec Ali Khamenei et Ali Sistani, sans être en rupture radicale avec eux. Nous qualifions cet idéal-type de milice, si nous employons la définition de Max Weber, de « nationalisme irakien ». À l’échelle du corpus théorique, cet idéal-type est construit comme un cadre d’action qui vise en priorité ce qu’Abdel Karim Kassem, le fondateur de la république irakienne en 1958, avait pour slogan, à savoir « l’Irak d’abord » ; un slogan censé représenter le principe régulateur de l’ « irakicité » des pratiques des acteurs miliciens qui y adhèrent.
Pour nous, le groupe milicien le plus significatif dans cette catégorie est certainement la branche armée de la mouvance sadriste, de l’Armée du Mahdi à Saraya as-Salam (SaS)[70]. En 2003, lors de l’occupation américaine de l’Irak, c’est au nom de ce nationalisme irakien que la branche armée de Moqtada Sadr annonce la résistance armée et conduit paradoxalement des combats contre ceux qui ont fait tomber celui qui a massacré son père et ses frères en 1999, à savoir Saddam Hussein. C’est également au nom de ce nationalisme qu’entre 2006 et 2008 cette branche armée participe très activement au nettoyage des Sunnites dans plusieurs villes irakiennes, dont Bagdad, car elle considérait ces Sunnites comme des terroristes ayant trahi la nation irakienne et ayant vendu leur âme au diable. En 2014, lorsque les djihadistes de Daech occupent Mossoul et plient les frontières entre l’Irak et la Syrie, la branche armée, au côté de l’armée irakienne, s’engage dans le combat et sacrifie ses meilleurs combattants dans la libération des villes irakiennes occupées par Daech.
Dans ses rapports de force avec les milices de valayat el faqih et celles de la Marjaiyya, la branche armée de Sadr n’hésite pas à utiliser la violence radicale. En 2003, les membres de la branche armée de Sadr assassine Abdel Majid Khui, un grand dignitaire chiite, très proche d’Ali Sistani. La même année, Sistani lui-même est assiégé chez lui, dans sa maison, par cette branche armée qui l’accuse d’« iranisme » et de collaboration avec les Américains, en lui demandant de « retourner en Iran dans les quarante-huit heures[71] ». Entre 2006 et 2014, nous constatons plusieurs confrontations militaires de cette branche avec l’Asayib Ahl al-Haq (AAH) de Qais al-Khazali, pendant lesquelles il y a eu des blessés et des morts[72].
En 2017, lorsque le Gouvernement régional du Kurdistan en Irak organise un référendum sur l’indépendance du Kurdistan, malgré le rejet de Bagdad, des pays du système régional et des grandes puissances mondiales, c’est toujours au nom du nationalisme irakien que la branche d’armée sadriste, au côté de l’armée irakienne et des autres organisations miliciennes, s’engage dans un combat sanglant avec les peshmergas à Kirkuk[73]. Ainsi, le nationalisme irakien est paradoxalement mobilisé comme argument pour légitimer la violence radicale contre les Irakiens (sunnites, chiites ou kurdes), ceux-là mêmes qui sont censés constituer le fond de ce nationalisme.
À l’échelle sociale, la branche armée sadriste diffuse une terreur généralisée au sein de la population afin d’imposer un système de codes, de normes et de règles religieuses, aussi strictes que celles formulées et imposées par les Talibans en Afghanistan ou par Daech à Mossoul. Les individus identifiés comme « déviants », « irrespectueux » ou encore « transgresseurs » par rapport à ce système peuvent être enlevés, incarcérés dans les prisons spécifiques de la branche armée, torturés ou tout simplement condamnés à mort.
Le rôle de la branche armée sadriste dans la répression du mouvement de contestation, déclenché le 1er octobre 2019, est désormais un fait reconnu par Moqtada lui-même. Dans plusieurs villes irakiennes, les « casquettes bleues » des SaS ont mobilisé une violence sans précédent contre les manifestants, qui étaient pourtant des civils. Cette violence provoque un si grand scandale que le chef Moqtada Sadr se voit dans l’obligation d’annoncer en personne la dissolution de ses « casquettes bleues[74] ».
