18/07/2024

Élection présidentielle en Mauritanie :

une fenêtre d’opportunité dans un contexte géopolitique fragmenté ?

Par Mohamed Mahmoud Maloum
photo Mauritanie drapeau

Sans véritable enjeu national, le scrutin présidentiel en Mauritanie suscite pourtant l’intérêt des acteurs allogènes (sous-régionaux et internationaux).

La guerre d’Ukraine a poussé l’Europe à rechercher une alternative au gaz russe bon marché. Le Sénégal et la Mauritanie partagent un immense champ gazier, ce qui pourrait constituer, en partie, une alternative pour l’Europe et une bouffée d’oxygène pour l’économie exsangue de ces deux pays.

De plus, le conflit entre les deux voisins du nord, l’Algérie et le Maroc (sur fond de l’affaire du Sahara occidentale et des relations du Maroc avec le Mossad israélien), le « recul » de l’influence de la France dans son ancien « pré-carré » du Sahel et l’irruption en force de nouveaux acteurs géostratégiques comme la Russie, accentuent la pression sur une Mauritanie, déjà très fragile socialement et économiquement.

Face à ces enjeux nationaux, sous-régionaux et globaux, l’État-nation mauritanien, encore en construction, peine à asseoir une cohésion nationale, une bonne gouvernance démocratique et un développement pérenne.

Bref aperçu sociohistorique

La Mauritanie, au territoire majoritairement saharien, voisine du Sénégal mais souvent considérée comme partie intégrante du Maghreb, est un trait d’union entre l’Afrique du Nord et l’Afrique subsaharienne. Sa population reflète cette double appartenance ethnique, d’« arabo-berbère » (Maures et Harratines, anciens esclaves issus d’Afrique noire), ainsi que « négro-africaine [1]» (Soninkés, Peuls, Wolofs ou Bambaras). La colonisation française avait artificiellement construit ce territoire aux populations disparates, pour des raisons stratégiques : éviter que l’Angleterre s’y installe et ainsi couper le « continuum » géographique entre les départements de l’Algérie et le protectorat du Maroc d’un côté, et les colonies du Sénégal et de l’Afrique occidentale française (AOF)[2].

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Mohamed Mahmoud Maloum

Journaliste et chercheur en géopolitique, Mohamed Maloum a également été conseiller du président tunisien Moncef Marzouki.

En 1960, lorsque la République islamique de Mauritanie proclame son indépendance, il reste à édifier un État, puis une nation et une économie. Mokhtar Ould Daddah, premier président civil, s’y attellera cependant, le conflit du Sahara occidental (1975-1978) prépara le lit d’un putsch militaire en 1978. Ainsi, un « ordre kaki » se met en place jusqu’en 1992, date où les « généraux » troquent leurs treillis contre des « costumes » civils, sans rien changer à la réalité du mode de gouvernance autoritaire.

Un « vernis démocratique » ? : l’analyse contextualisée d’une scène politique polarisée

Depuis l’élection présidentielle de 1992, faisant suite au sommet de la Baule[3], la « démocratie » mauritanienne se cherche. Celle-ci incapable de remplir les deux principaux objectifs de la démocratie : la transition pacifique du pouvoir et une gouvernance efficiente, pour des raisons socio politiques et économiques complexes. D’abord, une alliance entre des acteurs politiques autour d’intérêts clientélistes : un puissant lobby mis en place par l’État (qui est partial dans le processus électoral), constitué d’hommes d’affaires, de hauts gradés de l’armée, de personnalités dotées d’un capital symbolique religieux ou social, verrouille systématiquement l’issue des élections présidentielles quel que soit l’expérience, la personnalité ou la compétence du candidat qu’ils présentent. A cette fin, ils utilisent des méthodes  illégales (d’après le code électoral ) comme  les initiatives politiques tribales, les  dons massifs de personnes physiques ou morales,  en passant par l’achat de consciences d’électeurs, l’intimidation des agents de l’État et l’instrumentalisation électorale des structures étatiques dédiées à l’aide sociale comme la Délégation Générale à la Solidarité Nationale et à la Lutte contre l’Exclusion (Taazur) ou le Commissariat à la Sécurité Alimentaire (CSA) pour mobiliser, sous la contrainte, les populations pauvres bénéficiaires. Dans un tel système politique de type clientéliste, des éléments de la démocratie libérale formelle sont combinés aux pratiques d’un pouvoir semi-autoritaire. Un système politique « hybride[4] » où le régime autorise les libertés publiques (politique, médiatique et associative) mais par le truchement de mécanismes antidémocratiques, rendant l’alternance politique pacifique quasi impossible par le vote.

