Séminaire : les relations arabo-européennes aujourd’hui
Le 28 novembre 2018, se tenait, dans la salle de conférences du Musée des arts et métiers adossée au Cnam, le premier séminaire de recherche organisé par le CAREP Paris. À cette occasion, de nombreux universitaires et chercheurs arabes et européens étaient réunis pour marquer le lancement des activités de notre centre. La journée était consacrée à l’étude des Relations arabo-européennes aujourd’hui.
Vous retrouverez ci-dessous les comptes-rendus du colloque :
Résumés des interventions du séminaire sur les relations arabo-européennes
Les relations arabo-européennes aujourd’hui
Avant-propos
L’initiative d’un dialogue arabo-européen a été lancée dans les années 1970 en s’appuyant principalement sur la politique arabe de la France, engagée après la guerre d’Octobre (guerre de Kippour) en 1973 et la crise pétrolière qui l’a accompagnée. Ce dialogue a été entrepris par le président Georges Pompidou et son ministre des Affaires étrangères, Michel Jobert. Les deux parties de ce dialogue étaient à l’époque la Ligue arabe et la Communauté économique européenne (CEE). Cette initiative se fondait alors sur la refonte des relations arabo-européennes et leurrétablissement surune base égalitaire, respectueuse des intérêts respectifs. Ce dialogue présentait par ailleurs une dimension stratégique commune : établir une coopération arabo-européenne en contrepoids de la politique américaine au Proche-Orient.
Plusieurs décennies après ces débuts hésitants, le monde dans son ensemble et le monde arabe en particulier sont aujourd’hui témoins d’événements et de changements majeurs : guerres, révolutions, contre-révolutions, changements d’alliances et grandes vagues migratoires, etc. De nombreuses questions se posent dès lors sur le statut et la nature des relations arabo-européennes : Peut-on parler véritablement d’une « politique arabe de l’Europe », tout comme d’une politique européenne de la part des pays arabes ? Les différentes voies empruntées depuis le Processus de Barcelone de 1995, en passant par L’Union pour la Méditerranée ou Le Dialogue 5+5, ont-elles permis d’instaurer une dynamique de dialogue et de coopération ? Sont-elles au contraire restées prisonnières des contradictions, des divergences d’intérêts et de priorités propres à chaque partie ?
Les révolutions du Printemps arabe survenues à partir de fin 2010 ont provoqué la surprise en Europe et ont perturbé l’attitude des États européens à leur égard. Contrairement au soutien apporté aux changements démocratiques qu’a connus l’Europe de l’Est à la fin de la guerre froide, les partis pris envers les révolutions arabes ont été plus mitigés pour différentes raisons d’ordre culturel, politique, économique et sécuritaire. Ces facteurs ont d’ailleurs joué un rôle important dans la définition des positions européennes vis-à-vis des forces contre-révolutionnaires, ainsi qu’à l’égard des acteurs de l’Islam politique et ont démontré la prédominance américaine et la relégation au second plan des droits de l’homme dans la politique étrangère de l’Union européenne.
Les révolutions du Printemps arabe ont cependant eu un impact en Europe. La transformation des révolutions, notamment en Syrie sous l’effet de la répression, en guerre régionale et internationale, a provoqué un flux de réfugiés qui a menacé la cohésion de l’Union européenne et son processus d’intégration. Bien que le Sommet de Munich de 2016 ait conclu que « l’intégration se fait par le marché de l’emploi », les positions des différents États européens demeurent discordantes quant à la « politique des portes ouvertes » et aux questions d’intégration économique et culturelle. Ces divergences se sont exacerbées avec la montée de l’extrême-droite dans certains États européens et l’adoption d’une politique intransigeante envers l’arrivée massive des réfugiés, au mépris des lois internationales et du respect des droits de l’homme.
On dispose de tous les éléments pour nouer un partenariat économique viable entre l’Europe et le monde arabe. D’une part, la région arabe possède des réserves énergétiques importantes qui pourraient être bénéfiques à l’Europe, dont la dépendance actuelle au gaz russe menace la stabilité. Pourtant, les bases d’un partenariat fructueux n’ont toujours pas été posées. D’autre part, l’Europe qui possède de grands moyens financiers et technologiques hésite encore à soutenir les États arabes dans la construction d’un développement durable et la réalisation d’une véritable transition démocratique qui renforcerait la sécurité des deux parties et contiendrait les vagues de réfugiés vers l’Europe.
