06/03/2024

La révolution et le djihad syriens :

comprendre autrement la violence politique et les mobilisations au Moyen-Orient

Par Montassir Sakhi
Idlib (Syrie), Photo de Ahmed Akacha sur Pexels.

Le présent article propose un renouvellement de regard sur la guerre au Moyen-Orient post-2011. Fondé sur des travaux de recherche sur les phénomènes de la révolution et de la violence politique au Moyen-Orient, il souligne quelques pistes d’une réflexion qui a fait ses preuves durant le printemps arabe de 2011, selon laquelle la résolution des problèmes aussi massifs que l’autoritarisme et la violence pathologique marquant les gouvernements de la région (de la Syrie d’al-Assad à l’Israël de Netanyahu) passerait par le dépassement des grandes idéologies nationalistes et les systèmes de représentation ayant échoué depuis l’installation des nouveaux États-nations postcoloniaux. La révolution syrienne, qui a démarré le 15 mars 2011, offre ainsi une perspective analytique pour comprendre comment et pourquoi les gouvernements de la région recourent aujourd’hui à des violences extrêmes face à une nouvelle poussée de revendications politiques. Ainsi, la destruction, toujours en cours, de Gaza, ainsi que la guerre menée par le gouvernement israélien contre les Palestiniens depuis l’attaque commise par le Hamas le 7 octobre 2023, constituent deux exemples d’application de ce nouveau cadre analytique. En explorant le nouveau dans la situation syrienne – ultime manifestation du printemps arabe – l’analyse porte un éclairage sur la guerre israélienne et, par extension, sur des situations répressives et belliqueuses dans la région. En effet, dans la séquence qui s’ouvre en 2011, la révolution syrienne permet de comprendre les balbutiements politiques et les doutes qui s’insèrent au sein des mouvements du printemps arabes comme au sein des gouvernements. Elle offre les clés pour interroger la violence politique qui s’opère depuis les vieilles idéologies qui, comme le sionisme dans sa version extrémiste, ressurgissent contre toute politique de la paix et de l’émancipation.

À partir de cette problématique, une hypothèse se dessine comme un programme de recherche : l’échec de la révolution syrienne, malgré son inventivité et sa critique radicale du pouvoir national, soulève la nécessité de reconsidérer les rapports de domination entre gouvernants et gouvernés tout en prenant en compte la menace de la guerre civile qui guette la mobilisation. Cela inclut également la nécessité de considérer les enjeux des puissances coloniales prêtes à déployer leurs machines guerrières et soutenir les dynamiques étatistes protectrices d’une certaine forme de la politique répressive qui maintient l’assujettissement, par la frontiérisation[1] et la reproduction des grandes distinctions telles Orient-Occident, Nord-Sud, juifs-arabes-musulmans, etc. Enfin, cette hypothèse implique de repenser la relation entre anciens discours politiques (du communisme à l’islamisme, en passant par le panarabisme et le sionisme) et la nouvelle politique révolutionnaire contenue dans le printemps arabe, la révolution syrienne en l’occurrence.

 

Montassir Sakhi

Montassir Sakhi

Montassir Sakhi, né à Rabat (Maroc), est anthropologue et chercheur postdoctoral au département d’anthropologie de la KU Leuven (Belgique). Il a obtenu son doctorat en anthropologie à l’université Paris 8 en 2020. Ses travaux de recherche se concentrent sur deux thèmes principaux :  les transformations des discours politiques oppositionnels au Moyen-Orient et les effets des politiques frontalières et antiterroristes européennes sur les pays du Maghreb ainsi que sur les descendants de l’immigration postcoloniale.

« Révolution » et « djihad » au crible de l’enquête ethnographique

Notre analyse réexplore et prolonge l’ouvrage anthropologique paru en 2023 sous l’intitulé La Révolution et le Djihad. Syrie, France, Belgique[2]. C’est un livre qui se propose comme une réponse, à travers l’enquête, au flou entourant deux catégories qui se posent de manière centrale dans les printemps arabes – la Syrie en l’occurrence – que sont « la révolution » et le « djihad[3] ». Ce flou persiste à la fois au sein d’un Orient en quête d’un renouvellement des discours politiques et au sein d’un Occident reproduisant le vieux discours du « choc des civilisations ». À mesure que progressait l’enquête ethnographique, nous avons constaté l’importance de cette distinction, souvent occultée dans la littérature traitant à la fois des printemps arabes et des radicalisation studies. La réflexion sur la politique contenue dans ces deux catégories contemporaines – la révolution et le djihad – se construit en s’appuyant sur les expériences, les pratiques et la pensée des gens rencontrés. Pour illustrer ce propos, nous avons examiné les contextes de la Syrie, de la France, de la Belgique et de l’Irak avant de proposer de tenir compte de cette analyse pour le restant de la région arabe et de ses rapports complexes avec les anciennes métropoles coloniales.