Cette « autocratie électorale » se caractérise par les institutions démocratiques sont factices et adhésion à des méthodes autoritaires. Des élections régulières sont organisées, mais elles n’atteignent pas les normes démocratiques de liberté et d’équité.

Depuis 1992 et pour pérenniser, son pouvoir, le “régime” en situation de « double contrainte (double bind)[5] doit à la fois nourrir et rendre institutionnellement possible les espérances d’alternance démocratique qu’il cherche pourtant à neutraliser par ses réseaux clientélistes. Ce modèle pourrait être qualifié, de « démocratie de façade[6] ». Les libertés politiques (élections démocratiques, débats publics…) semblent y faire bon ménage avec des éléments autoritaires d’un pouvoir d’apparence civil, exercé en réalité par l’armée.

La tenue d’élections présidentielles tous les cinq ans, va de pair avec l’acceptation par les élites d’un pouvoir prétorien par la fraude indirecte comme la partialité de l’appareil de l’état (ministres, walis, préfets, agents de l’état) et la fraude technique directe (qui devient de plus en plus limité depuis l’instauration d’un fichier électoral biométrique).

Ainsi, d’une part, des textes officiels théoriques inspirés des conventions internationales de l’ONU (comme la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 (DUDH), celles des droits socio-économiques de 1966, en passant par la Convention contre la torture et les traitements inhumains et dégradant de 1984) et, d’autre part, la pratique de la fraude, la corruption et le déni des droits humains, cohabitent dans le même espace politique.

Cette « démocratie de façade » a été rendue possible par un contexte socio-tribal et ethnique polarisé, qui tolère, voire encourage des phénomènes comme le « nomadisme politique », la flagornerie et le détournement de biens publics.

« Le nomadisme politique » peut s’expliquer par divers facteurs :

L’héritage colonial : le projet d’État moderne actuel, étant un legs de l’époque coloniale, demeure dans l’inconscient collectif comme une entité froide, inspirant à la fois la crainte (pour ses opposants) et l’intérêt (pour ses soutiens).

La fréquence des Coups d’État : depuis 1978, une dizaine de tentatives, réussies ou non, ont instillé un sentiment général d’instabilité politique chronique, incitant les acteurs politiques à s’adapter sans cesse à une situation par essence précaire. Les régimes « démocratiques » à faible capacité étatique abritent une part disproportionnée de coups d’État militaires et des rivalités entre groupes linguistiques, religieux ou ethniques.

Facteurs économiques : les opportunités économiques limitées dues à l’environnement désertique et hostile et à la prédation des maigres ressources de l’État, poussent les acteurs à s’allier avec les factions de « l’État profond » pour obtenir des avantages matériels.

Facteurs Sociologiques : la culture politique en Mauritanie est profondément marquée par le clientélisme, incitant ainsi les acteurs à changer de camp pour accéder aux ressources.

Enfin, l’affaiblissement des partis politiques porteurs de projets inspirés d’idéologie, comme les progressistes de l’Union des forces de progrès (l’UFP), les nationalistes arabes (nassériens et baathistes), ont désormais cédé la place aux initiatives politiques tribales (en dépit de l’interdiction par le code électoral) par des personnalités dotées de capital économique et symbolique, dont l’assise politique est basée sur des liens politiques de type primordiaux. Ces personnalités avec la bénédiction de l’administration territoriale peuvent « privatiser » des bureaux de votes ou le score du candidat soutenu par l’État dépasse souvent les quatre-vingt-dix pour cent.

Donc, la compétition électorale devient une simple opération « folklorique » cyclique qui n’offre aucune réelle perspective d’alternance au sommet de l’État. Tant sont bien maîtrisés les réseaux indispensables à la conquête d’un pouvoir tenu par une « oligarchie » reposant sur une alliance entre trois des principaux acteurs du contrôle social : les hauts gradés de l’armée, les chefferies traditionnelles, les hommes d’affaires. La pérennité de ce régime « néo-patrimonial[7] » (dans le sens de Jean-François Médard) dans un environnement culturel empreint de patriarcat, de hiérarchie et de clivage ethno-tribal, devient difficile à modifier sans passer par une profonde révolte citoyenne et politique.