Née d’une génération socialisée dans une relation fusionnelle avec son leader Moqtada Sadr, la branche armée (hier armée du Mahdi, aujourd’hui Saraya as-Salam (SaS), demain un autre nom) est constituée en grande majorité de jeunes qui adhèrent directement et sans se poser de question à l’héritage de la famille Sadr, représentée par un Moqtada dont la pensée et la personnalité hybrides forment un véritable phénomène d’une insaisissable complexité. Ce qui compte, c’est que la branche armée adopte aussitôt toutes les positions les plus contradictoires de Moqtada, sans jamais s’interroger sur leur sens, leur utilité et leur conséquence.
Conclusion : l’échec d’une expérience
Depuis 2003, les élites chiites passent de la marge d’une opposition qui a débuté avec la création de l’État irakien en 1921, au centre du pouvoir. Elles passent du statut d’une majorité exclue au statut d’une majorité dominante. Depuis 2003, elles ont l’État, elles sont l’État. Elles ont à leur disposition toutes les ressources du deuxième État le plus riche en pétrole au monde.
En 2003, elles reviennent au pays avec un grand stock de promesses de justice sociale, de répartition des richesses, de reconstruction, de mise en place de services publics très efficaces, de formation d’un système démocratique, d’ouverture sur le monde, d’élaboration d’une identité inclusive irakienne, de mise en place d’un contrat social et de transformation du pays en un havre de paix, de stabilité et de prospérité… Et tout cela devait donner l’envie, la vocation et la fierté de devenir irakien.
Sommes-nous devant le moment du bilan de la faillite ? Un retour sur toutes ces années d’expérience étatique des élites chiites démontre que l’écart entre ces promesses et la réalité du pays est tragiquement profond. Les élites chiites dominantes n’ont non seulement pas tenu leurs promesses, mais elles ont au contraire traité l’État irakien uniquement comme une source de revenus qui leur permet de renforcer leur base militante par la mise en place de réseaux clientélistes. Dans leur pratique, l’État n’est nullement considéré comme le cadre pacifié d’un vivre ensemble de citoyens disposant de singularités propres, mais plutôt comme un « butin » à partager entre elles[75].
Les Irakiens que nous interrogeons dans nos différentes enquêtes sont en situation de défiance totale par rapport aux élites dominantes et dirigeantes de l’État[76]. 93 % d’entre eux pensent que ces élites sont porteuses de communautarisme et leur thèse sur l’identité nationale et l’unification du pays n’a aucune crédibilité à l’échelle pratique. La majorité absolue des enquêtés démontre que ces élites, au lieu de construire un État de citoyens de droits, ont renforcé les structures tribales en les instrumentalisant et en les mettant au service de la réalisation d’objectifs partisans et sectaires. 84 % parmi les sondés pensent que ces élites, à dominante chiite, sont responsables de la destruction du système éducatif irakien et de la panne généralisée du système de l’enseignement universitaire.
Dans les provinces du Sud chiite, de 2003 à ce jour, les élites chiites n’ont pas encore démarré le processus de reconstruction d’un territoire détruit dans une interminable série de guerres et de violences : la guerre Iran-Irak (1980-1988), la guerre de libération du Koweït (1990-1991), le soulèvement des Chiites contre le régime de Saddam Hussein (1991), la période catastrophique de l’embargo (1990-2003). Bassora, Ammara, Nadjaf, Karbala et de nombreuses autres villes ressemblent à un champ de ruine, à une terre brulée.
Toute une nouvelle génération chiite, marginalisée, abandonnée, frustré, livrée à la rue, se trouve face à des injustices sociales, à l’absence totale de perspective d’emploi, de salaire, d’inclusion sociale et politique. La seule perspective durable et garantie qui s’offre à cette génération, c’est le marché des milices où le jeune défavorisé peut, sans grande difficulté, trouver une place et donc un salaire.