Pour ce faire, deux enquêtes ethnographiques ont été menées entre 2015 et 2023. La première s’est déroulée en Orient, explorant la révolution syrienne et l’établissement de l’État islamique à cheval entre la Syrie et l’Irak. Par une anthropologie politique engagée, nous avons été conduits à étendre notre propre engagement politique, débuté au sein des mouvements socialistes marocains. Cette démarche a consisté en des rencontres et des entretiens ethnographiques avec des Syriens ayant participé à la révolution de 2011, notamment dans les villes turques frontalières de la Syrie. Nous avons ensuite réalisé, en compagnie de l’anthropologue Hamza Esmili (KU Leuven) une série d’entretiens en Irak avec des anciens habitants des zones gouvernées par l’État islamique. La deuxième enquête a été, quant à elle, réalisée depuis les territoires de l’Europe à travers des entretiens et des observations auprès d’une vingtaine d’Européens ayant rejoint la révolution et le djihad en Syrie, et une soixantaine de familles – notamment des mères – concernées par le départ et parfois le décès de leurs fils ou leurs filles engagés en Syrie. Les deux enquêtes se sont déroulées sur fond d’un contexte politique et générationnel singulier, à savoir le printemps arabe qui dépassait les frontières de la seule région du monde arabe par ses influences et ses répercussions internationales, ainsi que la montée des politiques antiterroristes et l’islamophobie depuis les attentats du 11 septembre 2001.

De la réinvention d’une pensée politique révolutionnaire dans la séquence syrienne

La rencontre avec les révolutionnaires en 2015 nous révèle la profondeur de la pensée politique singulière d’une génération qui se détache des anciens modes et discours de la représentation et de l’opposition. La révolution syrienne n’est pas fondée sur des textes canoniques que l’on peut étudier aujourd’hui sans prêter attention aux mots et aux pratiques des révolutionnaires eux-mêmes. Cette pensée révolutionnaire n’a pas non plus reposé sur des organisations structurées selon la conception léniniste de la révolution et de la politique moderne. Loin d’une pensée programmatique, d’un programme national ou encore d’une idéologie faisant le constat d’un état de choses et aspirant à le renverser par un autre, les révolutionnaires syriens ont inventé de nouveaux répertoires politiques dont le point culminant sera la demande de la chute du régime. Cette demande, il faut la comprendre comme une revendication contre la forme de l’État-nation monopolisant la violence et incarnée par un gouvernement qui assassine son propre peuple. Dans la pratique, cette demande remet en cause l’État syrien par la fondation de « zones libérées » qui vont être l’antithèse de ce qui est proposé par des décennies de politique postcoloniale dans l’ensemble du monde arabe.

Le fait révolutionnaire syrien semble dès lors appartenir aux « profondeurs de l’âme [4] ». Par-delà l’opposition au principe étatiste-national, qui constitue un élément majeur de l’expérience syrienne, le djihad révolutionnaire s’est manifesté comme une forme politique pouvant revêtir différents sens et fonctions. Nous exposerons ci-après trois fonctions qui ressortent de notre enquête :

Premièrement, le djihad est compris par la société révolutionnaire comme une ressource religieuse fidélisant les vivants aux morts suivant l’énoncé largement diffus : « les martyrs ne sont pas tombés pour rien ». Au moment de la militarisation de la répression et la montée de la guerre de destruction menée par le régime, cette ressource religieuse responsabilise la société syrienne – reconduisant l’affirmation que les martyrs sont tombés dans une situation entraînée par l’ensemble de la société révoltée. Cette dernière est dès lors prise dans une situation de dette envers les morts. Ainsi, le djihad semble avoir été compris par les Syriens en 2011 plutôt comme une ressource révolutionnaire et non comme une « forme d’extrémisme religieux », ce qui expliquerait aussi le basculement de la société dans une phase d’exception politique. Dans ce contexte, c’est bien la responsabilisation des Syriens qui a permis de maintenir sur un temps relativement long la mobilisation et de réactiver un courage exceptionnel quand on connaît la nature destructrice du régime bombardant les civils.