Dans un tel contexte, l’immixtion d’acteurs géopolitiques externes est-elle susceptible de constituer un facteur de changement ou de déstabilisation d’un équilibre politique interne fondé sur l’intériorisation du geste démocratique de façade ?

Au cœur des nouveaux enjeux géopolitiques, géostratégiques et énergétiques ?

 L’enjeu géopolitique du Maghreb

Cette élection survient dans un contexte géopolitique tendu entre les deux voisins du Nord, l’Algérie et le Maroc, éternels rivaux régionaux. En plus de leurs rivalités historiques sur la question du Sahara occidentale et de l’accès de l’Algérie à l’océan Atlantique, ils sont désormais engagés dans deux mégaprojets de gazoduc concurrents, les reliant au Nigeria, en ciblant le juteux marché européen désormais privé de gaz russe. Le plus récent est le gazoduc Nigeria-Maroc (NMGP), long d’environ 6 000 km. Celui-ci devrait traverser 13 pays africains rivalisant avec un autre projet : le gazoduc transsaharien (TSGP), long de 4.128 km, devant relier le Nigeria à l’Algérie via le Niger. Le tout, sur fond de relations diplomatiques et sécuritaire du Maroc avec Israël et la concurrence pour l’accès aux prometteurs marchés africains avec ses géants démographiques futurs comme le Nigeria (546 millions d’habitants en 2100[8]. Le Niger (167 millions d’habitants[9]), le Mali[10] (87 millions d’habitants) ou le Sénégal[11] (62 millions d’habitants).

D’ailleurs, l’Algérie a commencé depuis mars 2024 à construire une route de 890 km entre Tindouf et Zouerate au nord la Mauritanie. Son objectif est de se « connecter » à la route de l’Atlantique, promue par le frère « ennemi » marocain et qui passe par la Mauritanie en direction de Lagos au Nigeria en passant par la plupart des capitales côtières de l’Afrique de l’Ouest.

La Mauritanie a refusé d’assister à la mise en place du « Bloc du Maghreb », projet initié par l’Algérie autour de la Tunisie et la Libye, censé remplacer l’Union du Maghreb arabe et ainsi marginaliser le Maroc.

L’enjeu énergétique

Selon l’agence internationale de l’énergie, la demande mondiale en pétrole et en gaz naturel devrait doubler dans les vingt prochaines années.

Dans ce contexte, le bassin du Taoudenni, qui s’étend principalement au Mali, en Mauritanie et au sud-ouest de l’Algérie, présente des enjeux énergétiques significatifs pour l’avenir, notamment en termes de potentiel pétrolier et gazier, malgré son enclavement actuel et le manque d’infrastructures d’acheminement. Ce qui explique, entre autres, la récurrence du « terrorisme » dans cette région.

De plus, le projet de production de gaz naturel offshore entre la Mauritanie et le Sénégal, sur le champ « Grand Tortue Ahmeyim » (GTA),piloté par un consortium de développement, d’extraction, de production et de distribution comprenant la compagnie pétrolière sénégalaise Petrosen, la société Britannique British Petroleum (BP),  l’Américain Kosmos Energy et à la Société mauritanienne des hydrocarbures (SMH), devrait, selon ce consortium, produire 2,5 millions de tonnes de gaz par an à partir de 2025.

Dans un contexte global de fortes tensions sur l’approvisionnement en gaz, cette manne suscite déjà l’intérêt des investisseurs pour la Mauritanie, conduisant certains pays, comme le Royaume-Uni, à ouvrir une ambassade à Nouakchott.

Une autre source d’« énergie propre » suscite aussi l’intérêt des investisseurs : l’hydrogène vert.

Grâce à sa position géographique, la Mauritanie dispose d’importantes ressources solaires, éoliennes et hydrique (une façade maritime s’étendant sur 754 km le long de l’océan Atlantique), permettant une production d’électricité renouvelable à faible coût. Ainsi, un protocole d’accord a été signé avec un consortium allemand pour la réalisation d’un projet de 34 milliards de dollars pouvant produire annuellement 8 millions de tonnes d’hydrogène vert et de produits connexes, selon un article publié sur le site du FMI[12].

Les grandes compagnies pétrolières et gazières, ainsi que leurs États respectifs, se positionnent économiquement et militairement afin de contrôler cette manne ou, à défaut, d’écarter leurs rivaux. Leur objectif est de se positionner dans ces zones stratégiques pour sécuriser leurs approvisionnements en matières énergétiques : le golfe de Guinée pour les États-Unis, le Sahel et la Méditerranée pour l’Europe, et la corne de l’Afrique ainsi que la mer Rouge pour la Chine.

