Conférence hybride (présentiel et à distance) avec Peter Harling, modérée par Salam Kawakibi, le mardi 9 janvier 2024, à 18h30.
Les trois Moyen-Orients
La guerre de Gaza a ébranlé durablement la relation de l’Europe au monde arabe. Étant donné le degré de violences, il ne s’agit plus d’un énième « round » dans l’interminable conflit entre Israéliens et Palestiniens. Une majorité de gouvernements européens se sont distingués, non pas par un soutien somme toute attendu à Israël, mais par leur volonté d’appliquer à ce vieux conflit un nouveau prisme : celui d’une guerre contre le terrorisme qui se doit être sans merci. Cela revient à rejoindre le point de vue d’un gouvernement israélien d’extrême droite, renoncer à toute solution viable en matière de partage du territoire, voire refuser toute légitimité à la cause palestinienne, au nom des massacres commis spécifiquement par le Hamas. Dans le monde arabe, ce biais est vécu comme l’expression ultime d’un racisme désormais désinhibé. Cette perception, aussi répandue que puissante, est susceptible de changer la nature d’une relation souvent difficile, mais néanmoins proche, fertile et nécessaire.
Les dernières semaines ont mis en lumière l’existence, dans l’imaginaire européen, de trois Moyen-Orients qui n’ont quasiment rien en commun. Tout d’abord, Gaza incarne une région dont les problèmes, complexes, nous lassent : nous préférons l’ignorer complètement, comme nous aimerions ne plus entendre parler d’une Syrie exsangue, d’un Iraq incorrigiblement corrompu, d’un Yemen chaotique, d’une Libye des chefs de guerre, d’un Iran trop dur à la négociation. Notre indifférence s’étend à des partenaires incommodes comme le Liban, l’Égypte et la Tunisie, qui ne nous intéressent plus guère que sous l’angle de l’immigration. Ensuite, il y a le Moyen-Orient qui nous fait rêver, au contraire : les capitaux du Golfe, le gaz d’Algérie, le soleil du Maroc. Le fantasme va jusqu’à se projeter dans un monde feutré de business et d’innovation qui inclurait justement Israël. Enfin, il y a la région où vivent vraiment un demi-milliard de personnes, de plus en plus livrées à elles-mêmes, dans notre voisinage immédiat. Ces gens-là sont ceux qu’on voudrait méconnaître, garder à distance, humilier parfois, comme dans le cas de Gaza. Mais n’est-il pas temps, justement, de parler du Moyen Orient tel que ses habitants le vivent ? Cette conférence propose plusieurs axes de réflexion, pour une relation plus humaine et plus riche avec nos voisins méditerranéens.
Peter Harling
Peter Harling est le fondateur et le directeur de Synaps, un centre de recherche innovant spécialisé dans les questions économiques, environnementales et technologiques. Il vit depuis 25 ans dans le monde arabe, où il a travaillé en tant que chercheur, journaliste, et conseiller des Nations Unies.