01/04/2024

Égypte : culture et identité

couverture livre Egypte

L’Arab Center for Research and Policy Studies (Centre arabe, Doha) vient de publier : Égypte : culture et identité, rédigé par Khalid Ziyada. Les neuf chapitres de ce livre offrent une analyse de la politique égyptienne et sa relation avec les mouvements intellectuels depuis le début du XIXe siècle jusqu’au déclenchement de la révolution du 25 janvier 2011. Il décrit l’ouverture de la culture et des intellectuels égyptiens aux idées universelles, l’impact de ces idées sur leurs pensées et sur la formation des nouveaux courants. Il montre aussi la manière dont ces intellectuels se sont approprié ou ont réfuté ces idées, pour façonner ce qu’ils estimaient devoir être « l’identité culturelle égyptienne ». En adoptant une démarche historique, l’auteur montre la relation entre l’intellectuel et le pouvoir tout au long des changements de régimes successifs en Égypte. Khalid Ziyada brosse ainsi le portrait de l’intellectuel en Égypte et l’évolution de son statut depuis le XIXe siècle, et ce, par le biais d’une série de questions sur son indépendance vis-à-vis de la politique, l’évolution de son rôle à travers les époques, sa contribution à la construction de l’État et à la définition de l’identité nationale. Il soulève des interrogations sur l’impact de l’engagement politique et social de l’intellectuel. Initialement, le terme « intellectuels » désignait ceux formés à la culture occidentale à travers des missions éducatives en Europe au XIXe siècle, menant à des avancées significatives dans les domaines militaire et administratif en Égypte.

L’ouvrage traite ensuite du modernisme et de son impact sur les mouvements intellectuels. Le modernisme dans le monde arabe s’est développé en trois grandes phases : initialement, la phase de renouveau au XIXe siècle, axée sur les réformes ; puis, une phase de recherche d’indépendance marquée par le nationalisme et le libéralisme ; enfin, une période de consolidation étatique. Les intellectuels, influencés par l’Occident, ont joué un rôle crucial dans ces transformations, œuvrant pour intégrer la culture et les institutions européennes, dans le but de moderniser les structures militaires, judiciaires et éducatives arabes.

L’expérience égyptienne du XIXe siècle, s’étendant, quant à elle, du règne de Mohamed Ali Pacha (1769-1849) à celui du Khédive Ismaïl (1830-1895), a conduit à l’émergence de trois forces principales qui ont joué un rôle déterminant dans le développement du nationalisme égyptien. Ces forces incluent la formation d’une armée régulière, qui a profondément modifié la relation entre les Égyptiens et leur gouvernement, la création d’une bureaucratie administrative, et l’émergence d’une classe de propriétaires terriens en raison des législations promulguées, en particulier sous le règne du Khédive Ismaïl. Ensemble, ces éléments ont favorisé l’apparition de l’idée constitutionnelle, affirmant l’Égypte comme un État souverain indépendant, et ont ainsi contribué à la formation de l’identité nationale égyptienne.

Enfin, le livre met en avant les figures marquantes de la culture en Égypte, depuis Rifa’a al-Tahtawi[1] avec ses nombreuses contributions dans les domaines de l’éducation, du nationalisme et de l’histoire, jusqu’aux écrivains et auteurs qui ont fait de l’Égypte un leader culturel arabe, dont les œuvres se répandaient à travers tous les pays arabes. Toutefois, dès les années 1960, l’Égypte a progressivement commencé à perdre son influence culturelle. Ce déclin est notamment dû au régime de Juillet qui a coupé les ponts avec la culture occidentale et a imposé une censure sur la scène culturelle, entraînant l’isolement des intellectuels et réduisant leur influence dans le monde arabe. L’État, se prétendant autosuffisant en matière de développement, s’est détourné des intellectuels, dont les fonctions étaient désormais dictées par des institutions étatiques, elles-mêmes gérées, financées et surveillées par l’État.

En évoquant la rupture libérale et l’avènement du nationalisme nassérien pendant les années 1960, l’auteur souligne l’instauration de la censure et l’effondrement de la liberté intellectuelle.

[1] Rifa’a Rafi al-Tahtawi (1801 – 1873) est un auteur et réformateur égyptien. Il est considéré comme l’un des pionniers de la Nahda ou « renaissance » à la fois littéraire, politique, culturelle et religieuse que traverse le monde arabe au XIXe siècle. Son principal ouvrage, L’Or de Paris paru en 1834 est considéré comme l’un des livres phares de cette période de la Renaissance arabo-islamique.

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Khalid Ziyada, Égypte : culture et identité. Doha, ACRPS, 2024, 256 p.

Khalid Ziyada

Khalid Ziyada (1952- ) est professeur et chercheur en histoire culturelle et sociale, il a occupé le poste d’ambassadeur du Liban en Égypte, et de représentant permanent auprès de La Ligue des États arabes. Il est actuellement le directeur du Centre arabe de recherche et d’études politiques à Beyrouth. Parmi ses ouvrages, on peut citer : Les Musulmans et la Modernité Européenne (2017), L’armée et la politique dans la phase de transition démocratique dans le monde arabe (2019), Le secrétaire du Sultan (2020), Révolution du 17 octobre au Liban : places et témoignages (2022).