L’enjeu géostratégique au Sahel

Nouadhibou, la capitale économique de la Mauritanie, constitue le point géographique de l’Atlantique ouest le plus proche de la ville de Miami aux USA (6004 km), ce qui en fait un enjeu crucial dans le contexte sécuritaire de la nouvelle redistribution géostratégique des d’influences entre les grandes puissances : les Etats-Unis d’Amérique d’un côté et l’axe Russie-Chine de l’autre.

Dans ce contexte, la région du Sahel a connu trois coups d’Etats successifs au Mali, Burkina-Faso et Niger, dont le point commun est la volonté de chasser les bases militaires françaises et états-uniennes (notamment au Niger) et ainsi sortir du « pré carré » de l’influence française en Afrique francophone. D’ailleurs, ces trois pays viennent de créer une confédération, l’Alliance des États du Sahel[13] (AES), rompant ainsi avec la CEDEO[14] réputée proche de l’agenda de la France et des États occidentaux en Afrique de l’Ouest.

Cette nouvelle donne risque d’accentuer le niveau de conflictualité frontalière entre le Mali et la Mauritanie[15] (Pays historiquement proche de l’OTAN) sur fond d’actions du groupe « africa corp[16] » ( l’ex- Wagner, désormais intégré à l’armée régulière de la fédération de Russie, dédiée à l’influence géostratégique de la Russie en Afrique et dirigée par Iounous-Bek Yevkourov, l’ex président de la république russe musulmane d’Ingouchie). Ce groupe est accusé par la Mauritanie d’effectuer des incursions régulières à l’intérieur de son territoire, tuant des citoyens mauritaniens sous prétexte de « poursuites d’éléments jihadistes d’AQMI (Al-Qaeeda au Maghreb Islamique) ». Pourtant, en marge de sa visite à Nouakchott en février 2023, selon le journal français Le Point[17], Serguei Lavrov aurait demandé à la Mauritanie, avec laquelle la Russie a signé un accord militaire en juin 2021, d’installer une base militaire.

Ainsi selon, Richard Weitzer[18], directeur du Center for Policy Analysis à l’Hudson Institute en Virginie, les pays de l’OTAN, notamment les États-Unis et la France, s’activent afin d’éviter que la Mauritanie, pays habitué aux coups d’États, soit atteint par la contagion des putschs pro-russes des pays voisins de l’AES.

À cet effet, la présidence mauritanienne a annoncé il y a quelques jours avoir renforcé son arsenal militaire aérien, sans en préciser la source. Cependant, les pays de l’OTAN arment peu leurs alliés en Afrique et préfèrent y installer des bases militaires pour mieux déployer leur stratégie dans toute la sous-région. C’est le cas des anciennes bases françaises des trois pays de l’AES et de la base américaine au Niger, récemment démantelée et qui avait pour mission de surveiller les zones énergétiques du golfe de Guinée et du Taoudenni.

Le défi de l’émigration clandestine vers l’Europe

La ville côtière de Nouadhibou constitue un “hub” des jeunes émigrants issus de pays de l’Afrique de l’Ouest cherchant à atteindre l’Espagne.

La création d’un bureau de l’Agence européenne de la garde-frontières et garde-côtes (EBCG), dite FRONTEX, qui effectuent des missions d’appui à la police mauritanienne dans les villes frontalières de Nouadhibou, Rosso et Néma, afin de « combattre le trafic illicite de migrants, de drogue et d’êtres humains », n’a pas mis fin à ce phénomène.

Ce flux continu a suscité les tensions diplomatiques entre les pays de l’UE et les pays de transit de migrants comme la Turquie, la Tunisie, le Maroc et la Mauritanie. Ainsi, l’UE a conclu des accords avec ces pays, ce qui a indigné les organisations des droits de l’homme comme Amnesty international[19] qui considère que « l’UE deviendrait complice des violations des droits de l’homme de ces migrants ».

Selon une enquête de l’OIM (Organisation internationale pour les migrations de l’ONU) citée par le rapport d’évaluation de la coopération entre l’UE et la Mauritanie[20], publié fin 2021, le nombre de migrants a atteint 85 000, dont 32 000 à Nouadhibou. Ils travaillent essentiellement dans des domaines à haute pénibilité, comme l’orpaillage et la pêche.