La « milicisation » de la société et la systématisation de la corruption — l’Irak fait toujours partie des pays les plus corrompus au monde — sont les deux marqueurs majeurs d’un univers post-Saddam Hussein, que les élites chiites, avec la complicité totale de certaines élites sunnites et kurdes, proposent à une base sociale qui ne partage probablement plus avec elles les mêmes valeurs, les mêmes rêves, les mêmes vocations, les mêmes codes. D’où l’émergence, depuis le 1er octobre 2019, d’un mouvement de contestation si fort, si puissant, à l’intérieur du territoire chiite, de la part de cette base sociale chiite, visant directement ces élites chiites au pouvoir, avec qui la situation de rupture structurelle s’est installée pour une longue durée[77].
Toutefois, l’échec de l’expérience étatique des élites chiites ne signifie nullement leur départ ou tout simplement leur affaiblissement. Au contraire, ces élites, fortes de leurs organisations miliciennes et riches des milliards de dollars de la systématisation de la corruption, disposent de moyens considérables pour rester et probablement s’imposer dans les rapports de force à toutes les oppositions, y compris le mouvement de contestation émergeant à l’intérieur de la maison chiite.
En l’absence d’une intervention militaire des puissances internationales comme celle de 2003 de la part des États-Unis d’Amérique, peu probable dans le contexte actuel, et en l’absence d’un projet politique inclusif, ce qui est totalement exclu au vu des pratiques des acteurs au pouvoir, l’Irak des élites chiites continuera à exister en tant qu’entité en suspens, en tant qu’État face aux démons de ses incertitudes et en tant que société poussée plus fort et plus vite vers la descente aux enfers.
Notes :
[1] Faleh A. Jabar, Le turban et l’Effendi, la sociologie des discours des mouvements de contestation, en langue arabe, éditions al-Jamal, Beyrouth, 2010, p. 16.
[2] Emma Nicholson, « Destruction et génocide dans les marais du Sud de l’Irak », in Chris Kutschera dir., Le Livre noir de Saddam Hussein, Oh ! Éditions, 2005, p. 279.
[3] Après l’assassinat du général iranien Qassem Soleimani et Abou Mehdi al-Mouhandis, numéro deux du Hachd al-Chaabi, le 3 janvier 2020, les députés chiites irakiens ont adopté le 5 janvier 2020 une résolution demandant à l’exécutif irakien la révision de l’accord militaire qui le lie aux États-Unis, en vue du départ des troupes américaines : https://bit.ly/2Q8qikj
[4] Michel Klen, « L’échiquier irakien », Études, 2003/7 (Tome 399), p. 17-26. DOI : 10.3917/etu.991.0017, https://www.cairn.info/revue-etudes-2003-7-page-17.htm
[5] Boris Le Chaffotec, « Les États-Unis et la promotion de la démocratie post-guerre froide. Une stratégie polymorphe », Les cahiers Irice, 2014/2 (n° 12), p. 74-88. DOI : 10.3917/lci.012.0074, https://www.cairn.info/revue-les-cahiers-irice-2014-2-page-74.htm
[6] « H.R.4655 – Iraq Liberation Act of 1998 », Congress, le 31 octobre 1998, https://www.congress.gov/bill/105th-congress/house-bill/4655/text/enr
[7] Le texte intégral de la déclaration finale du congrès en langue arabe : https://www.albayan.ae/one-world/2002-12-18-1.1366999
[8] Paul Bremer, My Year in Iraq: The Struggle to Build a Future of Hope, Threshold Editions, 2006, p. 20. Ce livre a été traduit en arabe par Amr al-Aioubi, éditions Dar al-Kitabl al-Arabi, 2006. Pour les citations, nous nous référons à cette édition arabe.
[9] Michel Klen, « L’échiquier irakien », Études, 2003/7 (Tome 399), p. 17-26. DOI : 10.3917/etu.991.0017, https://www.cairn.info/revue-etudes-2003-7-page-17.htm
[10] Ibid.
[11] Kamal Dib, Une brève histoire de l’Irak, en Arabe, éditions Dar al-Farabi, Beyrouth, 2012, p. 311.
