Recension de l’ouvrage d’Ahmed Qasem Hussein
par Yasmine Ben Ammar
La formation de l’Union européenne n’a pas toujours été de tout repos. Cette organisation s’est constituée en rassemblant différents peuples et nations que la guerre a pourtant plusieurs fois opposés. Le chercheur Ahmed Qasem Hussein étudie dans son ouvrage L’Union européenne et la région arabe : les problématiques structurelles d’un point de vue réaliste le parcours d’intégration européenne en insistant sur les questions essentielles permettant de comprendre les orientations des politiques européennes communes. Nombre d’ouvrages se sont déjà penchés sur la question de la construction européenne et ses politiques d’intégration, néanmoins, l’originalité de ce livre est de présenter les liens entre les mécanismes européens d’assimilation et les politiques menées à destination du monde arabe.
L’ouvrage comporte deux grandes parties. La première aborde les racines du processus d’intégration européenne depuis la Première Guerre mondiale jusqu’à la création de l’Union européenne, ainsi que les accords complémentaires ayant précédé ou suivi cette création. La seconde partie traite, quant à elle des relations entre l’Union européenne et le monde arabe à travers quatre chapitres s’articulant autour de quatre thématiques clés jugées primordiales dans le façonnement des relations multilatérales entre l’UE et les pays du monde arabe : la démocratie, la question palestinienne, la crise du Golfe et la question de l’immigration irrégulière.
Dans un premier temps, l’auteur analyse l’émergence de l’idée même de rassembler l’Europe sous une entité commune après la Première Guerre mondiale ainsi que les raisons qui ont poussé les pays européens à construire des politiques communes, notamment en matière d’économie et de sécurité. Il aborde également les différentes visions – fédérale ou souverainiste – qui ont façonné l’Europe d’aujourd’hui et revient sur les processus de créations des institutions européennes.
Dans un deuxième temps, Ahmed Qasem Hussein examine l’UE sous l’angle de la réglementation des traités qui la caractérisent. Il passe ainsi en revue les accords de Maastricht, puis les traités d’Amsterdam, de Nice ou encore de Lisbonne.
Enfin, dans le dernier chapitre de cette première partie, l’auteur analyse la question de l’intégration régionale européenne en se basant sur les apports de l’École réaliste dans le domaine des relations internationales, sur ses différents courants de pensée et son interprétation des phénomènes mondiaux, des alliances économiques et militaires au sein et en dehors des organisations internationales.
Après une première partie consacrée aux institutions européennes, à leur réglementation et leur mécanisme d’intégration, l’auteur s’attelle, dans la deuxième partie, à ce qui fait le cœur de sa problématique, à savoir la politique de l’Europe et ses relations avec le monde arabe. Il y interroge la stratégie européenne dans le monde arabe en matière de soutien à la démocratie, ainsi que sa politique envers les dynamiques de transition des systèmes autoritaires vers des systèmes démocratiques, qui sont, selon le chercheur, une pierre angulaire du discours extérieur commun européen à l’égard des pays arabes. L’auteur revient notamment sur trois projets européens communs : le Sentier de Barcelone en 1995, la politique européenne de voisinage et le projet visant à soutenir le partenariat, la réforme et la croissance inclusive en 2011 après les printemps arabes.
Ahmed Qasem Hussein, L’Union européenne et la région arabe : les problématiques structurelles d’un point de vue réaliste [en arabe], Doha, ACRPS, 2021, 432 p.
Ahmed Qasem Hussein
Chercheur de l’ACRPS et rédacteur en chef de la revue Siyasaat Arabiya. Auparavant, Professeur adjoint de sciences politiques à l’Université de Damas. Il a obtenu un doctorat en relations internationales de l’Université de Florence, en Italie. Ses centres de recherche portent sur les théories des relations internationales. Il est l’auteur de Le boycott d’Israël comme stratégie : réalité et ambitions et La guerre de juin 1967 : parcours et implications, publiés par l’ACRPS en arabe.
Ahmed Qasem Hussein évoque dans le premier chapitre de la seconde partie l’approche de l’Union européenne de la question palestinienne, ainsi que l’évolution à travers le temps de son positionnement vis-à-vis du conflit israélo-palestinien. Selon le chercheur, il existe une rupture historique au tournant des années 1990 avec le régime de l’après Seconde Guerre mondiale, puisque l’UE a cessé d’appliquer de “la diplomatie du pion” comme par le passé en suivant les orientations américaines, et l’a démontré par l’adoption de positions qui répondent aux intérêts européens. L’auteur analyse notamment le rôle de l’Union dans le processus de paix entre les États arabes impliqués dans le cadre du partenariat euro-méditerranéen et Israël.
Hussein explique par la suite comment l’Union européenne, dans le cadre de ses institutions, a adopté un rôle de renforcement de ses efforts diplomatiques afin de résoudre la crise du Golfe afin d’éviter d’élargir son cercle, au détriment de la politique des intérêts économiques et de sécurité de ses États membres.
Enfin, dans le dernier chapitre de la partie consacrée au monde arabe, l’auteur traite de la question de l’immigration depuis la rive sud de la Méditerranée. Il insiste notamment sur l’immigration irrégulière à partir de la Libye vers les frontières de l’Union. Le chercheur y évoque deux facteurs qui régissent les approches de l’Union européenne face au phénomène de l’immigration régulière ou irrégulière : le premier est le déclin démographique dans les pays de l’Union et la nécessité de combler cela en s’appuyant sur des immigrés expérimentés et compétents ; le second est le lien entre le phénomène migratoire et les défis sécuritaires, économiques et sociaux. Hussein revient également sur la série d’accords et de réglementations communes en matière de gestion de la migration qui ont contribué à l’unité et à la cohésion de l’Union et qui reflètent cependant les intérêts parfois contradictoires des pays membres.
Comprendre la politique européenne envers le monde arabe et ses choix stratégiques sur les dossiers principaux touchant l’économie, la société et les enjeux démocratiques des pays de la région, requiert une connaissance approfondie de l’histoire des traités, des mécanismes de décision et des réglementations communes. C’est chose faite grâce à cette étude, bien documentée et riche en sources. Elle a le mérite de poser d’emblée une vision de la structure européenne et d’examiner, analyses à l’appui, ses relations avec le monde arabe.