Certes, des accords de réadmission sont souvent signés avec des pays d’émigration, mais pour des raisons diplomatiques, administratives et de volonté politique, ils atteignent rarement leurs objectifs, surtout dans le cas de la Mauritanie, qui est plutôt un pays de transit d’émigrants en provenance de d’Afrique de l’Ouest tentant de traverser par Gibraltar au Maroc ou Lampedusa en Italie vers l’Europe. À titre d’exemple, le Sénégal a signé un accord de réadmission avec l’UE en 2014, ratifié et entré en vigueur en 2019. Selon un rapport de l’OIM, le taux de réadmission était seulement de 35 migrants en 2019, 12 en 2020 et 20 en 2022.

Conclusion

La Mauritanie connaît une crise politique structurelle depuis 1992, conséquence de l’emprise totale de l’armée sur la scène politique.

Dans un tel contexte, eu égard au caractère prétorien du régime, à la stratégie polarisante de l’opposition et aux permanences d’une société tribale et ethnique, il est permis de douter que ces élections débouchent sur une nouvelle donne politique ou une réelle transition démocratique. Le scrutin risque fort de n’être qu’un remake du passé et connaîtra le même destin que celui des autres « démocratures[21] » du monde arabe.

Le « régime » mauritanien, à l’instar de la majorité des autres régimes du Maghreb, se focalise sur la sauvegarde immédiate du « système » et de ses intérêts propres, plutôt que sur la problématique de l’ordre social démocratique ou la bonne gouvernance. Malgré les cycles d’élections récurrentes depuis trente ans, l’ordre social autoritaire, d’apparence solide, tente de se pérenniser, limitant toutes possibilités de conception d’un nouvel ordre social et politique plus démocratique.

Pourtant, ces régimes partagent une même faiblesse structurelle : leur illégitimité aux yeux de leurs populations, ce qui implique une vulnérabilité en cas de crise sociale ou politique soudaine. À la moindre révolte citoyenne de moyenne ou haute intensité, ces régimes seraient les plus mal armés pour y faire face.

Ce pays fragile, et marqué par une faible cohésion sociale mais relativement stable, doté d’une armée avec une grande appétence au risque des « putschs », va-t-il tenir devant la nouvelle concurrence accrue entre les deux grands blocs géostratégiques, l’OTAN et l’axe Russie-Chine ?

Notes :

[1] Concept utilisé par Léopold Sédar Senghor et Aimé Césaire dans les années 1930 dans la veine du mouvement de la Négritude.

[2] L’Afrique-Occidentale française (AOF) était une fédération de colonies françaises en Afrique de l’Ouest, créée en 1895 et dissoute en 1958. Elle comprenait plusieurs territoires qui sont aujourd’hui des pays indépendants : la Mauritanie, le Sénégal, le Soudan français (aujourd’hui le Mali), la Guinée, la Côte d’Ivoire, le Togo, le Niger, la Haute-Volta (aujourd’hui le Burkina Faso) et le Dahomey (aujourd’hui le Bénin).

[3] Ville ou s’est tenue, le 20 juin 1990 la 16e conférence des chefs d’État d’Afrique et de France où le président François Mitterrand avait fait injonction aux chefs d’États africains de s’ouvrir au jeu démocratique.

[4] Les Rencontres des Études africaines en France, « Régimes « hybrides » : Une autre crise de la représentation ? Études africaines en France », REAF 2016, URL : https://etudes-africaines.cnrs.fr/les-rencontres-du-gis/regimes-hybrides-une-autre-crise-de-la-representation/

[5] La « double contrainte » théorisée par Gregory Bateson ou l’injonction est « Soyez spontané(e) ! » si on tente d’y obéir, on ne peut plus l’être et, si on s’y oppose, non plus. Résultat : quoi qu’on fasse, on est perdant

[6] François Gèze, « 3. Une démocratie de façade, une société verrouillée », dans : Omar Benderra éd., Hirak en Algérie. L’invention d’un soulèvement. Paris, La Fabrique Éditions, « Hors collection », 2020, p. 49-62. DOI : 10.3917/lafab.azouz.2020.01.0049. URL : https://www.cairn.info/hirak-en-algerie–9782358721929-page-49.htm

[7] Jean-François Médard, « L’Etat personnalisé », Politique africaine, n°39, Année 1990, pp. 25-36, URL : https://www.persee.fr/doc/polaf_0244-7827_1990_num_39_1_5394

[8] Population Pyramids of the World from 1950 to 2100, “Nigeria”, PopulationPyramid.net, URL :https://www.populationpyramid.net/nigeria/2100/