[12] Pierre-Jean Luizard, « La communauté chiite, première victime de l’implosion de la société irakienne », Hérodote, 2007/1 (no 124), p. 118-154. DOI : 10.3917/her.124.0118, https://www.cairn.info/revue-herodote-2007-1-page-118.htm
[13] Bernadette Rigal-Cellard, « Le président Bush et la rhétorique de l’axe du mal. Droite chrétienne, millénarisme et messianisme américain », Études, 2003/9 (Tome 399), p. 153-162. DOI : 10.3917/etu.993.0153, https://www.cairn.info/revue-etudes-2003-9-page-153.htm
[14] « En Irak, libération des pro-Iran arrêtés pour des roquettes contre des Américains », La Croix, le 29 juin 2020, https://www.la-croix.com/En-Irak-liberation-pro-Iran-arretes-roquettes-contre-Americains-2020-06-29-1301102557
[15] Yahya al-Kubisi, « Quand l’État n’est pas en mesure de faire appliquer ses lois ! », en arabe, al-Quds al-Arabi, du 11 juin 2020, https://www.alquds.co.uk/
[16] « Un mois après les législatives irakiennes, le processus électoral menace de dérailler », Le Monde, du 11 juin 2018, https://www.lemonde.fr/moyen-orient-irak/article/2018/06/11/un-mois-apres-les-legislatives-irakiennes-le-processus-electoral-menace-de-derailler_5312896_1667109.html
[17] Kirk H. Sowell, « The Rise of Iraq’s Militia State », Carnegie, le 23 avril 2015, https://carnegieendowment.org/sada/59888
[18] Adel Bakawan, Agnès Levallois, « L’Irak pris en étau entre les États-Unis et l’Iran », conférence à l’iReMMO, le 5 février 2020, http://iremmo.org/rencontres/controverses/lirak-pris-en-etau-entre-les-etats-unis-et-liran/
[19] Alain Policar, « Pluralisme et neutralité de l’État », Revue du MAUSS, 2011/2 (n° 38), p. 485-497. DOI : 10.3917/rdm.038.0485, https://www.cairn.info/revue-du-mauss-2011-2-page-485.htm
[20] Adel Bakawan, « De l’impasse politique à la crise sanitaire : l’Irak face au Covid-19 », Le CAREP Paris, Le 23 avril 2020. https://www.carep-paris.org/publications/analyses-politiques/de-limpasse-politique-a-la-crise-sanitaire-lirak-face-au-covid-19/
[21] AFP, « L’Irak a un an pour réformer son économie sous peine de choc irréversible », La Croix, le 22 juin 2020, https://www.la-croix.com/L-Irak-reformer-economie-peine-choc-irreversible-ministre-AFP-2020-06-22-1301101256
[22] Adel Bakawan, « Daech renaîtra-t-il de ses cendres ? », Institut de Recherche et d’Études Méditerranée Moyen-Orient, le 29 novembre 2019. http://iremmo.org/publications/analyses/daech-renaitra-t-il-de-ses-cendres/.
[23] Les élites chiites utilisent régulièrement l’expression « al-bait al chii (la maison chiite) », https://www.almarjie-paris.com/14424
[24] « L’autorité religieuse collégiale chiite », Pierre-Jean Luizard, Chiites et sunnites. La grande discorde : en 100 questions, éditions Tallandier, 2017, p. 613.
[25] Sabah Nahi, « Qui remplacera Sistani ? », en arabe, Independent Arabia, le 23 janvier 2020, https://www.independentarabia.com/
[26] Voir son intervention sur sa vision de la politique, mise en ligne le 4 décembre 2012. Dans cette vidéo, nous remarquons bien son accent afghan : https://www.youtube.com/watch?v=4esjpTbOpi0
[27] Pour les éléments biographiques voir son site officiel : http://alfayadh.org/
[28] « Le concept d’imitation ou de conformisme appartient en particulier à l’appareil conceptuel des sciences légales musulmanes où il se définit le plus souvent comme l’acceptation d’une doctrine sans en connaitre la preuve. La personne qui adopte cette attitude est appelée muqallid (« conformiste »). » Mohammad Ali Amir-Moezzi, dir., Dictionnaire du Coran, Éditions Robert Laffont, 2007, p. 416.