Deuxièmement, une fois que la révolution a réussi à installer les manâtiq al muharara (les zones libérées), le djihad révolutionnaire y sera compris comme une source de morale collective interne à la société émancipée des cadrages modernes des lois et de la gouvernementalité. Alors que la révolution a atteint la phase de fragmentation du territoire et de ligne de rupture définitive avec le régime al-Assad, l’ordre social dans les zones libérées s’est adossé aux ressources symboliques internes, telles que la religion. Dans les zones libérées et dans les brigades révolutionnaires, la religion a joué ce rôle d’intégrateur social au sein d’une société venant à bout de la territorialité moderne et répressive. Cette mise en place d’une « politique en intériorité[5] », a permis aux brigades révolutionnaires de se démarquer d’autres forces contre-révolutionnaires, à l’instar de l’État islamique (EI), qui se sont réapproprié la religion suivant une extériorité. Le recours au djihad révolutionnaire a également permis de contester les objectifs, l’hégémonie et l’organisation de l’État islamique, qui a cessé de faire partie du spectre révolutionnaire dès les premières tentatives d’institutionnaliser le religieux et de lui attribuer des représentants légaux et légitimes.

Enfin, le djihad révolutionnaire était également compris comme une source d’internationalisation du conflit. L’accueil entre juin 2011 et juin 2014 de ce qui a été appelé communément des « migrants du djihad », a obéi avant tout à un principe interne à la société révoltée, à savoir l’ouverture sur une solidarité internationale. Après avoir été accepté par la communauté internationale au moment de la condamnation des crimes d’al-Assad, l’accueil des migrants a brusquement pris fin avec l’incrimination des départs, en parallèle à l’essor des législations antiterroristes en Occident à partir de 2014. Cette fermeture s’est également produite avec la mise en œuvre, la même année, des opérations de la Coalition internationale tuant des milliers de civils[6] tout en stigmatisant les « étrangers » du djihad. Ce contexte a considérablement condamné une partie des migrants à rejoindre la branche antirévolutionnaire qui se développait en Syrie, à savoir l’État islamique.

Pour un renouvellement des cadrages scientifiques

Rares sont les travaux ayant rendu compte du souffle révolutionnaire contenu dans la situation syrienne. Au mieux, elle est présentée comme le fruit de mobilisations libérales qui traversent la région, ou l’expression d’une réaction contre un régime excessivement violent. Les lunettes des chercheurs occidentaux ont rarement réussi à distinguer la nouveauté portée par le religieux et l’ensemble des expressions culturelles garantissant mobilisations, le courage de rester sous la guerre et d’empêcher l’éclatement d’une guerre civile dans les zones libérées. Ceci s’explique d’abord par la prédominance d’une recherche saturée par le paradigme du « djihad international » défendu par la ligne réactionnaire de la pensée orientaliste – celle incarnée par les adeptes de la théorie culturaliste du choc des civilisations. Il s’explique également par une systématisation de l’observation sociologique objectivante, tournée vers « les structures » que constituent en réalité les organisations militantes, les partis, les discours structurés des représentants politiques. Dans l’absence de ces « structures » – car la révolution a bel et bien anesthésié les corps de la représentation partisane – et devant le maintien d’un discours politique de la gauche incapable de sortir du « campisme » de la guerre froide, les recherches sur la Syrie n’ont pas pris au sérieux la conjoncture singulière du printemps arabe. Rares sont les travaux initiant ce renouvellement des cadrages scientifiques dans le monde arabe[7] et en Occident[8].

Tout en s’inscrivant dans le cadre des discussions de ces travaux, l’enquête ethnographique que nous proposons vise à combler certaines lacunes en examinant les diverses connexions entre la révolution et le monde qui l’entoure. Nous souhaitons souligner ici que les révolutionnaires syriens, parfois de manière délibérée et parfois de manière contingente, n’ont pas tourné le dos à la condition contemporaine qui est la nôtre. À distance de tout nationalisme, ils se sont confrontés à des questions soulevées par le printemps arabe telles que le problème du gouvernement dans la condition postcoloniale, ainsi qu’aux crises éprouvées par une génération mondiale, comme la désillusion face à l’utopie libérale et les systèmes parlementaristes. C’est dans ce sens qu’il faudrait analyser non seulement « la géopolitique » du conflit, mais aussi la proposition politique contenue dans les premières manifestations et les zones libérées, l’accueil des révolutionnaires/migrants du djihad ainsi que les reconfigurations nationales (la question kurde dans la révolution) ou théocratiques (l’EI). Successivement, l’enquête explore les contraintes imposées à la révolution, telles que l’ingérence en soutien au régime et la fermeture des frontières européennes, ainsi que les sources de la solidarité inter-musulmane. À travers les entretiens et les témoignages des Syriens, ainsi que de ceux qui sont médiatiquement et juridiquement accusés de « terrorisme » du simple fait de leur départ vers la Syrie, nous proposons dans notre travail de saisir la politique, d’en extraire la portée révolutionnaire, et d’examiner la question de la violence à partir des pensées formulées et des rapports belliqueux.