[9] Population Pyramids of the World from 1950 to 2100, “Niger”, PopulationPyramid.net, URL : https://www.populationpyramid.net/niger/2100/

[10] Population Pyramids of the World from 1950 to 2100, “Mali”, PopulationPyramid.net, URL : https://www.populationpyramid.net/mali/2100/

[11] Population Pyramids of the World from 1950 to 2100, “Senegal”, PopulationPyramid.net, URL :  https://www.populationpyramid.net/senegal/2100/

[12] Rabah Arezki, « Afrique du Nord : le mirage de l’hydrogène », in Finances & Développement, Fond monétaire international, Septembre 2023, URL :https://www.imf.org/fr/Publications/fandd/issues/2023/09/north-africa-hydrogen-mirage-rabah-arezki#:~:text=Un%20promoteur%20allemand%20et%20la,vert%20et%20de%20produits%20connexes.

[13] Le Journal de l’Afrique, « Les pays de l’AES instaurent une Confédération, actent la rupture avec la CEDEAO », France 24, 7 juillet 2024, URL : https://www.france24.com/fr/%C3%A9missions/journal-de-l-afrique/20240706-les-pays-de-l-aes-instaurent-une-conf%C3%A9d%C3%A9ration-actent-la-rupture-avec-la-cedeao

[14] La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) est un regroupement régional de quinze pays créés en 1975 : Bénin, Burkina Faso, Cap-Vert, Côte d’Ivoire, Gambie, Ghana, Guinée Conakry, Guinée Bissau, Liberia, Mali, Niger, Nigeria, Sierra Leone, Sénégal, Togo. La Mauritanie s’étant retiré en 1999.

[15] « Assimi Goïta a reçu le ministre de la Défense mauritanien, sur fond de tensions diplomatiques », Jeune Afrique, 2& avril 2024, URL : https://www.jeuneafrique.com/1560865/politique/assimi-goita-a-recu-le-ministre-de-la-defense-mauritanien-sur-fond-de-tensions-diplomatiques/

[16] John E. Lechner, “Is Africa corps a Rebanded Wagner Group?”, Foreign Policy, 7 Février 2024, URL : https://foreignpolicy.com/2024/02/07/africa-corps-wagner-group-russia-africa-burkina-faso/

[17] Le point Afrique, « Ce que Sergueï Lavrov est venu chercher en Mauritanie », Le Point, 9 février 2024, URL : https://www.lepoint.fr/afrique/ce-que-serguei-lavrov-est-venu-chercher-en-mauritanie-09-02-2023-2508111_3826.php#11

[18] Enrique Fernandez, “The Sahel arms race and tension between Mauritania and Mali”, Atalyar, 12 juin 2024, URL : https://www.atalayar.com/en/articulo/politics/the-sahel-arms-race-and-tension-between-mauritania-and-mali/20240611174419201408.html

[19] Communiqué de Presse, « Union européenne. Les réformes du Pacte sur la migration et l’asile exposeront encore plus les personnes au risque de subir des atteintes aux droits humains », Amnesty International, 4 avril 2024, URL : https://www.google.com/url?sa=t&source=web&rct=j&opi=89978449&url=https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2024/04/eu-migration-and-asylum-pact-reforms-will-put-people-at-heightened-risk-of-human-rightsviolations/&ved=2ahUKEwiqmej63ZeHAxV2TUEAHS2qB5oQFnoECBUQAQ&usg=AOvVaw0fp5YyZpCjr5EaHVxdrb2T

[20] European Commission, « Evaluation de la coopération de l’Union européenne avec la République islamique de Mauritanie (2014-2020) », Rapport final Volume 1, octobre 2021, URL : https://www.google.com/url?sa=t&source=web&rct=j&opi=89978449&url=https://international-partnerships.ec.europa.eu/system/files/2022-09/rapport-evaluation-cooperation-mauritanie-2014-2020_fr.pdf&ved=2ahUKEwj_qp6t3ZeHAxVpRUEAHSBEBf0QFnoECCQQAQ&usg=AOvVaw0QZfarR6dqUPWv4U7iY2_W

[21] Nicolas BAVEREZ, « Les démocratures contre la démocratie », Pouvoirs, 2019/2 (N° 169), p. 5-17. DOI : 10.3917/pouv.169.0005. URL : https://www.cairn.info/revue-pouvoirs-2019-2-page-5.htm