[29] Pour les éléments biographiques voir son site office : http://www.alnajafy.com/list/mainnews-1-444-1.html
[30] Pour des détails plus approfondis sur sa biographie, voir : http://www.alhakeem.com/ar/page/1
[31] Taha Muhammad Yassin, « L’avenir des rapports de force entre les forces chiites », en kurde, Revue Ayndenasi, Irak, GRK, n° 1, mai 2020.
[32] Les détails de la biographie d’Ali Sistani sont disponibles en plusieurs langues sur son site officiel : https://www.sistani.org
[33] Mehdi Khalaji, « La décadence idéologique de la République islamique », Les Cahiers de l’Orient, 2010/4 (N° 100), p. 69-75. DOI : 10.3917/lcdlo.100.0069, https://www.cairn.info/revue-les-cahiers-de-l-orient-2010-4-page-69.htm
[34] Khattar Abou Diab, « La dimension religieuse du conflit irakien », Revue internationale et stratégique, 2005/1 (N° 57), p. 135-143. DOI : 10.3917/ris.057.0135, https://www.cairn.info/revue-internationale-et-strategique-2005-1-page-135.htm
[35] Hebatalla Taha, Clément Therme, « Les groupes chiites en Irak : enjeux nationaux et dimensions transnationales », Politique étrangère, 2017/4 (Hiver), p. 29-40. DOI : 10.3917/pe.174.0029, https://www-cairn-info.ezproxy.universite-paris-saclay.fr/revue-politique-etrangere-2017-4-page-29.htm
[36] Peu avant l’annonce de la démission du premier ministre, le 29 novembre 2019, l’ayatollah Ali Sistani, avait appelé le Parlement, dans son sermon du vendredi, à retirer sa confiance au gouvernement. « En Irak, le premier ministre Adel Abdel Mahdi annonce sa démission », Le Monde, du 29 novembre 2019, https://www.lemonde.fr/international/article/2019/11/29/en-irak-l-ayatollah-ali-sistani-appelle-le-parlement-a-retirer-sa-confiance-au-gouvernement_6021024_3210.html
[37] Dans un entretien avec la chaine al Sharqiya, le 24 février 2020, Moqtada affirme que sans lui aucun gouvernement irakien pourrait se constituer et il est parfaitement en mesure de bloquer n’importe quel projet de l’État s’il le souhaite. Entretien consultable sur : https://www.youtube.com/watch?v=Dz1f95ER854
[38] Peter Harling, Hamid Yassin Nasser, « 11. La mouvance sadriste : lutte de classes, millénarisme et fitna », dans : Sabrina Mervin éd., Les Mondes chiites et l’Iran, Paris, Editions Karthala, « Hommes et sociétés », 2007, p. 267-286. DOI : 10.3917/kart.mervi.2007.01.0267, https://www.cairn.info/les-mondes-chiites-et-l-iran–9782845868885-page-267.htm
[39] Marius Lazar, « Bassora : géopolitique d’une région chiite », Hérodote, 2008/3 (n° 130), p. 76-111. DOI : 10.3917/her.130.0076, https://www.cairn.info/revue-herodote-2008-3-page-76.htm
[40] Paul Bremer, My Year in Iraq: The Struggle to Build a Future of Hope, Threshold Editions, 2006. p. 20.
[41] Pierre-Jean Luizard, « Les organisations combattantes irrégulières des chiites d’Irak », Stratégique, 2013/2 (N° 103), p. 93-118. DOI : 10.3917/strat.103.0093, https://www.cairn.info/revue-strategique-2013-2-page-93.htm
[42] Adel Bakawan, « Le mouvement de contestation en Irak : acteurs, paradigmes, perspectives », Revue Moyen-Orient, n°46, avril 2020.
[43] Voir : Frederic Millier, Agnes Vandome, John McBrewster (dir.) Muhsin al-Hakim, Alphascript Publishing, 2010.