Nous invitons ainsi la pensée critique et ses porteurs à saisir le renouveau initié par le printemps arabe et plus singulièrement la révolution syrienne qui a su se départir des anciennes idéologies nationalistes tout en maintenant un ordre dans les zones libérées et dans la société révoltée en général. Prendre en compte cette intelligence collective proposée par une nouvelle génération de mouvements sociaux permet de se ressaisir des phénomènes de la violence et des mobilisations sociales. En effet, la révolution syrienne donne des clés pour renouveler la réflexion autour de ces deux phénomènes se produisant dans une région soumise à une frontiérisation et une intervention militaire étrangère récurrente, ainsi qu’un redéploiement de gouvernements autoritaires et belliqueux. Ces clés permettent aussi de jeter un nouveau regard sur l’attaque du Hamas du 7 octobre 2023 en l’inscrivant dans les anciennes politiques devenues inopérantes, dévastatrices et mimétiques de l’extrême droite israélienne. Car la révolution syrienne, tout comme les mobilisations arabes de 2011, avait proposé une autre forme de lutte en dehors des organes de représentation politique classiques (le parti-État et les organisations partisanes). Ces éléments permettent aussi de repenser le génocide israélien commis à Gaza qui s’inscrit de fait dans la continuité des vieux canons des politiques de destruction (en Syrien, en Ukraine, en Irak, etc.) menées par des gouvernements et des puissances coloniales, sans considération pour des nouveaux mouvements politiques et des politiques issues de la vie de tous les jours[9].

De l’imaginaire du djihad révolutionnaire à la centralité de la question palestinienne

En 2017, quand nous organisions des entretiens, Hamza Esmili et moi-même avec des Syriens révolutionnaires au sud de la Turquie, nous étions frappés par les réponses à chaque fois que nous posions la question palestinienne. Du point de vue des chercheurs, partant des indications de la sociologie de connaissance de Mannheim[10], nous investiguions l’ensemble des relations discursives entre la révolution et les idéologies qui l’entourent. La question d’Israël s’est posée non seulement parce que le régime a utilisé l’antisionisme comme un dogme nationaliste et idéologique permettant à l’hégémonie baâthiste de se réaliser, mais aussi parce que l’imaginaire du djihad et de la révolution palestinienne depuis Yasser Arafat[11] avait imprégné les imaginaires collectifs syriens. C’est ainsi par exemple que nous avons rencontré des vétérans ayant mené la guerre du Liban parmi les fida’iyîne d’Arafat en 1982 avant de rejoindre, en 2011, l’Armée syrienne libre (ASL) contre al-Assad. Dans ces entretiens, ils soutiennent une continuité entre « la révolution » palestinienne et celle de leur pays trente ans plus tard.

Cependant, nous avons constaté que la conflictualité envers Israël était reléguée par plusieurs de nos enquêtés au second plan. Car pour les révolutionnaires syriens, le génocide (ibâda) perpétré par Bachar al-Assad envers son peuple, annihilait toute pertinence à adhérer à la théorie d’un ennemi extérieur, à laquelle la question israélienne faisait habituellement référence. C’est ainsi qu’un activiste syrien (aujourd’hui journaliste et influenceur pour le compte des réseaux pro-révolutionnaires en Syrie) nous a déclarés en juin 2016 : « Face à ce régime traître d’al-Assad, je ne vois aucun inconvénient à ce que la révolution déploie des tanks israéliens pour se défendre si cela lui serait permis ».

Si cette déclaration peut sembler exagérée, elle montre bien les objectifs d’une révolution qui dépasse la fragmentation des discours idéologiques et où la conflictualité et la dialectique sont confinées à une programmation partisane définissant l’ami et l’ennemi. Elle appelle ainsi à une redéfinition révolutionnaire de la conflictualité dans la région[12].