Il est par ailleurs impossible de traiter sérieusement des relations arabo- européennes sans aborder la question palestinienne. Cette dernière constitue en effet une dimension importante de l’élaboration des relations arabo- européennes et de l’opinion publique arabe envers l’Europe, sans oublier le rôle joué par certains États arabes dans la manipulation de la cause palestinienne et la dispersion de son peuple. L’Europe a certes réalisé d’importantes avancées dans sa manière de concevoir la cause palestinienne. Mais cette approche ne s’est pas traduite en politique concrète de soutien au droit du peuple palestinien à l’autodétermination et à la construction d’un État indépendant, et s’est même accompagnée du renforcement du partenariat économique européen avec Israël. Il serait certainement utile d’examiner plus en profondeur les raisons de cette inertie des politiques européennes à l’égard de la cause palestinienne, qui sont d’ailleurs, sur ce point, devancées par une opinion publique plus favorable.
Compte tenu de l’importance des relations arabo-européennes et des problématiques qui l’entourent, le Centre arabe de recherches et d’études politiques de Paris (CAREP Paris) organise un séminaire académique abordant différents aspects des relations arabo-européennes, auquel participent des chercheurs et universitaires arabes et européens de renom, dont l’objectif est de mettre l’accent sur les enjeux actuels du monde arabe et ses relations avec l’extérieur.
Matin
De 8:30 à 9:00 Enregistrement et accueil
De 9:00 à 9:30 Mot de Bienvenue
- Mot de bienvenue : François Burgat
- Introduction : Tarek Mitri
- Présentés par : Salam Kawakibi
De 9:30 à 11:00 SESSION 1 : L’Europe et les enjeux des transitions démocratiques dans le monde arabe
Modérée par : Mehdi Mabrouk
Intervenants :
- Álvaro de Vasconcelos : Les relations euro- méditerranéennes à l’épreuve de la crise des démocraties
- Marwan Kabalan : Pourquoi la démocratie arabe constitue-t-elle un intérêt pour l’Europe ?
- Guillaume Klossa : Conséquences de la situation de l’UE sur les relations euro-méditerranéeennes
- Ahmad Hussein : L’Union européenne et la région arabe : sécurité contre démocratie
De 11:00 à 11:15 Pause-Café
De 11:15 à 12:30 SESSION 2 : Le rôle de l’Union européenne dans le processus de changement démocratique : Étude des cas de la Tunisie, de L’Égypte et de la Syrie
Modérée par : Agnès Levallois
Intervenants :
- Asma Nouira : L’Union européenne et la transition démocratique en Tunisie
- Mohamed Mahsoob : Le rôle de l’Union européenne dans la transition démocratique égyptienne
- Manon-Nour Tannous : L’Union européenne en Syrie, entre diplomatie et sanctions
De 12:30 à 14:00 Déjeuner
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Après-midi
De 14:00 à 15:30 SESSION 3 : Économie, développement et questions migratoires
Modérée par : Isabel Ruck
Intervenants :
- Jean-François Daguzan : Les relations économiques entre l’Europe et les pays arabes : paradoxes et contradictions
- Jihad Yazigi : Quel rôle pour l’Europe dans la reconstruction de la Syrie ?
- Younes Belfellah : Le statut avancé Maroc-Union européenne : bilan, enjeux et perspectives de développement
- Youssef Courbage : Démographie de la migration arabe (France et Europe)
De 15:30 à 16:00 Pause-Café
De 16:00 à 17:30 SESSION 4 : L’Europe et la cause palestinienne
Modérée par : Alain Gresh
Intervenants :
- Bichara Khader : L’Europe et la question palestinienne (1948-2018) : responsabilité historique et incohérence diplomatique
- Dominique Vidal : Les alliances nouées par Israël avec les forces populistes et d’extrême-droite : un nouvel obstacle pour l’Europe ?
- Jean-Paul Chagnollaud : Le conflit israélo-palestinien est (re)devenu un conflit colonial
17:30 à 18:00 Conclusion : Vers une nouvelle ère des relations internationales
par Bertrand Badie