[44] « H.R.4655 – Iraq Liberation Act of 1998 », Congress, le 31 octobre 1998, https://www.congress.gov/bill/105th-congress/house-bill/4655/text/enr
[45] Yassin Taha Muhammad, « L’avenir des rapports de force entre les forces chiites », en kurde, Revue Ayndenasi, Irak, GRK, n°1, mai 2020.
[46] Rashid al-Khayoun, 100 ans d’islam politique en Irak : chiites, en arabe, éditions al-Mesbar Studies and Research Centre, Dubaï, 2011, pp. 171-181.
[47] Kholoud Ramzi, « The Da’wa Party’s Bumpy Path», Niqash, le 6 juin 2008, https://www.niqash.org/en/articles/politics/2225/The-Da%E2%80%99wa-Party%E2%80%99s-Bumpy-Path.htm
[48] Sadiq al-Taiy, « Les Chiites d’Iak : le Parti Dawa de l’opposition au pouvoir », en arabe, al-Arabi 21, le 28 octobre 2018, https://arabi21.com/story/1218588/
[49] Taha Muhammad Yassin, « L’avenir des rapports de force entre les forces chiites », en kurde, Revue Ayndenasi, Irak, GRK, n° 1, mai 2020.
[50] Pierre Astié, Dominique Breillat, Céline Lageot, « Repères étrangers. (1er avril – 30 juin 2010) », Pouvoirs, 2010/4 (n° 135), p. 195-206. DOI : 10.3917/pouv.135.0195, https://www.cairn.info/revue-pouvoirs-2010-4-page-195.htm
[51] Toby Dodge, « The Resistible Rise of Nuri al-Maliki », Open Democracy, le 20 mars 2012, https://www.opendemocracy.net/en/resistible-rise-of-nuri-al-maliki/
[52] Mahmoud Barakat, « Who is Iraq’s new premier al-Kadhimi ? », Agence Anadolu, le 7 mai 2020, https://www.aa.com.tr/en/middle-east/profile-who-is-iraqs-new-premier-al-kadhimi/1832404
[53] Salaam Yousif, « Le déclin de l’intelligentsia de gauche en Irak », Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée, 117-118 | 2007, 51-79, https://journals.openedition.org/remmm/3281
[54] Harith al-Dabbagh, « La débaathification en Irak : justice transitionnelle ou simple vengeance ? » In : Revue Québécoise de droit international, volume 27-1, 2014, pp. 31-60, https://www.persee.fr/doc/rqdi_0828-9999_2014_num_27_1_1359
[55] Paul Bremer, My Year in Iraq: The Struggle to Build a Future of Hope, op. cit., p. 75.
[56] « Kataeb Hezbollah : sa nature et son soutien », en arabe, BBC arabic, le 26 juin 2020, https://www.bbc.com/arabic/middleeast-50945835
[57] Taha Hebatalla, Clément Therme, « Les groupes chiites en Irak : enjeux nationaux et dimensions transnationales », Politique étrangère, 2017/4 (Hiver), p. 29-40. DOI : 10.3917/pe.174.0029, https://www-cairn-info.ezproxy.universite-paris-saclay.fr/revue-politique-etrangere-2017-4-page-29.htm
[58] « Kataeb Hezbollah : sa nature et son soutien », en arabe, BBC arabic, le 26 juin 2020, https://www.bbc.com/arabic/middleeast-50945835
[59] Voire le site officiel des KH : https://kataibhezbollah.com/
[60] Salih Hamid, « Qui est Qais al-Khazali ? » en arabe, al-Arabiya, le 20 mai 2020, https://www.alarabiya.net/ar/iran/2017/12/11/
[61] « La formation des milices irakiennes », en arabe, Middle East Online, le 2 mars 2016, https://middle-east-online.com/
[62] Loulouwa al-Rachid, « L’Irak après l’État islamique : une victoire qui change tout ? », Notes de l’Ifri, juillet 2017, https://www.ifri.org/fr/publications/notes-de-lifri/lirak-apres-letat-islamique-une-victoire-change