À l’heure d’aujourd’hui, dans les zones qui échappent au régime de Damas, les Syriens de la révolution continuent à dénoncer conjointement ces deux régimes, les percevant à juste titre comme l’antithèse de la proposition politique des printemps arabes.

Notes :

[1] Sur la tragédie engendrée par les politiques frontalières et migratoires imposées par les anciens États coloniaux, voir Montassir Sakhi & Wael Garnaoui, « La fabrique du désir de l’Occident frontiérisé », Revue De l’Institut Des Belles Lettres Arabes, 86(232), (2023), pp. 189-209.

[2] Montassir Sakhi, « La Révolution et le Djihad. Syrie, France, Belgique », La Découverte, Paris, octobre 2023

[3] Il faut rappeler ici que le mot largement adopté par les manifestants de 2011 était « La révolution » et ses dérivés comme « le hirak » ou « le mouvement pour le changement ». Mais dès que la situation vire à la répression, à la guerre civile dans la région et aux ripostes par des attentats suicides nihilistes en Occident, le mot « djihad » est adopté dans de nombreuses situations (en Syrie, en Irak, en Libye, en Palestine)., Tout au long de l’enquête sur la Syrie, le mot « djihad » revêt des significations multiples. Il est utopie révolutionnaire et anti gouvernementale dans le cas de la révolution syrienne. Ensuite, il est doté d’une puissance de solidarité islamique dans le cas des migrants rejoignant les rangs de la révolution. Par ailleurs, il est antirévolutionnaire, réactionnaire et autoritaire au moment de l’institutionnalisation du religieux par l’État islamique (Daech). Enfin, il est nihiliste et ripostant à la terreur par le terrorisme dans la séquence des attentats-suicides commis en Occident. Le livre enquête et étudie cette typologie.

[4] Thomas Münzer (1489-1525), chef religieux de la Réforme protestante et révolutionnaire dirigeant le mouvement anabaptiste est à l’origine de ce terme. Voir, Friedrich Engels, La guerre des paysans en Allemagne, SHS éditions, 2024 [1850]. Voir également Ernst BlochThomas Münzer, théologien de la révolution, Paris, Amsterdam éditions, 2022, 1ère éd. 1921.

[5] Sylvain Lazarus, Anthropologie du nom, Paris, Seuil,  1996

[6] En février 2019, des chiffres officiels de la coalition font état de 1 257 civils tués par les frappes aériennes – avant le bombardement final de la ville de Baghouz (dernier bastion de l’EI en Syrie) en 2019 –, tandis que l’ONG Airwars avançait, la même année, les chiffres de 7 595 à 12 561 civils tués par la coalition.

[7] Cette singularité est approchée du point de vue local par les travaux pionniers des intellectuels arabes Azmi Beshara, Yassin al-Haj Saleh et Faleh Abdul Jabbar. Voir Azmi Bishara, Souriya. Darb al alâm nahwa al-houriya [Syrie. Le chemin de la douleur vers la liberté], Doha, Arab Center for Research & Policy Studies, 2013 ; Voir Faleh Abdul Jabbar, Dawlat alkhilâfa. Attaqadûm ila al mâdî [L’État du califat. Une régression vers le passé], Beyrouth, Arab Center for Research and Policy Studies, 2017 ; Voir également Yassin al-Haj Saleh, The Impossible Revolution: Making Sense of the Syrian Tragedy, Hurst Publishers, 2017.

[8] Voir François Burgat, « La stratégie al-Assad : diviser pour survivre », in François Burgat et Bruno Paoli (dir.), Pas de printemps pour la Syrie. Les clefs pour comprendre les acteurs et les défis de la crise (2011-2013), Paris, La Découverte, 2013, p. 19-32. Voir également Charlotte Al-Khalili, Waiting for the Revolution to End: Syrian displacement, time and subjectivity, UCL Press, 2023 ; Voir également l’ethnographie de Jonathan Littell, Carnets de Homs, Paris, Gallimard, 2012.

[9] Asef Bayat, Revolutionary Life : The Everyday of the Arab Spring, Harvard University Press, 2021.

[10] Karl Mannheim, Idéologie et utopie, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2006 [1929].

[11] Gilles Deleuze, « Grandeur de Yasser Arafat » (septembre 1983), Revue d’Études palestiniennes, n° 10, hiver 1984 ; repris dans Deux Régimes de fous, Paris, Éd. de Minuit, 2003.

[12] Montassir Sakhi, « Sortir de la guerre d’Israël : leçons depuis la révolution syrienne », AOC, 15 janvier 2024.