[63] Salih Hamid, « Qui est Qais al-Khazali ? » en arabe, al-Arabiya, le 20 mai 2020, https://www.alarabiya.net/ar/iran/2017/12/11/
[64] Sur l’axe de la résistance, voire : Mauriello Raffaele, « L’État islamique et la République islamique d’Iran Jihadisme et jihad au Moyen-Orient », Outre-Terre, 2015/3 (N° 44), p. 342-353. DOI : 10.3917/oute1.044.0342, https://www.cairn.info/revue-outre-terre2-2015-3-page-342.htm
[65] Hayder al-Khoei, « Entre militantisme chiite et influence iranienne », Les Cahiers de l’Orient, 2016/1 (N° 121), p. 55-66. DOI : 10.3917/lcdlo.121.0055,https://www-cairn-info.ezproxy.universite-paris-saclay.fr/revue-les-cahiers-de-l-orient-2016-1-page-55.htm
[66] Sur le contenu et le sens de cette fatwa, voire : Luay al-Khatteeb et Abbas Kadhim, « What do you know about Sistani’s fatwa », Huffington Post, 10 juillet 2014, https://bit.ly/31evAAW
[67] Sur cette Division d’or voire notamment Hélène Sallon, « La Division d’or, un modèle pour l’armée irakienne », Le Monde, le 27 décembre 2017, https://www.lemonde.fr/international/article/2017/12/27/la-division-d-or-un-modele-pour-l-armee-irakienne_5234760_3210.html
[68] « Will Pro-Sistani and pro-Iran ‘popular mobilization units’ Split ? », L’Emirates Policy Center (EPC), le 30 mai 2020, https://epc.ae/brief/iraq-will-pro-sistani-and-pro-iran-popular-mobilization-units-split
[69] Pierre-Jean Luizard, « La communauté chiite, première victime de l’implosion de la société irakienne », Hérodote, 2007/1 (no 124), p. 118-154. DOI : 10.3917/her.124.0118, https://www.cairn.info/revue-herodote-2007-1-page-118.htm
[70] Camille Verleuw, « Le chiisme paramilitaire. Menace stratégique oubliée ou occultée », Sécurité globale, 2017/2 (N° 10), p. 35-157. DOI : 10.3917/secug.172.0035, https://www-cairn-info.ezproxy.universite-paris-saclay.fr/revue-securite-globale-2017-2-page-35.htm
[71] Pierre-Jean Luizard, « Les organisations combattantes irrégulières des chiites d’Irak », Stratégique, 2013/2 (N° 103), p. 93-118. DOI : 10.3917/strat.103.0093, https://www.cairn.info/revue-strategique-2013-2-page-93.htm
[72] Taha Muhammad Yassin, « L’avenir des rapports de force entre les forces chiites », en kurde, Revue Ayndenasi, Irak, GRK, n° 1, mai 2020.
[73] Voir : Adel Bakawan, L’impossible État irakien, les Kurdes à la recherche d’un État, édition l’Harmattan, Paris, 2019.
[74] « Irak : Sadr dissout ses « casquettes bleues », tente de renouer avec les manifestants », AFP, le 11 février 2020, https://www.la-croix.com/Monde/Irak-Sadr-dissout-casquettes-bleues-tente-renouer-manifestants-2020-02-11-1301077680
[75] Azmi Bishara, La secte, le sectarisme, les communautés imaginées, en arabe, éditions Arab Center for Research and Policy Studies, Doha, 2018, pp. 728-755.
[76] Le Centre de sociologie d’Irak a réalisé une enquête sur l’identité nationale en Irak entre le 1er septembre et le 8 octobre 2019. De Bassora à Erbil, 350 individus ont répondu à 125 questions proposées par les enquêteurs.
[77] Sur ce mouvement de contestation, voir notre conférence : « Irak : révolution ou mouvement social ? Logiques d’un soulèvement », le CAREP Paris, le 21 janvier 2020, https://www.carep-paris.org/evenements/soirees/rencontre-avec-adel-bakawan-irak/